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Extraits du travail de recherche d’un logisticien sur la logistique humanitaire. Merci à lui de partager le fruit de son travail. Pour plus d’informations sur le sujet, nous vous invitons à prendre contact avec lui en utilisant l’adresse e-mail suivante : logistique.humanitaire@hotmail.fr
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Qu’est-ce qu’une ONG ?
La qualification des associations séparées du gouvernement effectuant des missions humanitaires n’a pas été une chose aisée. Nombre d’appellations différentes furent essayées, que ce soit les ASI (Associations de Solidarité Internationale), les ANE (Acteurs Non Étatiques) ou encore les OSI (Organisations de Solidarité Internationale) sans qu’une typologie ne prenne l’avantage. Mais c’est au final le terme d’ONG (Organisation Non Gouvernementale) qui a été préféré et qui demeure le plus employé actuellement. Ce terme est désormais officialisé, car il figure dans la charte des Nations Unies depuis 1945 (article 71).
Le flou qui a longtemps résidé sur la définition de ces organisations et les désaccords toujours d’actualité sur l’acronyme d’ONG prouvent bien la difficulté qu’il y a à les caractériser. Le dictionnaire Larousse définit les ONG comme étant des « organisme[s] financé[s] essentiellement par des dons privés et qui se voue[nt] à l’aide humanitaire sous une ou plusieurs de ses différentes formes (assistance médicale ou technique dans les pays non-industrialisés, aide aux plus démunis dans les pays développés, secours en cas de catastrophe ou de guerre, etc.) »[1]. C’est une définition qui, bien que correcte, présente des limites. En effet, la caractérisation de ces organisations passe de plus en plus souvent par ce que Philippe Ryfman appelle « la méthode du faisceau de caractéristiques »[2] . Celle-ci ne se contente pas de définir les activités ou les caractéristiques principales des ONG mais présente des critères qui, s’ils sont tous remplis, permettent de supposer avec de grandes chances que l’organisation observée est bien ce qu’on appelle une « ONG ».
Selon le principe de la notion d’association, la constitution de l’ONG doit être d’origine privée dans l’optique de réaliser des objectifs non lucratifs. La nature non lucrative de ces objectifs doit être impérativement précisée dans sa forme juridique. De plus, l’organisation se doit d’être indépendante de l’État (ce qui n’empêche aucunement la création de liens à posteriori entre ces deux entités). Outre son indépendance politique, une ONG doit avoir une indépendance financière. Enfin, elle doit être dotée d’un caractère transnational dans son action.[3]
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Évolution des ONG : de leur naissance à
leur forme actuelle
Si l’on veut comprendre quelle a été la raison de la création des ONG actuelles mais aussi leur fonctionnement, nous devons nous pencher sur leur création. Nous verrons qu’elles ne sont pas issues d’une longue réflexion accompagné d’un business plan. Leur création est plutôt le fait d’une évidence, une simple réaction induite par un décalage entre une situation perçue et une volonté d’agir et qu’elle repose sur ces concepts ancestraux.
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Un fondement religieux
- Un fondement religieux
Si nous remontons dans le temps, nous voyons que les prémices de ces organisations sont fondées sur les dogmes religieux dominants. Le judaïsme prône la tsedaka[4] à l’égard du pauvre, de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger. Le christianisme, quant à lui, s’appuie sur le concept de charité (l’apôtre Paul en déclame la vertu comme étant le fondement de l’être : « Si je n'ai pas la charité, je ne suis rien »[5] ), alors que l’Islam avec ses préceptes de zakat et sadaqa (une des cinq obligations religieuses musulmanes) définit le principe du don aux plus démunis selon le Coran (« Les aumônes sont destinées aux pauvres, aux nécessiteux […] »[6].
C’est en effet avec le concept de la charité, présent sous des nominations différentes mais similaires dans le principe pour ces trois religions, que les premières actions humanitaires de développement ont été créées. Mais les fonctions religieuses ne s’arrêtent pas aux devoirs des textes fondateurs, elles prennent aussi la forme d’institutions.
Les églises assumaient en effet la charge de nombreuses activités telles que l’éducation mais aussi le soin aux malades dans des dispensaires, les orphelinats. Il serait cependant ardu de comparer l’action humanitaire telle nous la connaissons de nos jours à une action qui bien souvent – bien que dispensée par l’église – était soumise à l’impôt.
