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‘‘ La négociation de contrats solides reste la meilleure des stratégies ’’
Fabien PETITJEAN, DESCARTES


Fabien PETITJEAN, Senior Solutions Consultant chez DESCARTES.

Fabien PETITJEAN, Senior Solutions Consultant chez DESCARTES.


Entretien réalisé le mardi 26 mars 2024 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Achats transport : comment réduire l'addition ? »


Quelle est la situation sur les marchés routier et maritime ?

L’évolution des coûts de transport est étroitement liée au contexte économique général. Or, celui-ci est actuellement marqué par un essoufflement de la croissance mondiale (2024 est la troisième année consécutive de ralentissement) et une inflation galopante (+4.9% en 2023).

Pour le transport routier de marchandises, la FNTR a ainsi mesuré une baisse de l’activité de près de 5% sur un an. La conjoncture actuelle en France et en Europe semble laisser croire que cette tendance se confirme en ce début d’année 2024. Pour les transporteurs, cette baisse d’activité est combinée à l'augmentation de certains postes de coûts. L'Union TLF, qui représente l'ensemble des métiers du transport et de la logistique, prévoit une inflation de près de 7 % en 2024, principalement stimulée par les coûts de personnel (+10 %) et de structure (+6 %). Enfin, même si le prix du gazole professionnel se stabilise actuellement, il reste sur des niveaux historiquement hauts.

Dans le même temps, les contraintes environnementales impactent de plus en plus les prestataires, obligés de se doter de camions avec des moteurs plus récents, d’électrifier une partie de leurs flottes, etc.

Pour pouvoir préserver leur santé économique, les professionnels doivent dès lors ajuster leurs tarifs.

Sur le front du transport maritime, la dynamique est quelque peu distincte. Durant la crise du COVID, les tarifs d'envois de conteneurs ont été quadruplés, avant de se replier vers des niveaux plus modérés, bien que nettement supérieurs à ceux prévalant avant 2020.

Depuis quelques mois, les aléas se sont multipliés : la crise en Mer Rouge et les difficultés de navigabilité au niveau du canal de Panama vont dans le sens d’une augmentation des coûts (primes d’assurances en hausse, trajets plus longs impactant la capacité disponible, nécessité de report modal notamment vers l’aérien, etc.) et des délais de transit (détours par le Cap de Bonne Espérance et par le Sud de l’Amérique Latine).




Comment les tarifs devraient-ils évoluer dans les prochaines années ?

Comme de nombreuses activités économiques, le secteur du transport est sujet à des cycles.

‘‘ Le secteur est actuellement dans la phase basse de la courbe ’’

Actuellement, il semble que nous soyons dans la phase basse de la courbe, marquée par une demande en déclin et une capacité de transport stagnante.

Lorsque les flux reprendront, il est probable que les capacités ne pourront pas suivre, et c'est à ce moment-là que les tarifs des prestataires pourraient réellement exploser.


Comment savoir si une entreprise paye son transport au prix juste ?

À mon sens, cette question peut être abordée selon deux perspectives :

  • Celle de la compétitivité des tarifs négociés au regard de ceux proposés sur le marché…

Une démarche de comparaison peut permettre de s’assurer que les prix que l’entreprise a obtenus sur le marché ne sont pas décorrélés de ceux proposés par les autres transporteurs. Pour cela, elle peut s’appuyer sur des outils de business intelligence, des tableaux de bord, et divers indicateurs de performance.
Ces derniers peuvent inclure le coût moyen par kilogramme pour les petits colis, par tonne pour les chargements volumineux, ou encore par kilomètre parcouru, etc. L'étude peut être enrichie en combinant ces différents facteurs pour obtenir une vue d'ensemble plus précise. Un système de gestion du transport (TMS) et les solutions d'analyse peuvent, sur la base de ces indicateurs, faciliter l'identification des anomalies tarifaires et des flux problématiques.

Il est en outre possible pour les chargeurs de comparer leurs coûts de transport avec ceux d’autres sociétés, grâce à des audits menés par des consultants spécialisés ou des études plus immédiates utilisant des indicateurs standards, comme ceux fournis par le Comité National Routier. Cependant, il convient de s’assurer que ces analyses prennent bien en compte les variations propres à certaines régions et les problématiques d’équilibres de flux.

