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INTERVIEW |
‘‘L’enjeu du cross-canal pour le WMS est de s’adapter chaque jour aux volumétries mais aussi à chaque commande en fonction de sa typologie’’ F. BOIZARD, Hardis
Interview
de Mr Florent BOIZARD, Chef de Produit Solutions
Logistiques chez HARDIS
Réalisée le 14/01/2013 par Frédéric
LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans
le cadre du dossier thématique «
La logistique au service du e-commerce ».
Quelles sont les exigences spécifiques des e-commerçants ? Quels en sont les impacts en terme d'organisation logistique ?
C’est en fait le client final qui exige ! Il a en effet de nombreuses exigences vis-à-vis du e-commerçant. Ce dernier nous les retransmet et souhaite ainsi bénéficier d’une qualité de service plus élevée que celle dont bénéficie le retail traditionnel.
Michel
RAMOS, a-SIS Isabelle
BADOC, Generix Group
Jean-Michel
WAYOFF, Transept Informatique
Thomas
DESCOURS, Vente Unique
Franck
JOURNO, CrossLog
Jean-Pierre
GAUTIER, ACSEP
Chantal
LEDOUX, Boa Concept |
Si on prend l’exemple du secteur textile, en franchise ou dans le réseau propre de magasins, il est possible de reporter une livraison d’une journée. On ne déploiera pas des logistiques très coûteuses pour améliorer de quelques points les taux de service existants.
Si on pouvait s’autoriser des manquants en retail, on ne le peut plus dans une activité e-commerce.
En effet, en magasin, si une référence manque, la clientèle ne s’en aperçoit pas forcément. Au contraire, en e-commerce, si un client n’est pas livré en temps et en heure, le risque de le perdre est très important.
Les délais logistiques sont donc beaucoup plus courts. Le commerçant exige des délais d’une ou deux journées là où encore une fois en retail, on avait plus de temps.
Les autres exigences que l’on peut évoquer sont : un coût logistique le plus faible possible et la possibilité de procéder à des retours facilement.
En parallèle de ces exigences plus élevées, il convient d’évoquer de nouvelles contraintes :
- D’abord la typologie des commandes a changé (très peu de lignes par commande et beaucoup de commandes)
- Il en résulte que le coût de transport est plus élevé dans la mesure où les coûts fixes sont répartis entre des quantités bien moindres.
- Enfin, les référentiels articles sont beaucoup plus larges qu’auparavant. Il s’agit en fait d’une contrainte liée aux problématiques de référencement sur les moteurs de recherche du type Google. Pour faire venir les internautes sur leurs sites e-commerce, les distributeurs augmentent leurs référentiels dans l’espoir de ressortir sur les requêtes tapées par les clients sur les moteurs. Ils créent ainsi un maximum de fiches articles.
La logistique du e-commerce est donc marquée à la fois par des exigences fortes mais également par de nouvelles contraintes.
Cela implique une « révolution » dans les entrepôts dans le sens où de nouveaux processus logistiques apparaissent pour atteindre les objectifs de niveaux de coûts et de qualité qui en découlent.
Avec une logistique traditionnelle, on ne répondra ni aux problématiques de coût ni aux problématiques de qualité.
Nous avons par exemple mis en œuvre de nouvelles façons de gérer les commandes et les retours.
Il s’agit en particulier de jouer sur tous les processus qui cherchent à limiter les temps de marche.
Il y a quelques années, il y avait beaucoup de réflexion autour de la façon dont on prenait les pièces (le nombre de prises). Dans les années 90, dans les écoles de logistique, on apprenait qu’il fallait « toucher l’article une seule fois ». Avec le e-commerce, ce n’est plus vrai. Les processus de ramasse et tri permettent de toucher l’article plusieurs fois à partir du moment où on limite les temps de marche.
Quelles sont les grandes différences que vous notez entre les pays européens en terme de e-commerce ?
En tant qu’éditeur de logiciels d’exécution, ces différences ne nous impactent pas réellement.
Je vais cependant vous répondre en me référant à ce que nos clients e-commerçants dont le périmètre commercial englobe plusieurs pays nous indiquent.
Pour eux, il est nécessaire de comprendre les aspects culturels avant de déployer leurs sites.