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Des pratiques militaires sur les champs de bataille
- Des pratiques militaires sur les champs de bataille
La pratique de l’action humanitaire urgentiste sur le terrain semble remonter au Ier siècle après J.-C. : un médecin militaire de la légion romaine, Dioscoride d’Anazarba[7], aurait créé une école de médecine. Là encore, la prise en compte sur le terrain d’une situation d’urgence (les blessés sur le champ de bataille) a amené une réponse qu’on pourrait qualifier d’ « humanitaire ». En effet, le fait de prodiguer des soins gratuits aux personnes dont l’intégrité physique est en danger rejoint très clairement les buts des ONG urgentistes modernes. C’est ainsi que, bien que les avis diffèrent sur le sujet du fait du manque d’écrits, Dioscoride d’Anazarba serait le premier médecin urgentiste.
Au fil des années, philosophie et religions se mêlèrent afin d’imposer des normes en accord avec ces préceptes. On remarque notamment de grands progrès en temps de guerre où les prisonniers mais parfois les civils blessés étaient désormais protégés par des règles de conduite sur le champ de bataille. On citera notamment l’aboutissement de ces procédures que représente la convention de Genève[8] (première en 1864, complétée en 1949 et 1977) qui édicte les règles fondamentales du droit humanitaire international.
Mais, bien que les prémices de l’activité humanitaire dite « de développement » soient apparues dans les premiers siècles de notre ère, il ne s’agit pas pour autant de l’action telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Après la révolution française, un chirurgien militaire de l’armée napoléonienne nommé D. J. Larrey (1766-1842), bien conscient de l’urgence que posait le problème des blessés de guerre, décida d’agir directement sur le théâtre des conflits pour soigner les blessés aussi bien alliés qu’ennemis et sans distinction de grade. Dans l’optique de rendre ses services plus productifs, il inventa l’ambulance volante [9] qui permettait de soigner directement les blessés sur le champ de bataille. Il sera le premier à capitaliser son savoir dans un ouvrage alliant médecine de guerre et inventions, Mémoire de chirurgie militaire 1786-1840 [10] . Ses apports en terme de médecine militaire ont permis de soigner de nombreux blessés, mais surtout d’insuffler une réelle volonté de soutien aux victimes dans un contexte ou les guerres étaient particulièrement violentes et le soutien aux blessés quasiment inexistant.
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Philosophie et prémices des ONG
- Philosophie et prémices des ONG
Pendant la période des Lumières, au XVIIIe siècle, apparait la notion d’Humanité que Diderot voit comme étant « [un] noble & sublime enthousiasme se tourmente des peines des autres & du besoin de les soulager ; il voudroit parcourir l’univers pour abolir l’esclavage, la superstition, le vice, & le malheur»[11] . Cette notion sort cette fois du cadre religieux pour atteindre une portée philosophique. La réflexion sur l’action humanitaire est désormais de plus en plus ancrée dans les mentalités et, en 1755, lors du tremblement de terre de Lisbonne , la question de l’action de crise est réellement abordée. C’est en effet grâce à la gestion de crise reconnue comme excellente du premier ministre Sebastiaõ de Melo que les secours ont pu être administrés rapidement à la population et que Lisbonne[12] fut entièrement reconstruite en un an.
Il faudra cependant attendre le XIXe siècle pour que l’engagement associatif prenne un réel essor et abandonne son aspect d’action individuelle pour devenir collective. C’est au début de ce siècle que vont apparaître les prémices du lobbying aux États-Unis. En 1812, la guerre civile d’indépendance entre Vénézuéliens et Espagnols fait rage à Caracas. Et c’est en plein milieu de ce conflit armé qu’un tremblement de terre, suivi d’une série de raz de marée, ravagea la ville, tuant entre 15 000 et 20 000 personnes. Le lobbying associatif américain poussa le gouvernent fédéral à prêter secours aux habitants de Caracas. Face au poids grandissant de ces mouvements nouveaux, le gouvernement américain céda à ces pressions humanitaires et envoya des denrées alimentaires sur le lieu de la crise.
