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‘‘L’agilité de l’entrepôt est clé dans le respect de la promesse client’’
Isabelle BADOC, Supply Chain Solutions Marketing Manager chez Generix Group
Interview réalisée le mercredi 17 février 2021 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « L’entrepôt agile ».
Pourquoi un entrepôt doit-il être agile ?
Avec la volatilité actuelle des flux, il est devenu très difficile pour les entreprises de prévoir le niveau général de leurs ventes. La tâche est encore plus ardue quand il s’agit de descendre au niveau de l’activité de l’entrepôt.
L’enjeu est de planifier au plus juste les opérations, de dimensionner le nombre d'opérateurs par type de missions, de reconfigurer les systèmes de chaine mécanisée, etc.
Cela était relativement aisé quand il s’agissait de se baser sur des portefeuilles de commandes magasin stables. Plusieurs heures à l’avance, l’entrepôt connaissait les volumes à traiter et pouvait donc planifier ses opérations en amont.
Désormais, nombre d’entreprises ont basculé vers des modèles tirés par la demande et dans lesquels flux B2B et B2C sont combinés. Pour pouvoir continuer à anticiper l’organisation de leurs entrepôts, elles doivent donc travailler sur la fiabilité de leurs prévisions. Celles-ci se basent encore essentiellement des historiques. Il est néanmoins très compliqué de mesurer l’impact d’une nouvelle référence, d’une promotion ou du traitement d’un flux supplémentaire. Avec les nouveaux modèles d’IA, il y a sans doute matière à apporter un meilleur éclairage aux directeurs d’entrepôt, mais nous n’en sommes qu’aux débuts.
Le manque de visibilité dont peuvent actuellement bénéficier les managers doit donc être compensé par une adaptabilité des ressources à la réalité physique des flux. À ce titre, jouer sur la polyvalence des opérateurs permet d’ajuster au mieux les affectations de missions en fonction de l’évolution réelle des flux de commandes et de leurs typologies. Un opérateur polyvalent peut ainsi passer de la préparation, au contrôle des réceptions, au kitting ou à l’inventaire.
L'objectif est d’optimiser la productivité de l’entrepôt et la rapidité du traitement des commandes pour servir au mieux la promesse client. Cela revient en fait à gérer au mieux les priorités, ce qui n’est pas simple au vu du nombre de paramètres à considérer (vitesse d’exécution des opérateurs sur chaque typologie de missions, retard de la marchandise en provenance d’un fournisseur en flux tendu, baisse de productivité du fait d’allées engorgées, etc.).
Il est en particulier important de bien prendre en compte que la productivité des équipes n’est pas linéaire et peut fortement varier d’un entrepôt à l’autre. La vitesse réelle à laquelle chaque opérateur va réaliser ses missions constitue un élément clé. Nous avons par exemple mené des analyses de corrélation qui nous ont permis de déterminer que sur certains sites la productivité des opérateurs pouvait chuter de 50% entre la première et la deuxième heure de service.
La somme des éléments à mettre sous contrôle est telle qu’il n’est pas concevable qu’elle le soit par un manager sous Excel. Le Machine Learning apporte lui cette capacité d’autoajustement des priorités dans l’objectif de respecter l’OTIF pour l’ensemble des commandes.
L'IA permet donc clairement d’affiner les calculs. Il est en particulier possible site par site :
- De déterminer le rythme optimal d’enchainement travail / pause.
- D'optimiser l'affectation des types de missions pour que les opérateurs gardent de l'attention et de la motivation.
- De déterminer à partir de combien d'opérateurs une allée peut être considérée comme engorgée.
- Etc.
En termes de motivation des équipes, il me semble également intéressant de pouvoir partir sur des données propres à chaque site plutôt que génériques comme c’est par exemple le cas dans les WMS nord-américains qui utilisent tous les mêmes standards de cadence établis par un organisme US.
Utiliser des données propres à son entrepôt rend les comparaisons plus concrètes et permet d’amener de l’intelligence dans la mesure de performance. L’opérateur peut par exemple se comparer à sa performance habituelle sur un type de mission et les outils lui indiquer s’il est en train de sous ou sur performer.
Comment définir un réseau de distribution agile ?
L'agilité de la supply chain vise à tenir une promesse client ambitieuse (et donc à optimiser ses ventes) tout en préservant sa productivité. Plusieurs modèles d’organisation du réseau de distribution sont pour cela possibles :
- Il peut s’agir d’utiliser de grands entrepôts industrialisés qui profitent des livraisons magasins pour mettre à disposition des clients les livraisons Click & Collect. Celles-ci ont alors pu être préparées de manière massifiée et donc très productive en bénéficiant par exemple de la mécanisation de la plateforme. Autre intérêt : plus on met de volume sur un entrepôt, plus grandes sont les chances que le dimensionnement des moyens s’avère fiable.
La limite tient néanmoins dans la rapidité de la livraison Click & Collect qui peut être promise au client. Dans une telle configuration, il n’est généralement pas possible de mettre à disposition les produits en magasin le jour même.
