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INTERVIEW |
‘‘La logistique est un bon terrain de jeu pour expérimenter de l’innovation !’’ A. ACHER, Nov@log
Interview
de M. Arnaud ACHER, Directeur scientifique et
technique de Nov@log
Réalisée le 05/03/2013 par Frédéric LEGRAS,
Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre
du dossier thématique « L’innovation au cœur de
la logistique ».
En logistique les innovations sont-elles encore possibles ?
Bien sûr ! A partir du moment où les logisticiens sont toujours confrontés à des problèmes concrets de terrain à résoudre, pour lesquels les solutions n’existent pas encore, les problématiques auxquelles s’attaquer sont donc toujours réelles.
Je pense d’ailleurs qu’il ne faut pas limiter l’innovation à la R&D théorique. Il convient également de considérer l’intégration de l’innovation. En associant plusieurs technologies qui fonctionnent jusque là séparément, on peut en effet concevoir des solutions innovantes.
C’est également l’usage qui fait l’innovation. En logistique, les contraintes sont extrêmement fortes, en particulier dans les domaines de la massification et de l’efficacité du traitement des données.
Pour le temps réel, avec des cadences élevées et des volumes importants, les systèmes doivent pouvoir répondre très rapidement. Il faut par exemple être en mesure d’atteindre des niveaux de précision de l’ordre d’1 / 200 000.
De manière plus générale, dans le contexte concurrentiel actuel, la logistique est soumise à une pression forte. Les technologies mises en place doivent donc respecter des cahiers des charges économiques extrêmement serrés.
Alain
BUSSOD, Savoye
Philippe
VERNE, Fives Cinetic
Jérôme
BOUR, DDS Logistics
Christian
HUBERT et Stéphane BRUNEL, Komoto
Florent
BOIZARD, Hardis |
Enfin, si nous arrivons à mettre en place des innovations en logistique, cela permet de bénéficer d’une base pérenne pour « attaquer » l’ensemble des autres filières dans lesquelles les marges sont plus confortables. En définitive, la logistique est un bon terrain de jeu pour expérimenter de l’innovation !
De manière générale, quelles sont les conditions nécessaires à l’innovation logistique ?
Les technologies doivent avant tout être robustes. Je considère qu’il est préférable d’avoir un système un tout petit peu moins efficace mais robuste. Le système doit être en mesure de continuer à fonctionner en mode dégradé afin d’assurer la continuité des opérations.
L’autre condition tient à la performance économique. En effet, la logistique est un domaine dans lequel les acteurs sont très souvent des prestataires soumis à de fortes pressions économiques.
Présentez-nous l’activité de votre pôle de compétitivité. Comment favorisez-vous concrètement l’innovation dans ce secteur?
Notre pôle est particulier par rapport aux autres pôles. La majorité des pôles peuvent en effet être qualifiés de « technologiques ». C'est-à-dire qu’ils partent plutôt de découvertes R&D et d’innovations technologiques pour essayer de chercher des terrains d’expérimentation.
Pour nous, c’est l’inverse : nous partons davantage des problèmes de terrain pour remonter à un niveau systémique afin de résoudre ceux-ci. Nous nous positionnons dans le domaine de la recherche opérationnelle dans la mesure où nous considérons qu’on peut difficilement concevoir de « faire » de la recherche ou de monter un projet collaboratif logistique si on ne dispose pas de l’exemple concret mettant en situation les problèmes (la réalité concrète du terrain : le flux physique doit être réalisé !).
Pour nous, un projet ne peut donc pas avoir de sens s’il n’est pas à un moment ou un autre confronté à la réalité de ce qu’en font les gens.
Quels types de projets accompagnez-vous ?
Nous accompagnons à la fois beaucoup de petits projets et de très gros projets. Nous collaborons en particulier avec des PME qui ont constaté dans leurs métiers un manque sur une technologie et qui estiment légitime de développer une solution qui va résoudre un problème métier identifié.
Nous nous positionnons alors dans un accompagnement « cousu main ». Il s’agit en effet d’accompagner des acteurs qui ne disposent pas forcément de la culture des appels à projets.