Alexander von Humboldt écrira par la suite son témoignage personnel de l’après-crise lors de son voyage à Caracas : « […] le congrès, assemblé à Washington, décréta unanimement l’envoi de cinq navires chargés de farines aux côtes de Venezuela, pour être distribués aux habitants les plus indigents »[13] . Cette action humanitaire internationale, la première notoire, fut accueillie avec une forte reconnaissance et permit de palier les besoins alimentaires d’un peuple en péril et de surmonter cette situation de crise.
Dès
lors, le mouvement associatif américain
et mondial pris une ampleur toute nouvelle, portée
par le concept émergent de lobbying.
En 1823, en Grande-Bretagne, est crée la
« British and Foreign Anti-Slavery Society
» qui est ce qu’on pourrait qualifier
une ONG de nos jours et qui, comme son nom l’indique,
avait pour vocation de lutter contre l’esclavage
en Grande-Bretagne. Cet engouement populaire est
une fois de plus couronné de succès
car l’association obtient l’abolition
de l’esclavage en 1833, soit seulement 10
ans après sa création. [14]
Dès lors, nous voyons que l’action humanitaire n’est plus simplement un mouvement isolé, l’action de quelques hommes qui veulent faire progresser la société de leur côté. Il s’agit désormais d’un réel élan mondial dont les démocraties font office de terre fertile[15]. De cette volonté humaine et individuelle de coupler la charité pour les plus démunis au soulagement des souffrances des blessés est née une volonté collective, qui a gagné en puissance, d’apporter un soutien aux peuples en péril.
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Une nouvelle ère : l’action humanitaire
moderne
- Une nouvelle ère : l’action humanitaire moderne
Nous l’avons évoqué précédemment, nombre d’actions humanitaires embryonnaires ont eu lieu sur des champs de bataille. C’est aussi ce genre d’événement qui est à l’origine de la plus grande organisation non gouvernementale française actuelle.
Engagé volontaire dans l’armée napoléonienne, Henry Dunant combat aux côtés de l’Empire à la bataille de Solferino. Cet homme a été profondément marqué par cette bataille qui fut un massacre épouvantable et surtout devant le manque de soins apportés aux blessés. Il improvise avec des habitants des villages voisins des services de secours aux blessés et soigne dans des conditions élémentaires les blessés des deux camps[16] . Il écrira par la suite « […] ne serait-il pas à souhaiter qu’ils profitent de cette espèce de congrès pour formuler quelque principe international […] [qui] servirait de base à des Sociétés de secours pour les blessés dans les divers pays d’Europe ? […] L’humanité et la civilisation demandent impérieusement une œuvre comme celle qui est indiquée ici ; il semble qu’il y ait même là un devoir »[17] . Ces idées sont directement à la base de la création d’un Comité de Secours aux Blessés, qui devint en 1875 le très réputé CICR (Comité International de la Croix-Rouge, plus souvent connu sous le nom de la « Croix-Rouge »). Afin de ne pas s’écarter des réalités et que ce comité soit en mesure de répondre aux problèmes réels rencontrés sur le terrain, il s’associe avec un général de l’armée suisse, Guillaume-Henry Dufour qui lui apporte ses connaissances dans les conflits armés, ainsi que sa vision orientée terrain.
Le CICR s’internationalise dès 1881 avec la création de la Croix-Rouge américaine. Au fil des années, d’autres pays rejoignirent le mouvement via l’installation d’une entité en leur sein (on notera notamment les Croix-Rouge allemande, belge, chinoise… ainsi que le Croissant rouge palestinien et le Cristal rouge israélien).
Dès lors que les premières organisations à but humanitaire furent créées, le paysage associatif n’eut de cesse de progresser. Toutefois, il est bon de noter que c’est dans un premier temps en reconnaissance à des situations de crise que les associations se créent.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que le paysage politique est totalement chamboulé et que de nombreux États subissent des blocus préjudiciables à la population, l’association « Fight the Famine » (qui sera connue plus tard sous le nom de « Save the Children Fund – SCF ») est créée dans le but de sauver les enfants des famines et des problèmes alimentaires . Pour cela, elle ira même jusqu’à contourner littéralement les blocus établis afin de venir en aide aux démunis.