Prenons l’exemple des retours : chaque pays a un comportement différent. Dans les pays de VAD (Vente A Distance) historiques comme l’Allemagne ou l’Angleterre, les clients font des retours plus naturellement que dans les pays d’Europe du Sud. Dans ces pays, il est donc nécessaire de disposer d’une offre efficace sur les retours pour pouvoir s’imposer.
Les différences portent également sur le paiement en ligne : certains pays sont habitués au paiement par carte bancaire, d’autres ont encore des moyens historiques de la VAD (paiement à la livraison), etc.
Comment avez-vous adapté votre offre pour répondre aux problématiques du e-commerce ? Et en particulier aux différents business models présents sur Internet (sites de vente privées, enseignes traditionnelles ayant ouvert une boutique en ligne, pure-players, market-place, etc.)
Nous nous positionnons sur trois marchés en e-commerce. Deux sont historiques (la prestation logistique et le retail) et le troisième concerne les pure-players.
Sur chacun de ces trois marchés nous allons nous exprimer très différemment en termes de méthodes de commercialisation et de service. Dans les faits, on va offrir les mêmes produits (entrepôt et transport) mais on ne va pas les présenter ni les mettre en œuvre de la même façon.
Chez les prestataires logistiques, on va chercher à avoir une couverture fonctionnelle maximale. Lorsqu’on présente un WMS à un prestataire logistique spécialisé en e-commerce, on va lui présenter une couverture très large et on va chercher à le former. On est sur un mode de commercialisation de type transfert de compétences. On ne peut en effet pas présager de ses besoins. Ceux-ci évoluent en fonction de l’évolution de son portefeuille clients (sites de ventes privées, retailer, etc.). Même si ils sont spécialisés, les prestataires cherchent généralement à élargir au maximum leurs domaines d’intervention.
Sur le retail (hors grande distribution), les problématiques portent sur les questions de cross- canal. Le seul e-commerce n’aurait pas suffi à les faire changer de logiciel. Par contre le multicanal et le cross-canal les amènent à se poser des questions qui impliquent souvent de revoir leurs schémas informatiques et logistiques.
Si les très gros pure-players du type
Amazon sont pour la plupart équipés
de solutions internes, de nombreux pure-players
commencent à avoir suffisamment de commandes
pour s’équiper de solutions logistiques.
Ils ne disposent généralement pas
des compétences nécessaires en logistique
et en gestion de projet. Nous leur proposons alors
du clef en main. On va commencer par comprendre
ce qu’il leur faut puis on leur présentera
directement la solution finale qui leur conviendra.
Les délais demandés sont très
courts et généralement ils n’ont
pas réellement de cahier des charges. Nous
intervenons alors dès la définition
des processus. L’aspect conseil est donc
beaucoup plus important avec cette population
qu’avec les retailers et les prestataires.
Vous évoquez le cross-canal, quels en sont pour vous les enjeux ? Quelles offres proposez vous pour répondre à ces problématiques ?
Nous pouvons noter que des grandes sociétés bien installées se posent actuellement ces questions. Ce qui a un impact sur le marché du renouvellement du WMS.
De même, des clients déjà installés lancent des gros programmes de refonte de leurs systèmes.
Si les retailers estiment que le cross-canal peut leur apporter des atouts (développement commercial, mutualisation des achats/approvisionnements, etc.), les impacts en terme de processus peuvent être coûteux. Une recherche d’équilibre entre ces opportunités et contraintes peut les amener à retenir des solutions mixtes. L’adoption d’un modèle cross-canal leur impose de devoir repenser à leur schéma logistique.
Les logiciels doivent donc bénéficier d’une grande ouverture fonctionnelle. Les 1ers dépôts déployés sont fonctionnellement denses avec tous types de processus (réassort, implantation, e-commerce, etc.). Depuis des années, nous menons des travaux importants sur le e-commerce. Un logiciel qui ne sait pas gérer les activités e-commerce ne pourra en tout état de cause pas gérer ces modèles cross-canal.
Les logiciels doivent également pouvoir s’appuyer
sur un moteur d’analyse des portefeuilles
qui va permettre de distinguer les commandes.
Au moment de la réception des commandes
dans le système, celui-ci va les analyser
et déterminer le mode de traitement le
mieux adapté. Le système doit donc
être capable de s’adapter tout seul
aux changements de volumétrie et donc affiner
la manière de gérer les opérations
dans l’entrepôt.