Des outils de benchmarking spécifiques sont enfin également disponibles sur le marché, permettant de comparer ses contrats de transport avec ceux de ses concurrents. Descartes propose un tel outil pour le maritime.

  • … mais également sur celle de la conformité de la facturation des transporteurs
‘‘ Automatiser le contrôle de ses factures ’’

Il s'agit de vérifier que les factures de transport sont conformes aux tarifs préalablement négociés, qu'ils soient issus de contrats réguliers ou du recours au spot. Les TMS permettent d'automatiser le contrôle des factures et de faciliter la collaboration avec les prestataires en cas de divergences, généralement à travers la mise à disposition d’un portail en ligne. Il est même possible d’aller plus loin qu’un simple contrôle a posteriori, par exemple en mettant en place une préfacturation voir même une auto-facturation (self billing) du transport.



Comment arbitrer entre tarif contractuel et spot ?

Les chargeurs vont recourir au marché spot aussi bien par nécessité (lorsqu'ils n’ont pas pu obtenir de tarifs compétitifs ou en cas de défaillance de leur partenaire habituel) que par opportunité (conditions disponibles à un instant T plus favorables que celles négociées contractuellement).

Le spot soulève en fait plusieurs questions :

  • Quid de l’impact d’un recours au spot significatif sur les tarifs contractuels de l’année suivante ? Il faut être conscient que des prix contractualisés avec un prestataire permettent d’acheter le transport sur un tarif négocié moyen. Si un chargeur transfère une partie significative de son fret vers le spot, cela peut conduire à des réajustements de tarifs à la hausse conséquents l'année suivante pour compenser les coûts plus élevés observés.
  • À quoi bon bénéficier d'un tarif avantageux si le transporteur ne parvient pas à charger la marchandise comme convenu ? Même les meilleures négociations ont peu d'intérêt si l’expéditeur doit payer des pénalités ou voit la confiance de son client compromise, faute d’un taux de prise de fret fiable de la part de son transporteur.
  • Quid de la sécurité et des risques de travailler avec des prestataires non habituels ?  Au-delà du sujet du vol de fret, il est indispensable d’étudier la rentabilité et la stabilité financière des transporteurs au regard de la conjoncture marquée par la croissance des défaillances d’entreprises transport (près de 300 en France en 2023, +20% par rapport à 2022).

Bref, bien que le marché spot puisse être une solution temporaire pour des besoins spécifiques, la négociation de contrats solides reste la meilleure des stratégies pour garantir un achat de transport fiable et économiquement viable à long terme.



Comment un chargeur peut-il maitriser son budget ?

Les donneurs d'ordre peuvent aborder le sujet sous différents angles :

  • Travailler la massification et la mutualisation des flux :
    • La Massification : en optant pour des camions complets plutôt que du groupage, et en profitant de tranches tarifaires plus avantageuses, les chargeurs peuvent réduire leurs dépenses. L'implémentation d‘un TMS facilite une telle optimisation.
    • La Mutualisation : réussir à combiner des flux compatibles entre chargeurs voire entre entités d’un même groupe constitue un autre levier significatif. Bien que cette approche ne soit pas nouvelle, elle mériterait d'être davantage exploitée, en particulier au sein des groupes industriels. Souvent, ces derniers opèrent en silos alors même que la proximité géographique de leurs sites est propice à une telle synergie.
  • Négocier avec les transporteurs :
    • En étudiant la performance de ses prestataires : l'utilisation de tableaux de bord et d’indicateurs de performance fournit des données objectives essentielles en support des discussions (par exemple la qualité de service réelle).
    • En comparant les transporteurs grâce à des solutions de benchmarking : entre ses propres prestataires, voire par rapport à des indicateurs du marché public du transport. Certains prestataires peuvent être particulièrement compétitifs sur des axes spécifiques ou sur une typologie d’envoi. L’élargissement du portefeuille de transporteurs peut alors permettre de bénéficier de telles opportunités. Il convient cependant de rester vigilant. Je l’ai évoqué à l’instant, l’augmentation du nombre de partenaires peut in fine entraîner une hausse des coûts si les volumes traités par entreprise diminuent. De plus, diversifier excessivement les acteurs peut alourdir la gestion logistique.
  • Digitaliser les processus et les échanges avec les transporteurs : l’utilisation de TMS ou de plateformes collaboratives permet de réduire les tâches administratives et peut également être un levier de négociation. L'automatisation et l'amélioration des processus logistiques permettent en effet aux transporteurs de réduire leurs coûts administratifs et d’optimiser l’utilisation de leurs moyens. Ce sont des arguments forts pouvant les inciter à proposer des tarifs compétitifs.
  • Refondre ses schémas directeurs de distribution (Network Design) : il s’agit ici de se placer à un niveau plus tactique pour identifier en amont les routes et moyens les plus pertinents pour livrer ses clients.
  • Établir des processus structurés d’appels d'offres récurrents : la remise sur le marché de ses flux à intervalle régulier permet de s’assurer que ses tarifs restent alignés sur les conditions du marché du transport.
‘‘ La surqualité a un coût ’’

