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INTERVIEW |
‘‘Les activités des e-commerçants évoluent très rapidement, on peut parler de « clients mutants »’’ F. JOURNO, CrossLog
Interview
de Franck JOURNO, Directeur Commercial et Marketing
de CrossLog
Réalisée le 31/01/2013 par Frédéric
LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans
le cadre du dossier thématique «
La logistique au service du e-commerce ».
Quelles sont les exigences spécifiques des e-commerçants et quels en sont les impacts en terme d’organisation logistique ?
Ce que vous appelez exigences, j’appelle ça le contrat. Nous sommes engagés avec nos clients pour assurer une prestation qui consiste à réceptionner leurs marchandises dans un délai prévu de 24 heures et préparer les commandes dans la journée. Toute commande passée avant midi est remise au transporteur le soir même. Ce niveau d’exigence est généralisé à l’ensemble de nos clients.
Michel
RAMOS, a-SIS Isabelle
BADOC, Generix Group Florent
BOIZARD, Hardis
Jean-Michel
WAYOFF, Transept Informatique
Thomas
DESCOURS, Vente Unique
Jean-Pierre
GAUTIER, ACSEP
Chantal
LEDOUX, Boa Concept |
On s’aperçoit que c’est sur les 3 dernières années que le niveau d’exigence des e-commerçants a augmenté. Il est tout simplement lié à l’exigence de l’internaute qui commande en ligne et qui veut désormais pouvoir profiter de son produit tout de suite. Auparavant, ce niveau d’exigence était assez stable d’une année sur l’autre.
Il faut tout de même se rappeler qu’au tout début du e-commerce, l’exigence d’une livraison rapide était déjà présente mais ce n’était pas pour les mêmes raisons. Il y a 10 ans, les clients voulaient leurs produits tout de suite parce qu’ils se méfiaient de la vente à distance. Ils avaient confié leur numéro de carte bancaire et n’étaient pas sûr de réellement recevoir leur commande. Ils avaient beaucoup entendu parler de fraude et cette exigence était plus basée sur de la peur que sur une vraie volonté de pouvoir profiter des produits rapidement.
Aujourd’hui, la concurrence entre e-commerçants est très forte et les consommateurs sont particulièrement aguerris par rapport au e-commerce. Ils savent chercher la meilleure offre, comparer les prix et trouver le prestataire qui va leur donner la meilleure offre au meilleur prix, autant en terme de prix produit que de frais de port.
En
même temps, il y a un deuxième phénomène
qui n'est pas forcément lié à
la logistique mais qui a des conséquences
sur cette fonction. Il s'agit des coûts
d’acquisition. Aujourd'hui, pour gagner
un client quand on est un site marchand, on doit
travailler sur de l'acquisition, sur de la fidélisation.
Ainsi les coups marketing, notamment ceux liés
au référencement sur Google ont
explosé ces deux dernières années.
En conséquence, lorsqu’une enseigne
a réussi à gagner un client, elle
doit tout faire pour le garder et pour le fidéliser.
Ce niveau d’exigence en termes de coûts
d'acquisition s'est transformé en exigences
très fortes sur le prestataire logistique.
Nous devons impérativement respecter les
délais promis aux clients, ne pas faire
d'erreur de préparation de commande pour
ne pas rendre le client insatisfait.
Il convient de respecter la promesse qui est connue du client et exprimée sur le site Internet du e-commerçant. En cas d’erreur, il convient de tout faire pour « récupérer le coup » pour éviter que le client entre dans un tunnel d'insatisfaction.
D’autre part, ce qui est réalisé aujourd'hui en standard risque de bientôt ne plus être la règle. Par exemple, de plus en plus, on va retarder l'échéance à partir de laquelle on arrête de recevoir des commandes du site e-commerçant.
Si aujourd'hui le seuil était midi, on va pouvoir le repousser jusqu'à deux heures de l'après midi. Toute commande reçue avant quatorze heures pourra être préparée dans l'après midi pour une remise transporteur avant 16h30 / 17h. Cela nous laissera entre 2 et 3 heures pour préparer les commandes.
