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‘‘La cohabitation de différentes technologies est la clé du succès d'un entrepôt ’’
Patrice HENRION

Patrice HENRION, Directeur Général de BOA Concept

Interview réalisée le vendredi 17 février 2023 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier : « Les nouveaux challenges de l’automatisation »

Depuis près de dix ans, les entrepôts sont confrontés à une incertitude croissante et doivent faire preuve d’une forte capacité d'adaptation, que ce soit en termes de volumétrie de flux à traiter, de diversité des typologies de commandes à préparer ou de pression sur les délais à respecter.

Ces vingt-quatre derniers mois cependant, de nouvelles opportunités de flexibilité offertes par la montée en puissance des technologies disponibles sont à mon sens véritablement venues changer la donne :

• Aussi bien sur le plan hardware : robotisation, AMR, évolutions des systèmes de stockage et de transitique…
• Que sur le plan software : développement d’un écosystème de solutions de niche adressant une problématique précise en opposition aux solutions historiques packagées sensées couvrir l’ensemble des besoins.

Désormais, les entreprises sont de moins en moins enclines à s’orienter vers des fournisseurs de solutions qui prétendent être omniscients et capables d’adresser toutes les problématiques. Au contraire, elles préfèrent se tourner vers des acteurs qui ont su développer leur capacité à s'intégrer dans un écosystème de solutions d’entrepôt. Cette approche privilégie donc la collaboration avec plusieurs spécialistes, plutôt que l’adoption d’une solution unique qui prétendrait tout résoudre.

En contrepartie, ces évolutions technologiques ont imposé une nécessaire montée en compétences des collaborateurs, elle-même combinée à une pénurie de ressources rencontrée à tous les niveaux de l'organisation. La recherche et la fidélisation des talents dans l’entrepôt sont en conséquence devenues extrêmement complexes.

En réalité, il est impossible de gagner sur tous les fronts. Si l'on installe des entrepôts géants dans des zones où les terrains sont bon marché, il est logique de se voir confronter à des difficultés de recrutement. Néanmoins, l'automatisation peut aider à résoudre ce problème en partie en permettant de traiter plus de flux avec le même nombre d’opérateurs.

Selon moi, le meilleur entrepôt n'est pas nécessairement celui qui dispose de la technologie la plus avancée ou du plus grand nombre de collaborateurs, mais plutôt celui qui parvient à associer les bonnes technologies, les bons process et les bonnes équipes pour répondre de manière optimale à une mission ou à un processus client spécifiques.

L’autre volet de la performance tient à la capacité de remise en question régulière. Aujourd’hui, il n’est plus envisageable d’attendre plusieurs années pour remettre à plat l’ensemble de ses pratiques.

Transitique, AMR, Goods to Person… le panel des solutions d'automatisation est varié. Il n’existe cependant aucune solution universelle en mesure de couvrir tous les besoins de manière exhaustive, ni même de catalogue miracle qui permettrait d'associer automatiquement une solution à un type de flux spécifique.

Derrière la notion de type de flux, il y a des réalités opérationnelles très différentes, des poids, des tailles, des process de picking, des variétés de produits très hétérogènes. C’est pourquoi il est important de se reprojeter régulièrement sur le fonctionnement de son outil et de rester à l'affût des évolutions du marché et de ses nouveautés, sans toutefois céder aux effets de mode.

Le fil conducteur essentiel pour une automatisation efficace est finalement de déterminer clairement ses besoins en tentant de répondre aux questions suivantes :

• Quels sont mes objectifs ?
• Quelle est ma visibilité sur l’évolution de mon activité ?
• Quel est mon niveau d'incertitude ?
• Quels sont les moyens à ma disposition ?

Une fois les besoins définis, il sera plus facile de s'orienter vers la solution pertinente, sachant qu’une ou plusieurs technologies peuvent répondre à un même besoin.

Bien que tous les acteurs ne partagent pas la même vision, il me semble que l'on assiste à une convergence dans la façon de gérer les flux B2B et B2C, qui étaient historiquement traités indépendamment.

En effet, l'entrepôt étant désormais considéré comme la réserve du magasin, des processus permettant une expédition très rapide de petites quantités à intervalles très réguliers doivent être mis en place. On est donc très proches de ce qui se fait dans le e-commerce. En conséquence, il est à mon sens devenu pertinent de mutualiser le traitement de ces flux, ce qui implique de ne plus traiter B2B et B2C dans des zones distinctes.

Un des principaux risques est d’adopter une approche qui serait trop orientée outils. Il s’agit surtout de rester pragmatique, de ne pas s’enfermer dans des solutions trop rigides dans leur conception, dans des couches soft qui condamneraient à un mode de fonctionnement spécifique.

Mon propos peut néanmoins être nuancé dans la mesure où la grande majorité des technologies actuelles s’orientent vers de l’adaptation. On ne rencontre plus d’entreprises s’étant fondamentalement trompées de solutions et ayant réalisé des investissements qui seraient finalement totalement inadaptés.