Pour les livraisons à domicile par contre, l’impact délais est limité. Ceux-ci restent comparables à ceux des solutions qui s’appuient sur des entrepôts de proximité. Si les délais sont les mêmes, autant privilégier de moyens industriels de préparation de commandes.
- Pour une mise à disposition des produits en Click & Collect plus rapide sans pour autant perturber l’activité de vente du magasin, le recours à des entrepôts de proximité ou à des « dark stores » fait sens. Les « dark stores » sont des entrepôts accolés aux points de vente voire des zones dédiées à l'intérieur même des magasins. Ils ont un double avantage : celui de ne pas perturber l’activité commerciale et de favoriser la justesse des stocks par le fait que seules les équipes logistiques y opèrent. Ils sont particulièrement adaptés aux commandes e-commerce drive dans la mesure où ils permettent de combiner la préparation de l’essentiel des produits dans un environnement dédié à la logistique avec la préparation de produits « à la coupe » en magasin par des professionnels (bouchers, charcutiers, fromagers, poissonniers…). Les clients disposent dès lors de la possibilité de commander une large gamme de produits.
- Une autre option existe pour des activités à fort volume : les entrepôts dédiés à la préparation des commandes e-commerce. La préparation y est « industrialisée », mais ils visent à livrer les clients soit à leur domicile soit en Click & Collect, c’est-à-dire que la marchandise livrée sur le point de vente n’est pas destinée à être intégrée au stock, mais plutôt à être directement remise aux clients.
Comment décider à quel entrepôt affecter le traitement d’une commande ?
Quand une entreprise s’appuie sur plusieurs sites de préparation, le rôle de l’OMS est primordial pour s’assurer de l’agilité de la distribution des produits. Il vise en effet à unifier informatiquement le stock et à déterminer à partir de quel lieu physique il est le plus pertinent d’adresser la commande du client. Ceci en fonction des capacités des sites, mais aussi des conditions et des coûts de transport.
L’OMS permet également de valider si une commande peut être prise et à quelle date elle pourra être livrée à partir des stocks disponibles dans le réseau et des règles de gestion établies (nombre de préparations par magasin, distances maximum de livraisons, etc.).
Les problématiques d’agilité diffèrent-elles selon les entrepôts ?
L’organisation à adopter dépendra bien entendu des ressources dont dispose l’entrepôt.
Certains sont mécanisés notamment avec de plus en plus d'équipements de type goods-to-man et de stockage automatique. Les produits sont dès lors transportés des emplacements de stockage vers les postes de préparation par des transstockeurs, des convoyeurs ou des robots.
D’autres sont semi-mécanisés. La préparation y est mécanisée tandis que des opérateurs se chargent de réapprovisionner les systèmes en articles.
Dans le cas où des opérateurs sont impliqués dans tout ou partie du process de préparation, les possibilités de traitement des commandes en flux tendu sont limitées dans la mesure où il n’est pas envisageable d’envoyer un opérateur récupérer un article à chaque fois qu'une commande tombe. L’idée est alors plutôt de constituer des lots en regroupant des lignes communes à plusieurs commandes dans l’objectif d’optimiser les moyens à disposition de l’entrepôt. L’opérateur partira par exemple avec un chariot de préparation comportant 12 bacs et l’idée sera de constituer des lots de 12 commandes.
Les objectifs sont alors d’optimiser ce regroupement sur des critères de distances, mais aussi de typologies de produits (volumineux et petits) tout en veillant à ne pas faire travailler trop d’opérateurs au même moment dans la même allée pour éviter qu’ils ne se gênent.
Ce sont des choses qu'il est possible de faire sans IA aujourd'hui. Un séquencement de règles priorisées les unes par rapport aux autres est utilisé. Évidemment, il y a sans doute de l'optimisation à trouver grâce au Machine Learning. Je pense en particulier à la prise en compte de la productivité réelle des opérateurs que j’évoquais à l’instant.
Qu’en est-il de la préparation en magasins ?
Tout est en fait une question d'équilibre entre les recherches de rentabilité et de rapidité de mise à disposition des produits aux clients.
Lorsque les références sont soumises à une notion de saisonnalité ou à un fort risque de pénurie, considérer les produits stockés dans les réserves des lieux de vente fait sens. Le site détenteur du stock pourra dès lors être utilisé comme lieu de préparation de la commande. C’est une configuration qu’on retrouve souvent dans le domaine du prêt-à-porter. Les enseignes ont tout intérêt à indiquer à leurs clients que l’article à la taille recherchée est disponible dans tel magasin à proximité de leur domicile et est disponible en Click & Collect ou bien en livraison rapide.
Pour des articles dont les ventes sont plus récurrentes, la question se pose différemment. Il s’agira plutôt d’aller chercher de la performance. Il n’est alors pas pertinent de préparer en magasin ces articles, car la rentabilité sera moindre que s’ils le sont en entrepôt. Il convient également de bien prendre en compte le fait que préparer de grandes quantités sur un lieu de vente peut s’avérer perturbant pour les clients.