Considérer les attentes réelles des destinataires en termes de délais, de qualité de service et d’impact environnemental. La surqualité a un coût. Il n'est pas toujours judicieux d'opter pour une prestation premium si la promesse de vente est axée sur le low-cost et que les engagements de livraison ne nécessitent pas un niveau de service élevé. Cette considération devrait guider la stratégie logistique avant même d'aborder les aspects spécifiques des achats de transport.


En quoi la collaboration et la communication contribuent-elles à réduire les coûts ?

Je viens de l’évoquer, la digitalisation de la relation entre un donneur d’ordre et son transporteur permet de réduire significativement les tâches administratives. Prenons plusieurs exemples :

  • La digitalisation de l'ordre de transport élimine le besoin de ressaisies, supprimant des tâches sans valeur ajoutée et réduisant les risques d’erreur associés.
  • La communication d'informations en temps réel diminue la nécessité de multiples appels téléphoniques et emails (par exemple pour savoir où se trouve une expédition à un instant T). Elle favorise des relations plus apaisées et productives avec une meilleure utilisation du temps de travail des opérateurs et une réduction des coûts associés.
  • Pour les besoins ponctuels, les plateformes collaboratives ou les bourses de fret facilitent les échanges, permettant de rapprocher efficacement l'offre et la demande de capacité.
  • La prise collaborative de rendez-vous pour le chargement ou la livraison contribue à fluidifier les flux sur les sites logistiques. Cela minimise les temps d'attente et donc les coûts associés, que les transporteurs sont en droit de réclamer.
  • La fluidification des processus de facturation et de préfacturation favorise la réduction des délais de paiement, un aspect crucial dans un contexte dans lequel le secteur a connu de nombreuses défaillances en 2023, majoritairement dues à des problèmes de trésorerie. En négociation, la capacité à régler rapidement les transporteurs peut être un atout significatif, surtout dans un environnement où plusieurs ont perdu des licences communautaires en raison de leur situation financière précaire.

Quand une entreprise sollicite un nouveau transporteur, comment s’assurer que la qualité sera au rendez-vous ?

En préambule, il est important de rappeler que le choix d’un transporteur ne doit pas se baser uniquement sur le prix. Il est essentiel de considérer les critères de qualité de service, de ponctualité (On Time In Full), d’impact environnemental, de fiabilité du prestataire, etc.

La pratique courante consiste à tester un transporteur en lui confiant initialement une partie limitée des flux durant une période déterminée sans s'engager sur des volumes minimaux au départ. Sur la base des résultats observés, l’entreprise peut ensuite décider d'augmenter progressivement le périmètre d’action du nouvel entrant.

Il peut également être intéressant de se référer à des indicateurs de performance proposés par des plateformes spécialisées. Celles-ci visent à fournir des évaluations précises du niveau de service de chaque transporteur. Cela permet de prendre des décisions éclairées, à l’instar des achats sur des sites comme eBay ou Amazon, pour lesquels les commentaires sur les vendeurs guident les choix des acheteurs.

Plus généralement, il est essentiel d’être en capacité de mesurer précisément le respect des engagements, tout en faisant le lien avec les moyens mis en œuvre pour opérer le transport. Cette surveillance permet d'identifier toute dégradation de service qui pourrait survenir. Dès l'apparition de signes attestant d’une baisse de qualité, il est crucial de prendre des mesures correctives immédiates.



Comment vos solutions contribuent-elles à optimiser les budgets transport de vos clients ?

