Publications > Logistique humanitaire > Vers une simplification des différents postes afin de privilégier la souplesse
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Extraits du travail de recherche d’un logisticien sur la logistique humanitaire. Merci à lui de partager le fruit de son travail. Pour plus d’informations sur le sujet, nous vous invitons à prendre contact avec lui en utilisant l’adresse e-mail suivante : logistique.humanitaire@hotmail.fr
Nous
avons décrit la supply
chain
humanitaire et ses différents éléments
d’une façon très générale,
qui pourrait aussi bien s’appliquer à
la gestion de crise qu’en situation de développement.
En effet, que nous soyons dans un contexte où,
quel que soit l’horizon temporel, il n’y
a aucune raison pour qu’un des postes vienne
à être modifié. Ce qui pourrait
l’être, par contre, c’est la chaîne
logistique dans son ensemble.
Nous
allons alors nous demander, dans le cas du déclenchement
d’un élément imprévu
(d’une crise), quels en sont les impacts sur
la supply chain.
Il est en effet de plus en plus rare de rencontrer de nos jours des ONG uniquement spécialisées dans les programmes d’urgence ou de développement. La tendance est à une diversification des activités avec une intégration plus globale du processus humanitaire au sein de l’entreprise. En effet, une situation problématique dans un pays commence très souvent par une urgence, une crise. Une fois celle-ci passée, commence la question du développement.
Mais nous allons voir qu’il est bien difficile pour les ONG de cloisonner temporellement les deux parties d’une action humanitaire : quand s’arrête l’urgence et quand commence le développement ? De fait, les ONG sont de plus en plus souvent amenées à occuper ces deux terrains (gestion de crise et développement) afin d’inscrire leur action sur la continuité. Mais, bien que très complémentaires et liées, ces deux activités présentent des différences au niveau des processus d’action, passant par une modification de leur supply chain.
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Les programmes de développement : la planification
en seul maître
Dans le cadre d’une action de développement,
l’élément majeur est la maîtrise
des coûts afin de pouvoir tenir dans la durée.
Les structures de stockage et d’actions sont
implémentées au niveau continental
mais aussi local, à proximité des
régions sinistrées. Cette démarche
prévaut aussi pour les zones où une
crise a été gérée mais
dont le terrain est propice à l’apparition
fréquente de nouvelles catastrophes (cf.
Haïti qui est régulièrement ravagé
par des cyclones, la Somalie ou la situation politique
reste profondément instable…). Dès
lors, il est judicieux d’installer des structures
au plus près des lieux afin d’atteindre
un niveau de transport incompressible. La part majoritaire
du coût de la commande devient maîtrisée
d’une façon optimale car elle est ramenée
à son strict nécessaire.
Les opérations de transport, quant à
elles, sont planifiées à l’avance
afin de faire des expéditions de lots complets
ainsi que des opérations de groupage ou de
mutualisation des envois. De plus, une meilleure
planification permet de privilégier des modes
d’expédition prenant plus de temps
(mer, fer, route), mais moins coûteux.
Nous voyons donc que dans les programmes de développement, du fait de la disparition du critère d’urgence, les ONG sont plus à même de maîtriser leurs coûts. Ceci passe par un respect des processus logistique et une planification. Cette dernière permet en effet de rationaliser les différents postes de la chaîne logistique et donc d’éviter les surcoûts aux interfaces.
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L’urgence : moins de processus, plus d’action
Dans un contexte d’urgence ponctuelle ces procédures planifiées qui permettent des délais de réaction plus longs ne sont plus possibles à mettre en place. En effet, le maître mot est la réduction des délais, quitte à pousser les coûts à la hausse.
Du
point de vue des procédures de stockage,
les ONG préfèreront utiliser des plateformes
logistiques continentales à grande échelle
(Émirats, Panama…) sur lesquelles des
kits d’urgence auront été prépositionnés.
Elles permettront d’avoir une couverture mondiale
mais une faible maîtrise des coûts.