Une autre exigence tient à l'ordre de service. Il y a 15 ans avec la VPC on se contentait d'envoyer un colis éco sans aucune visibilité pour le client final en une quinzaine de jours. Aujourd'hui c'est devenu impossible. Le standard est de 48 heures et on a même des grands faiseurs du type Amazon qui vont pousser pour que le standard devienne 24 heures.
Ça veut dire qu'aujourd'hui, le client doit recevoir son colis très rapidement mais qu’en plus il doit être informé sur la préparation de son produit, sur sa remise au transporteur et si il le souhaite pouvoir suivre le colis entre la remise au transporteur et la livraison finale.
En effet, à partir du moment où le client commande sur le site Internet d’un e-commerçant, il considère avoir le droit d'être tenu informé par ce site. C'est une exigence très forte. Aujourd'hui, un client qui ne reçoit pas son colis dans les délais, si il a été prévenu, fera preuve d’une insatisfaction limitée. En revanche, si il n'en a pas été informé, il sera (à juste titre) très mécontent.
C'est un phénomène similaire à celui des retards de train. Si les usagers sont prévenus, ils sont prêts à l'accepter. Si au contraire le train a 2 heures de retard mais que l'usager n'est pas prévenu, son insatisfaction sera très forte.
Ce besoin d'information s'est donc décuplé ces dernières années. C'est dans ce sens que nous avons développé des process toujours plus productifs et une grande traçabilité sur nos opérations de l'entrée du produit dans l’entrepôt jusqu'à la livraison au particulier.
Sur quels périmètres géographiques hors France intervenez-vous et quelles sont les grandes différences que vous notez entre les pays européens en terme de e-commerce ?
Les marchés européens sur lesquels nous intervenons sont des marchés proches : le Benelux et l’Europe du Sud (Espagne et Italie) qui est en quelque sorte le nouvel eldorado du e-commerce.
Le point commun entre ces pays et la France tient aux besoins de traçabilité et d’information qui sont les mêmes quels que soient les pays destinataires.
Ces besoins sont d'autant plus importants quand la commande provient d’un pays étranger. Les consommateurs considèrent alors que le degré d'incertitude est plus fort. De même, les délais de livraison sont bien entendu plus longs.
Ce qui différencie les marchés provient des différences de cultures. Par exemple, dans les pays du sud, logistique et moyens de paiement sont liés. Contrairement aux clients français, les clients espagnols et italiens commandent sur Internet en priorité sur des sites qui leur permettent de payer à la livraison. Culturellement, il devient donc important de pouvoir proposer une prestation de contre remboursement dans l'offre de service.
L’autre différence significative concerne la gestion des retours. Un client espagnol ou italien n'aura pas de difficulté à commander sur un site français à partir du moment où il lui sera offert la possibilité de retourner son produit non pas en France mais sur son territoire national.
Il faut donc pouvoir bénéficier d’une adresse dans le pays qui pour CrossLog va correspondre à l'adresse d’une plateforme sur laquelle pourra être retourné le produit.
Ce sont donc deux conditions indispensables pour pouvoir se développer sur ces marchés.
Quels sont les intérêts du modèle cross-canal et comment adaptez-vous votre offre logistique pour pouvoir en faire bénéficier vos clients ?
Pour les marques existantes qui disposent déjà d’un réseau de boutiques en propre, une des tendances actuelles est de mêler les canaux de distribution de manière à assurer la pérennité et l'univers de la marque.
La marque demande alors de pouvoir utiliser ses boutiques comme points de livraison. En contrepartie de frais de port limités ou même offerts, le client devra aller chercher sa commande en magasin. L'objectif pour la marque consiste à faire rentrer à nouveau le client dans son magasin et à créer ainsi une opportunité de vente complémentaire.
L’autre
avantage de ce modèle cross-canal tient
à la possibilité pour le client,
dans le cas où il ne trouve pas le produit
en magasin (en particulier en taille dans le cas
du textile), de pouvoir passer une commande depuis
le magasin (par exemple via l'utilisation d'une
borne) pour se faire livrer à son domicile.
La marque évite ainsi de perdre une vente.
Plutôt que de se faire concurrence, les réseaux s'associent donc pour développer leurs zones de chalandise et le portefeuille client de la marque.