Nous considérons que la réduction de l’addition transport ne doit pas uniquement être axée sur le processus d’achat à proprement parler. Elle passe chez Descartes par la proposition de solutions de gestion sur un périmètre complet permettant :

  • De mieux planifier les opérations. Ces outils facilitent la massification des flux, la création de tournées optimisées et, lorsque cela est possible et pertinent, l'organisation d'affrètements multi-stops.
  • De choisir le meilleur prestataire de transport. Notre TMS permet non seulement de prendre en compte les contrats existants, référencés au sein du système, mais également des offres ponctuelles via une bourse de fret privative. Ainsi, à service équivalent, le chargeur peut choisir le transporteur proposant les meilleures conditions.
  • De piloter la bonne exécution des opérations. Les données sont captées directement à la source, quelle que soit la maturité technologique du prestataire, à travers le Descartes Global Logistics Network qui permet de se connecter digitalement à des tierces parties. Cette visibilité multimodale est même possible en temps réel, en traquant les véhicules, cargos… De l’information peut également être poussée de manière proactive aux destinataires, ce qui réduit aussi la charge du service clients.
  • De s’assurer d’éviter des facturations indues de la part des transporteurs. Notre plateforme permet à la fois de contrôler les factures, mais également de préfacturer le transport.
  • De faciliter le traitement des appels d’offres. Il est possible d’exporter des historiques de flux, mais aussi d’importer automatiquement de nouveaux tarifs qui pourront être activés et utilisés une fois le nouveau partenaire sélectionné. Nos solutions offrent une grande souplesse dans l’intégration des grilles tarifaires quels que soient les modes de transport, y compris sur le maritime et les prestations associées. Tout au long du processus, des indicateurs et tableaux de bords permettent d’avoir une vision claire sur les coûts et la performance. Avec notre module intégré de business intelligence il est alors possible de comparer les prestataires entre eux, de dégager des coûts moyens, ce qui s’avère très utile en phase d’appels d’offres.

Quelles sont les grandes spécificités de l'offre Descartes ?

Certains confrères se sont spécialisés de longue date sur le processus d’achat du transport (incluant parfois des solutions de consultation en ligne), ce qui, comme nous l’avons souligné, constitue une partie de l’équation de la réduction des coûts. Nous proposons de notre côté une couverture TMS étendue qui permet d’optimiser le transport au sens large.

Ensuite, nous nous distinguons par notre capacité à gérer aussi bien le transport sous-traité, y compris multimodal, que le dédié. Ainsi, notre optimisation des coûts englobe également l’aide au choix stratégique entre transport interne et externalisé.
Nous observons d’ailleurs actuellement une tendance croissante à l’investissement d’entreprises de toutes tailles dans des ressources propres pour compléter les opérations sous-traitées. Notre expertise et notre flexibilité dans ce domaine sont donc particulièrement intéressantes.

Nous proposons également une solution de "Capacity Matching", qui fonctionne conjointement avec notre module de visibilité en temps réel. Grâce à la précision de nos estimations de l'heure d'arrivée (ETA) et à la localisation des véhicules, nous permettons aux entreprises de repérer les capacités qui seront bientôt disponibles près d'un point de collecte de fret.  Elles peuvent alors contacter directement les transporteurs pour leur proposer un nouveau flux. Comme dans le cas du marché spot, cette fonctionnalité permet de bénéficier de tarifs compétitifs lorsqu'une opportunité se présente.

Cette offre remporte un vif succès auprès des courtiers en transport en Amérique du Nord, notamment en raison du caractère plus artisanal du marché des transporteurs si on le compare à l'Europe. En effet, de nombreuses entreprises se limitent à un modèle où un chauffeur opère avec son propre camion.


Bio Express

Senior Solutions Consultant chez Descartes depuis 2017, Fabien Petitjean intervient en avant-vente et lors des phases de cadrage, principalement dans le cadre de projets TMS au sens large.

Il a débuté sa carrière dans la logistique automobile au sein du groupe PSA avant d’intégrer le secteur du conseil au sein du cabinet Acsience (groupe Altran) en tant que consultant supply chain.

Il a également évolué chez Mecalux, d’abord en tant que chef de projet WMS puis de responsable offre WMS pour le périmètre France / Belgique. Avant de rejoindre Descartes, Fabien Petitjean a occupé pendant 7 ans des postes de consultant supply chain puis de chef de produit de la branche transport chez l’éditeur Acteos.

Site Internet de Descartes : https://www.descartes.com


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