Par
exemple, nous avons labellisé et accompagné
le créateur d’une PME qui souhaitait
développer une étiquette innovante
pour le suivi de la traçabilité
du froid.
Il s’agissait de l’aider à
monter son dossier et de lui permettre d’avoir
accès à des financements publics.
Le dirigeant a ainsi lancé son entreprise
et remporté plusieurs prix d’innovation.
Il est désormais en train de monter son
usine pour fabriquer ses étiquettes. Nous
sommes ainsi partis d’une idée de
projet avec une personne qui connaissait le métier
jusqu’à la « success story
» de son projet. Aujourd’hui, son
innovation est prête à être
exportée et les recrutements démarrent,
grâce à une levée de fonds
conséquente auprès d’une société
de Private Equity.
Pour
les gros projets, on peut citer les AMI (Appels
à Manifestations d’Intérêts)
dans le cadre du programme des Investissements
d’Avenir. Il s’agit de projets qui
peuvent par exemple concerner des infrastructures
et donc nécessiter des investissements
extrêmement lourds qui seront amortis et
suivis sur plusieurs années. Cela concerne
en particulier les ports qui portent un projet
accompagné d’un certain nombre de
partenaires.
D’autres projets sont internationaux et
présentent donc des dimensions encore plus
importantes.
Nous articulons les projets qui nous sont soumis selon deux domaines d’activités qui nous intéressent particulièrement :
- Les services et la logistique industrielle (flux amont de la matière première jusqu’à la fabrication du produit fini = 70% du coût logistique total).
- La Distribution amont et aval (innovation dans le milieu portuaire, logistique inter-urbaine et logistique intra-urbaine).
Quels sont vos critères de sélection de ces projets ?
La première condition porte sur l’innovation et la deuxième sur son aspect collaboratif. Ce sont les conditions minimums pour que le projet soit exigible à des financements publics.
Nous regardons également la composition du consortium. En règle générale, nous exigeons qu’il y ait une entreprise, des laboratoires externes, des PME qui ont des niches technologiques à développer et un utilisateur final qui sera le premier client du projet.
Nous travaillons le plus possible avec des industriels qui sont en général les donneurs d’ordre et qui seront utilisateurs. Il s’agit d’entreprises qui n’ont pas pour vocation de développer en interne la technologie mais qui vont s’appuyer sur des PME pour ce faire.
Nous
sommes dans une démarche que je qualifierai
de « démarche en spirale »,
c'est-à-dire que nous commençons
par réunir un petit noyau dur de l’entreprise
qui est ensuite élargi aux laboratoires.
L’idée est d’avoir une demande
auprès des laboratoires qui soit qualifiée.
Nous partons du problème, nous essayons
de le « fermer » avant d’avoir
recours à la R&D et à l’innovation.
L’idée est de s’assurer de ne pas réinventer des choses qui existeraient déjà !
Nous sommes donc avant tout pragmatiques. Nous considérons que la pertinence économique et le service rendu sont aussi importants que la technologie.
Nov@log est engagé avec ses partenaires européens dans le projet Log4Green (NDLR : projet « logistique durable »). Décrivez-nous ce projet. En quoi est-il innovant ?
Log4Green est issu de l’appel à projets européens Régions de la Connaissance (FP7). Il s’agit de traiter les aspects de la collaboration entre 6 régions (Turquie, Ukraine, Autriche, Allemagne, Belgique et France).
L’idée est de faire collaborer les clusters logistiques sur le sujet du transport vert. Chacun de ces clusters a pour caractéristique d’avoir des représentants de 3 collèges (entreprises, laboratoires et institutions).
On regarde dans chaque région les préoccupations de chacun, ce qui se fait de bien … et de moins bien.
On s’aperçoit que culturellement, les problématiques régionales en France ou dans d’autres pays ne sont pas les mêmes. C’est intéressant par ce que cela nous permet d’analyser ce sur quoi on peut travailler en commun et ce sur quoi il y a des spécificités, et comment les traiter.