En effet, les distances parcourues par les transporteurs
sont plus grandes, mais les intermédiaires
moins nombreux. Cette organisation mondiale permet
notamment d’avoir des stocks centraux dans
lesquels les transporteurs iront directement prendre
les produits afin de proposer un début de
réponse à la crise le plus rapidement
possible avant que le gros du ravitaillement ne
parvienne au camps de base. C’est dans cette
optique que les ONG ont décidé de
positionner des kits de survie à destination
des personnes touchées par les catastrophes
humanitaires.
Les lieux de stockage de ces kits ont été
déterminés selon des critères
géographiques. Les zones choisies permettent
des expéditions rapides par avion dans le
monde entier. Mais le choix des zones a aussi été
stratégique.
Le premier critère qui est entré en
ligne de compte est la baisse des coûts logistiques
de stockage. Dubaï est une ville dans laquelle
il y a beaucoup de bailleurs musulmans qui s’intéressent
aux opérations logistiques humanitaires.
En effet, les actions humanitaires engendrent des
flux de personnes importants dans le pays, des déplacements
et parfois un apport touristique. Les Émirats
ont bien compris ces avantages et essayent de l’exploiter.
En effet, ils ont mis en place des initiatives afin
d’attirer du personnel d’associations
humanitaires, par le biais d’opérations
d’offre d’espaces de stockage gratuits
qui proposent des plateformes gratuites pour les
différents acteurs du panorama humanitaire.
Cela permet aux associations de réduire leur
coût et de placer des stocks stratégiques
dans ces pays.
Un second critère est la réduction
des délais lors de la gestion des crises.
Comme nous l’avons vu, le temps de réponse
est un critère essentiel dans la gestion
de la crise. De fait, une ONG se doit d’avoir
les denrées de première nécessité
à « portée de main » dès
lors qu’une crise se déclare.
C’est dans cette optique qu’ACF a créé
une plateforme de stockage à Djakarta. Cette
ville se situe en effet dans une zone où
les catastrophes naturelles sont cycliques, se reproduisant
tous les ans. De fait, dans l’optique de réduire
aussi bien les coûts d’envoi des marchandises
que les délais, des plateformes de stockages
ont été mises en place en Indonésie.
Les
procédures de transport doivent être
faites dans l’urgence. Dès lors, les
envois sont faits en dernière minute, et
les coûts peuvent devenir très élevés.
Les moyens de transport les plus rapides (avion,
hélicoptères) sont employés
pour répondre à la première
urgence.
Le personnel le plus proche du lieu de la catastrophe
est repositionné en urgence et d’autres
équipes sont envoyées directement
du siège.
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Deux supply chain pour deux horizons
temporels
On note donc qu’il y a une nouvelle modélisation
de la supply chain lors de la gestion de crise.
On passe en effet d’une approche par la maîtrise
des coûts, dans le cas du développement,
à une maîtrise des délais (dans
le cas de l’urgence). Ce changement de perspective
remet en cause fondamentalement l’organisation
de l’entreprise et l’on comprend mieux
pourquoi le distinguo a longtemps été
fait entre humanitaire d’urgence et de développement.
Ce sont deux activités très différentes
au niveau de la façon d’organiser les
missions.
L’approche de développement sous-entend
que les logisticiens ont plus de temps pour préparer
les programmes et optimiser la supply chain. On
assiste à une mise en place de procédures
massivement appuyées sur planification.
Dans le cadre de la crise, des procédures
simplifiées doivent être mises en place
afin de limiter le temps de réaction et de
réponse.
Voir également
[1]
Anisya
S. Thomas et Laura Rock Kopczak (2005), From Logistics
to supply chain management: the path forward in
the humanitarian sector, Fritz Institute.
[2]
Anisya Thomas, Humanitarian Logistics :
Enabling Disaster Response, Fritz Institute.
Quelques livres sur le sujet
|
Une histoire de l’humanitaire de Philippe Ryfman
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|
Les ONG de Philippe Ryfman
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L'idéologie humanitaire. ou, Le spectacle de l’altérité perdue de Bernard Hours
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|
Le dispositif humanitaire : Géopolitique de le générosité d’Emil Cock
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|
Souvenir d’un Tsunami Humanitaire de Christophe Charbon
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|
Voyage au bout de l’humanitaire de Marc Vachon et François Bugingo
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Ressources complémentaires
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