Le modèle adopté par l’enseigne dépendra en outre de la répartition géographique de son activité et de son réseau de magasins. Dans les régions à forte consommation, il sera pertinent de s’appuyer sur des moyens très industrialisés, tandis que dans d’autres régions à moindre volume les commandes e-commerce pourront être préparées en magasins.
Comment une entreprise en forte croissance peut-elle s’assurer de l’agilité de son entrepôt ?
C’est un point déterminant quand on évoque l’agilité. La supply chain doit s'adapter aux volumes connus bien sûr, mais également prévisionnels. On parle de scalabilité.
En particulier quand les prévisions de croissance sont fortes, il n’est pas envisageable de dimensionner sa logistique en fonction des seuls volumes actuels. La vision à 5 ans minimum est clé.
Une enseigne dont le développement commercial est rapide pourra au choix :
- S’appuyer sur des partenaires de type prestataires logistiques pour absorber la croissance de ses volumes, en particulier à l’international.
- Ou au contraire chercher à intégrer au niveau de son WMS la montée en charge des processus de préparation de commandes. Dans ce cas l'entrepôt agile peut se voir comme un entrepôt que l'on sait dupliquer avec les mêmes process pour ne pas avoir à « réinventer la roue » et à subir des démarrages sur 6 mois. Des entrepôts qui se basent sur des templates de paramétrage du WMS et qu'on sait copier / coller peuvent par exemple être opérationnels en 15 jours.
Toutes les entreprises ont-elles réellement besoin d’agilité logistique ?
Oui dans la mesure où l’agilité est clé dans le respect de la promesse client. Le problème est plutôt que les entreprises n'ont pas toutes la même sensibilité vis-à-vis de la logistique.
Par exemple, certaines enseignes considèrent la logistique et le transport comme des éléments de différenciation concurrentielle. Elles veulent en conséquence maitriser leurs opérations. C’est pourquoi elles prennent la décision de ne pas s’appuyer sur des prestataires, mais de tout internaliser : process, outils, etc. Ces entreprises s’appuient généralement sur des directions supply chain avec des bureaux d'étude très performants voire sur des laboratoires d'innovation. Leur objectif est alors de bénéficier avant leurs concurrents, de nouveaux leviers de productivité.
D'autres acteurs à l’opposé considèrent encore la logistique comme « un mal nécessaire » à la mise à disposition des produits à leurs clients. Ils vont alors confier à d'autres l'intelligence de l'organisation. Pour répondre à cette demande, certains 3PL proposent des systèmes clés en main. Charge à l’enseigne de s’adapter au modèle proposé par le prestataire. Néanmoins les mentalités évoluent et les enseignes ont de nouvelles exigences marketing dont les impacts sur la supply chain sont directs : performance des délais de livraison, assortiment des références présentes en stock, rapidité d’approvisionnement du réseau de Click & Collect, etc.
Les enseignes qui ne s’étaient pas jusque-là préoccupées de la performance de leur logistique peuvent être surprises des budgets à y consacrer et du fait que tout n’est pas atteignable tout de suite.
L'agilité d'un entrepôt est donc en fait directement liée à l'intérêt que l’entreprise porte à son organisation logistique, à ses process et aux investissements qu’elle est prête à y consacrer.
Comment s’articule votre offre par rapport aux WCS ?
Generix propose un module WES (Warehouse Execution System) qui vient en complément des WCS. Ce module ne pilote pas les opérations de maintenance ou la vitesse des équipements, mais va communiquer au WCS les produits à trier sur les voies de sortie, charge à celui-ci d’affecter les voies aux commandes et aux destinataires.
L’objectif est d’optimiser les échanges et d’affecter les bonnes missions aux solutions mécanisées en fonction des statuts, des vitesses et des exceptions (produit manquant dans un goods-to-man, panne, etc.).
Le WES dispatche le travail sur les différents moyens qu'ils soient humains ou mécanisés. Cela permet par exemple en cas de ralentissement d’une chaine mécanisée de reswitcher très vite sur un mode de traitement alternatif, toujours dans l’objectif d’honorer les commandes dans les temps.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
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Bio Express
Isabelle BADOC est titulaire d’un Mastère Spécialisé « Intelligence Marketing » obtenu à HEC en 1997 et diplômée depuis 2015 d’un MBA Global & Domestic Transport Management de l’E.S.T. Elle démarre sa carrière en 1998 chez Influe en tant qu’ingénieure commerciale sur la solution de Gestion Partagée des Approvisionnements puis est en charge du développement du marketing produit. En tant que Product Marketing Manager, sa mission consiste à définir la stratégie marketing produit de la plateforme collaborative Generix Supply Chain Hub, de l’animer et de la valoriser auprès des marchés cibles. Elle participe également activement en France aux rencontres de l’Agora Clubs ou de l’ASLOG.
Site Internet de Generix : www.generixgroup.com
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