D’un point de vue logistique, le magasin devient donc un point de livraison. Cela implique de pouvoir concevoir des colis e-commerce qui seront remis au prestataire logistique ou à l’entrepôt central de la marque pour rejoindre les flux de réapprovisionnement des magasins.
Ainsi les coûts de livraison de ces colis sont marginaux ce qui permet d’offrir les frais de port aux clients finaux.
Nous pouvons trouver des solutions pour mettre en place et définir des synergies entre une activité existante de livraison des magasins et l’activité e-commerce de nos clients en particulier en travaillant sur des synergies opérationnelles en entrepôt.
Comment avez-vous adapté votre offre à la diversité des business models présents sur Internet ?
Aujourd’hui,
nous nous adressons à tous les commerçants
: du plus petit marchand Priceminister qui a envie
d’externaliser sa logistique jusqu'au pure-player
qui souhaite déléguer ses opérations
à un prestataire.
Il n’y a pas de limite sur la taille et
sur la maturité des business des clients.
Si nous proposons des standards de production, de facturation ou de traitement d’information, chaque client bénéficie d'une offre personnalisée. Nous sommes en effet persuadés que chaque client est différent.
Aujourd'hui chez les marchands, on retrouve une grande complexité. On peut même parler de « clients mutants ». Leurs activités évoluent très fortement d'une année sur l'autre. Leurs business models changent très rapidement. En conséquence, notre offre doit être adaptable, modulable pour suivre nos clients qui comptent sur nous pour les accompagner dans leurs croissances et dans leurs élargissements de gammes.
En particulier, les besoins en surface évoluent très rapidement. On peut citer l’exemple d’un client qui commence son activité avec des petits produits de puériculture du type tétine, biberon, textile… et qui va vouloir faire évoluer sa gamme en vendant des produits connexes mais de gabarits plus importants comme des poussettes ou des meubles.
Logistiquement, la gestion de ses références sera très différente.
Nous devons donc pouvoir les accompagner dans la croissance et dans leur mutation liée à leur évolution de gamme.
Quels sont les critères de sélection des prestataires par les e-commerçants? Quelles sont les grandes différences par rapport à ceux utilisés par les chargeurs traditionnels ?
Un e-commerçant cherche des spécialistes de la e-logistique. La gestion des opérations du e-commerce n'est pas accessible à tous les prestataires traditionnels, c'est-à-dire habitués aux opérations BtoB et qui n'ont pas encore basculé vers ces modes de préparation spécifique.
Ce que va rechercher un marchand, c'est un prestataire qui a déjà mis en place, éprouvé des solutions. En particulier, en optant pour un logisticien qui peut mutualiser sa propre activité avec celles de clients déjà existants, le e-commerçant doit bénéficier de tarifs compétitifs. Cette mutualisation peut porter sur des surfaces, des moyens, etc.
Enfin, je l'ai déjà évoqué tout à l’heure, le client recherche également un prestataire qui va pouvoir l’accompagner dans sa croissance. Le prestataire choisi ne doit donc pas avoir de limite en termes de développement (de surface, de service), d’expérience (exploitation multi transporteur, international) et de capacité à gérer aussi bien des petits produits que des produits lourds.
Le prestataire doit pouvoir s’adapter aux changements de modèles économiques (d’un modèle sur-stock à un modèle cross-docking, capacité à livrer aussi bien des magasins que des particuliers, etc.).
Enfin, les e-commerçants accordent de l’importance à la palette de services offerts qui doit être la plus large possible.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
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- Retrouvez dans notre répertoire de solutions, les WMS, TMS et prestataires spécialisés dans la gestion des flux e-commerce.
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Bio Express
Entré chez CrossLog en 2007,
Franck JOURNO y occupe la fonction
de Directeur Commercial et Marketing.
Sa mission est d'assurer le développement
commercial du prestataire et de
définir les nouvelles offres
à proposer aux clients. De
par son parcours professionnel,
Mr JOURNO possède une solide
expérience dans le transport
(BtoB, international, distribution
des particuliers et e-commerce).
CrossLog
est un prestataire spécialiste
des marchés du e-commerce
comptant 120 clients et dont les
entrepôts d’une surface
de 34 000 m² sont situés
en région parisienne. Le
chiffre d’affaires de la société
en 2011 était de 17,4 M€.
Site
Internet de CrossLog : www.crosslog.com