En premier lieu sur la partie sélection de la solution, il est de plus en plus rare dans nos métiers qu'un client arrive avec une expression de besoin très précise et complète qu’il aurait mis des mois à rédiger.  Pour moi, cela peut d’ailleurs être considéré comme un point positif. Passer du temps à élaborer un cahier des charges très spécifique peut présenter un risque : celui que la solution retenue ne soit plus adaptée à l'évolution de ses besoins.

En revanche, il est intéressant que le client ait pu effectuer un diagnostic préalable en interne ou en ayant recours aux services d'un cabinet de conseil. Cela permet de gagner du temps et de maximiser l'efficacité de la collaboration.

De notre côté, nous devons veiller à adopter une approche besoins plutôt qu’outils. La traduction en plans et en technologies n'est finalement que la conséquence d'une analyse propre côté Business Intelligence (type de flux, cut off transporteurs, types de marchandises, référentiels, etc.). C’est après avoir identifié la problématique du client, qu’il devient possible de définir quelles solutions peuvent y répondre efficacement. Qu’il s’agisse de produits que nous fabriquons ou pas, sachant qu’au-delà  des gammes que nous produisons, nous intégrons de nombreuses autres technologies, ce qui nous permet d’adresser un large panel de problématiques.

Ensuite sur le déploiement, nous constatons une augmentation de la demande de clients qui abordent une problématique spécifique et qui débutent avec nous une démarche itérative basée sur l'exploitation de données et l'implantation physique.

Enfin, il est important d’avoir conscience qu’une solution efficace est une solution documentée et dont les KPIs permettent d'apprécier la valeur.

Si le volet économique reste un élément décisionnel important, il n’est selon moi plus seul au sommet de la pile. Des critères comme la capacité à tenir la promesse client, la disponibilité des ressources humaines ou des approches sociétales (RSE, réduction de l’emprunte carbone…) ont pris une grande importance.

Ces gains immatériels sont évidemment plus difficiles à chiffrer. Ils ne relèvent plus de la seule logique de la Direction Administrative et Financière, mais plutôt de la vision globale de la Direction Générale.

Notre ADN est profondément lié à la flexibilité. Il est historiquement porté par une transitique Plug & Carry très spécifique avec son intelligence embarquée permettant de décentraliser les prises de décisions dans les organes de transitique pour une adaptation en temps réel à l’activité de l'entrepôt.

Nous voyons en fait la logistique comme un monde en perpétuelle évolution, nécessitant des solutions toujours plus flexibles et adaptables aux évolutions de flux. Ce que nous avons fait pour la démocratisation de la transitique il y a dix ans, nous avons souhaité le reproduire sur d'autres technologies. Nous déclinons ainsi désormais cette approche au-delà des convoyeurs. Nous proposons des solutions de stockage automatisées, des solutions d'éditique… et désormais des solutions de picking robotisé.

L'année 2023 sera donc marquée par la commercialisation de nouvelles solutions estampillées BOA Concept, qui contribuent à ce que l’automatisation soit éligible aux acteurs de toute taille. Le rachat de RobOptic fin 2022, société d’engineering stéphanoise experte dans les domaines de la robotique et de la vision, va d’ailleurs dans ce sens.

Aujourd’hui, nous nous positionnons aussi bien sur des projets de plusieurs millions d’euros que sur des affaires de quelques dizaines de milliers d'euros. Cela requiert de pouvoir mettre rapidement en œuvre les solutions et de faire cohabiter les bonnes technologies (transitique, robot, soft…) dans une approche intégrateur.

Nous pensons qu’il existe encore des pans d'activité non couverts par les solutions existantes.

Aujourd'hui, un grand faiseur qui a besoin de très grandes cadences saura clairement identifier les solutions à mettre en concurrence, mais pour un e-commerçant qui a besoin de sortir quelques centaines de picks à l'heure dans un entrepôt assez dense, les solutions ne sont pas légion.

La v1 de notre solution de stockage automatisé Plug-and-Store® a remporté le prix des Rois de la Supply Chain en 2021. Elle tourne depuis deux ans chez plusieurs clients. La v2 est déjà commercialisée. C'est une solution qui est à mi-chemin entre une solution traditionnelle et une solution à haute cadence et c'est une solution qui n'a pas d'équivalent sur le marché en termes de positionnement.

Bio Express

Patrice HENRION a rejoint BOA Concept en 2018 en tant que Directeur du Développement. Il accède à la Direction Générale de l’entreprise en 2020.

Avant d’intégrer BOA Concept, il était en charge de la Direction commerciale de Locam. Il dispose à ce titre d’une grande expertise dans les domaines du financement des ventes et dans l'accompagnement des entreprises dans la transformation vers l'économie d'usage.

Il avait auparavant évolué dans les secteurs de la grande distribution et de la Banque.

Site internet de BOA Concept : https://www.boa-concept.com/