Le mouvement humanitaire n’aura de cesse de se développer à travers tout le XXe siècle, en réponse aux malheurs et aux crises. Il marquera un nouveau pas, dans les années 1970, suite à la guerre au Biafra. L’instabilité politique des pays du Sud et les atrocités qui y sont commises (on parlera notamment de génocide au Biafra) soulignent une fois de plus le besoin d’une réaction rapide et appropriée. C’est dans ce contexte qu’une poignée de médecins créera « Médecins Sans Frontières », un nouveau type d’ONG dont la vision est portée sur les pays du Sud, dont l’assistance à la population est qualifiée d’ « urgence », et à portée internationale.
Nous voyons que les prémices des organisations que nous pourrions qualifier de « caritatives » ou d’« humanitaires d’urgence » sont nées sur le terrain (un champ de bataille par exemple), à la suite d’une problématique mettant en jeu des vies humaines (des guerres ou des catastrophes naturelles). La vocation de cette action caritative était donc de résoudre de façon temporaire l’irruption d’un problème de type humanitaire. Il est important de noter que les premières actions humanitaires concrètes sont nées d’une improvisation, sans réflexion préalable. Ce fut, dans bien des cas, une réponse qui se devait immédiate devant le critère d’urgence de la situation, et donc improvisée.
Au fil des années, ce concept s’est développé. Relayé par le principe de la religion dans un premier temps, ce sera par la suite des organisations aussi bien rattachées au gouvernement que libres de la fonction publique qui assureront ce principe de charité. Une fois que les organisations de toutes formes auront pris le pas sur l’Église sur le terrain de l’action caritative, elles auront la volonté de changer l’expression caritative (trop proches d’une notion ecclésiastique) pour des notions diverses telles que l’action humanitaire, gestion de crise humanitaire, situation d’urgence…
Cette évolution ne s’est pas faite d’un seul coup, mais à petits pas. D’une action individuelle à des associations. Celles-ci donnèrent lieu à des organisations qui finalement s’internationalisèrent. Au fil des années, les ONG ont créé des processus afin de répondre de façon optimale aux crises qui se présentaient afin de ne plus être simples acteurs réactifs fa ce à ces événements. C’est alors qu’est né un critère d’anticipation, à savoir une pro-activité qui permette de mieux allouer les ressources.
Voir également
- La structure des supply chain humanitaires
- Vers
une simplification des différents postes
afin de privilégier la souplesse
[1]
http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/organisation/75270
[2]
Philippe Ryfman (2004), Les ONG, La Découverte,
p.28.
[3]
Philippe Ryfman, 2004, op. cit. p. 29.
[4]
Le mot Tsédaka, traduit « charité
» vient de la racine « Tsedek »
qui signifie justice.
[5]
La Bible, Paul, Épître aux Corinthiens
(I, 13).
[6]
Le Coran, Sourat [9.60].
[7]
Philippe Ryfman (2008), Une histoire de l’humanitaire,
La Découverte, p. 12.
[8]
CICR (2009), Les Conventions de Genève :
la pierre angulaire du droit international humanitaire,
dans http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/genevaconventions.
[9]
Voir annexe.
[10]
Dominique Jean Larrey (2004), Mémoires de
chirurgie militaire et campagnes 1786-1840, Tallandier.
[13 ]Alexander von Humboldt,
Aimé Bonpland (1820), Voyage aux régions
équinoxiales du nouveau continent, fait en
1790, 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804, Librairie
grecque-latine, p. 67 tome 5.
[14] http://www.bbc.co.uk/history/british/empire_seapower/antislavery_04.shtml.
[15]
Alexis de Tocqueville (1868), De la démocratie
en Amérique, Michel Lévy frères.
[16] Philippe Ryfman
(2008), Une histoire de l’humanitaire, La
Découverte.
[17] Henry Dunant (1863),
Un souvenir de Solferino, Fick, pp.165-166.
[18] http://www.savethechildren.net/alliance_fr/about_us/founder.html.
Quelques livres sur le sujet
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Une histoire de l’humanitaire de Philippe Ryfman
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Les ONG de Philippe Ryfman
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L'idéologie humanitaire. ou, Le spectacle de l’altérité perdue de Bernard Hours
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Le dispositif humanitaire : Géopolitique de le générosité d’Emil Cock
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Souvenir d’un Tsunami Humanitaire de Christophe Charbon
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Voyage au bout de l’humanitaire de Marc Vachon et François Bugingo
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Ressources complémentaires
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