Le moteur d’analyse va également
étudier la typologie des commandes, les
comparer les unes par rapport aux autres et, en
fonction de cette analyse, proposer le mode de
fonctionnement le mieux adapté.
Pour résumer, l’enjeu du cross-canal pour le WMS est de s’adapter chaque jour aux volumétries mais aussi à chaque commande en fonction de sa typologie.
Cross-canal, vous avez dit cross-canal
?
Florent BOIZARD définit le cross-canal
comme l’adaptation du
distributeur aux souhaits du
client. A savoir:
- acheter où il veut,
quand il veut, avec l’outil
qu’il veut (magasin, site
Internet, smartphone…)
- et recevoir sa commande là
aussi quand il le veut et là
où il le veut.
Il ne s’agit pas à proprement
parler d’une stratégie
décidée par une
organisation mais plutôt
d’une adaptation aux exigences
de la clientèle.
L’exemple
le plus flagrant du cross-canal
est le fait de pouvoir acheter
sur un site web et de retirer
la commande en magasin.
Dans cet exemple qui paraît
pourtant simple, toute l’organisation
est en fait concernée.
Dès lors, plusieurs questions
doivent être traitées
:
- Quels impacts sur les
prévisions de vente et
de stock ? Les outils qui permettent
de prévoir les stocks et
les ventes en magasin ne sont
plus forcément adaptés.
En effet, le e-commerce va modifier
les comportements d’achat
: on achète la nuit, le
dimanche…
- A quel canal attribuer
une vente si l’internaute
vient retirer la commande en magasin
?
- Faut-il créer une
Direction E-Commerce ou au contraire
supprimer la Direction E-Commerce
créée quelques années
auparavant ?
- Dans l’entrepôt,
quelle stratégie adopter
? On peut en particulier évoquer
trois enjeux :
o Être
capable de mettre à disposition
tout le référentiel
de l’enseigne dans tous
les canaux : le client ne doit
pas se sentir perdu selon qu’il
utilise l’un ou l’autre
des canaux. Il va cependant falloir
éviter d’immobiliser
trop de stock pour autant. Bien
souvent, lorsque les retailers
se sont lancés dans le
e-commerce il y a 5 ou 10 ans,
ils ont sous-traité le
volet logistique de ce business
dans des entrepôts distincts
de l’activité magasin.
Il s’agissait d’entrepôts
uniquement dédiés
à cette nouvelle activité
e-commerce. Avec le cross-canal,
cette stratégie est remise
en cause.
o Maîtriser
les flux cross-canal : savoir
préparer une commande pour
un particulier et la livrer en
magasin, opération complexe
dans le cas où chaque activité
est gérée dans un
entrepôt distinct.
o Dans le cas
d’une « fusion »
des entrepôts pour création
d’un « entrepôt
cross-canal » se pose la
question de la définition
des niveaux de stock et de qualité.
En effet, l’entrepôt
BtoB a généralement
une qualité de stock et
une fiabilité plus faibles
que l’entrepôt BtoC.
Mettre toute l’activité
logistique au niveau de celle
du e-commerce (fréquence
des inventaires, niveau des stocks,
contrôles en réception,
etc.) représente un coût
conséquent. La question
se pose d’autant plus lorsque
l’activité e-commerce
représente encore un niveau
relativement faible par rapport
à celui de l’activité
traditionnelle.
Pour aller plus loin
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Bio Express
Florent Boizard bénéficie
de 10 ans d'expérience dans
le domaine des systèmes d'information
logistiques. Diplômé
de l’école Arts et
Métiers ParisTech (ENSAM),
il débute sa carrière
aux Galeries Lafayette où
il passe 2 ans comme chef de projet
logistique. En 2005, il rejoint
le groupe Hardis, comme consultant
SI logistique. Puis, il devient
responsable de l'innovation en 2008
et responsable du consulting en
2009.
Nommé
chef de produit depuis 2012, il
a pour principale mission de définir
les nouvelles orientations stratégiques,
fonctionnelles et technologiques
de la gamme Reflex. A ce poste,
il encadre les équipes R&D,
consulting avant-vente et consulting
projet, soit 60 personnes sur les
150 que compte le département
Solutions Logistiques.
Site
Internet d'Hardis : www.hardis-group.com