L’objectif est de développer un calendrier de projets sur le transport vert qui sera fourni à la Commission Européenne en vue de futurs appels à projets.
Dans le cadre de projet, nous travaillons sur 6 thématiques :
- la robustesse des systèmes logistiques
- l’efficacité de l’intermodalité
- les avantages que représentent les investissements durables (au niveau social et sur le plan écologique)
- la logistique urbaine
- les aspects légaux et les réglementations
- l’organisation des clusters logistiques au niveau européen
Le projet est doté d’un budget de 3 millions d’euros. Débuté il y a environ un an et demi, sa durée prévisionnelle est de 3 ans.
Que peut-on attendre dans les prochaines années en terme d’innovation dans les secteurs transport et logistique ?
Il est souvent très difficile de pouvoir a priori décliner sous forme de catalogue les technologies qu’il faudra utiliser. Au sein de notre pôle de compétitivité, nous commençons par décrire les services que doit rendre la technologie et ensuite nous travaillons sur la technologie qui rend le mieux le service.
Très souvent, dans l’approche industrielle et technologique, les acteurs ont tendance à d’abord vouloir développer une technologie puis à déterminer ensuite si celle-ci serait applicable à la logistique. Comme je l’ai déjà expliqué, nous sommes plutôt dans la démarche inverse.
Pour moi, les innovations émergentes concerneront les systèmes d’informations, la traçabilité des flux et l’interopérabilité des systèmes.
De même, il existe des solutions à concevoir dans les domaines de la sûreté et de la sécurité des flux (en particulier aux niveaux réglementaires et juridiques). Par exemple dans le collaboratif et la mutualisation, il convient de résoudre les questions suivantes : à qui appartient la donnée ? Qui a le droit d’y accéder ? Etc … Ceux sont souvent les conditions juridiques plus que la technologie qui peuvent freiner le développement d’un projet par manque de définition d’un cadre précis.
Autre
domaine : le cycle de vie et le développement
durable. Il conviendra de plus en plus de considérer
un produit de sa conception jusqu’à
son recyclage, ce qui inclut la reverse logistique
(logistique des retours et du traitement des déchets).
Tout cela doit se penser de manière globale.
On peut ainsi imaginer concevoir des packagings
un peu plus chers au départ mais qui en
termes de recyclage coûteront 10 à
20% moins chers. C’est déjà
par exemple le cas en chimie. Pour le transport
de matières dangereuses, il est obligatoire
de prévoir un recyclage de l’ensemble
des packagings qui auront été en
contact avec le produit. Une mauvaise conception
du packaging à l’origine peut ainsi
coûter extrêmement cher à l’arrivée.
Souvent cet aspect des choses n’est vu qu’une
fois que le problème se pose au lieu d’être
considéré au moment de la conception
du produit. Cela plaide beaucoup pour la logistique
intégrée. Il faut que dès
l’étape de conception des produits
par le service marketing, on puisse intégrer
les contraintes logistiques (tailles des palettes
et des conteneurs, etc …).
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
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Bio Express
Monsieur ACHER a débuté
sa carrière professionnelle
en tant qu’Ouvrier puis en
tant que Responsable Logistique.
Il a ensuite repris des études
supérieures à 30 ans
pour obtenir les diplômes
d’Ingénieur Supply
Chain du CESI de Rouen, ainsi que
le MBA Maritime-Transport-Logistique
de l’Ecole de Management de
Normandie.
Il a évolué à
des postes de Directeur d’Exploitation,
de Responsable de Plateforme et
de Supply Chain Manager dans une
multinationale évoluant dans
le domaine de l’industrie
chimique.
Il a rejoint le pôle de compétitivité
Nov@log il y a 5 ans en tant que
Directeur scientifique et technique.
Dans cette dernière fonction,
il manage l’équipe
projets qui accompagne l’ensemble
des projets labellisés par
le pôle et en assure également
la validation des contenus scientifiques
et techniques.
Site
Internet Nov@log : www.novalog.eu