Dossiers > Innovation > La supply chain en pole position (2018) > Entretien Generix Group
INTERVIEW
|
‘‘Les plateformes collaboratives sont une révolution pour la supply chain ’’ I. BADOC, GENERIX
Interview d‘Isabelle BADOC, Supply Chain Solutions Marketing Manager chez Generix Group.
Réalisée le 22/02/2018 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Innovation : la supply chain en pole position ».
Quelles sont les grandes tendances qui ont impacté la supply chain ces dernières années ?
Depuis 4 ou 5 ans, c’est incontestablement l’essor de l’omnicanal qui a marqué le secteur. Les comportements et les façons d'acheter ont clairement changé.
Antoine REDIER | GEFCO Didier GRIS et Philippe MARQUES | A-SIS Jérôme BOUR | DDS LOGISTICS Sébastien SLISKI | ZETES |
En découle le développement de la préparation unitaire, de la livraison à domicile, etc.
La supply chain s'est en fait rapprochée du consommateur final. Complètement intégrée au service client, elle contribue fortement à l'image de l'entreprise en termes de qualité, de satisfaction et même de sympathie que peuvent éprouver les utilisateurs de la marque.
Bref, elle constitue dorénavant une vitrine pour la société.
C’est ainsi que les fonctions logistiques et supply chain sont désormais proches des cercles de décision stratégique des entreprises, même si certains acteurs historiques n’ont pas encore adopté l’organisation permettant d’en faire un véritable levier de création de valeur.
En parallèle, l’évolution des technologies et l’essor du digital apportent une capacité à traiter un grand nombre d’informations et en particulier des informations dont les sociétés ne disposaient pas auparavant.
Les potentiels sont énormes. C’est la raison pour laquelle, nous nous sommes assignés la mission de placer la supply chain au cœur du dispositif de création de valeur et de nous appuyer sur les innovations technologiques et digitales pour y parvenir.
Je pense à ce titre, qu’il est nécessaire d’insister sur le fait que ces innovations sont un moyen et non une fin en soi. Elles doivent rester au service des besoins métiers.
Souvent, la Direction de l’entreprise enjoint ses équipes logistiques à lancer des chantiers digitaux et innovants. La présentation de nouvelles solutions déclenche un grand enthousiasme, en particulier parce que nos interlocuteurs se rendent compte que leur mise en place va dans le sens de cette forte aspiration de leur Direction.
Je pense, par exemple, aux lunettes connectées, aux applications smartphone pour les chauffeurs, aux robots mobiles dans l’entrepôt, etc.
En termes d’image de marque, ces produits sont séduisants.
Néanmoins, il me semble que le sujet est alors pris à l’envers. La bonne démarche serait plutôt de qualifier sa problématique et de demander à l’éditeur de l’aide sur l’identification de la solution optimale.
En effet, l'innovation a un coût. Le risque est d’être confronté à un NO GO de cette même Direction, une fois que le budget du projet est établi. Il est donc plus logique de réfléchir à l’organisation de sa supply chain et aux solutions techniques adaptées, plutôt que d’essayer de faire entrer ses processus dans l’utilisation d’une nouveauté technologique.
Vous avez, je crois, à cet effet monté une équipe de consulting…
De plus en plus de clients sollicitent notre aide pour travailler avec eux dans leur démarche de transformation digitale. Nous avons donc décidé de mettre en place l’organisation permettant de leur proposer un accompagnement structuré.
Notre équipe de consulting est notamment experte dans les domaines ayant trait à la mécanisation des sites, à l’intelligence artificielle, à la blockchain, etc. Elle accompagne nos clients dans l’adoption d’une approche rationnelle de ces différents sujets.
Il s'agit d’améliorer la création de valeur de l’entreprise, au travers de la transformation digitale de sa supply chain, et non de faire du digital une fin en soi.
L’équipe est composée de consultants qui apportent un cadre et une méthodologie afin d’aider les entreprises à fixer et suivre un objectif, structurer leur démarche, etc.
Vous évoquiez à l’instant la blockchain. On entend beaucoup parler du sujet à travers la crypto monnaie, mais les applications pour la supply chain semblent assez évidentes...
La blockchain est un moyen. Elle apporte une solution pour sécuriser les échanges.
Néanmoins, avant même la sécurisation, je pense qu'il y a une vraie tendance de fond sur le besoin de visibilité.
La question est de savoir si les acteurs de la chaîne de valeur savent se partager l'information, afin que chacun puisse travailler plus efficacement, et avec comme objectif commun de respecter la promesse de livraison faite au client.
Si le sujet semble moins innovant technologiquement que celui de la blockchain, les plateformes collaboratives constituent, selon moi, une révolution pour la supply chain.
A mes yeux, ce phénomène est comparable à celui des ERP. Les salariés d’une société pouvaient enfin travailler sur un référentiel unique. Une fois la commande enregistrée, toutes les personnes de l’entreprise intervenant dans le processus disposaient des mêmes informations et du suivi de traitement à chaque étape.
Dans le cas des plateformes collaboratives, le périmètre est élargi à la relation interentreprises et l’enjeu est le pilotage de la supply chain end-to-end. Les potentiels sont aussi forts que ceux qui concernent l'industrialisation des sites logistiques.
Dans ce cadre, la blockchain constitue un des éléments des dispositifs possibles pour piloter sa supply chain end-to-end. C’est un moyen parmi d'autres qui vise à transporter de l'information de manière sécurisée, sans tiers de confiance. Elle doit permettre de numériser des documents, là où il n’y a pas aujourd'hui de solution existante.
C'est donc une innovation qui remet en évidence l'intérêt de la digitalisation, bien que cela soit déjà possible depuis 25 ans grâce à l’EDI.
La différence est qu’il n'y a plus besoin de standard.
Quelles sont les autres tendances qui marquent le secteur ?
Elles sont nombreuses.
La notion de temps réel devient prépondérante. Les consommateurs veulent tout, tout de suite, ce qui booste l’intérêt pour le déploiement de solutions de pilotage d’une supply chain end-to-end.
En entrepôt, l’objectif est de savoir à tout moment où en est la préparation d'une commande, pour pouvoir si nécessaire agir sur celle-ci. Par exemple, en lui ajoutant ou en lui ôtant une ligne. C’est un sujet sur lequel nous avons avancé l’année dernière avec la mise en place, chez l’un de nos clients, d’une solution de mobilité en temps réel.
Les flux s’accélèrent. Les cut off sont plus fréquents, les commandes tombent toutes les deux heures. Les entrepôts ne peuvent donc plus travailler comme avant en termes d'organisation des opérations.
Pour optimiser l’ordonnancement, les décisions doivent être prises très rapidement. Dans cette optique, les concepts d'intelligence artificielle et de machine learning semblent prometteurs.
L’uberisation, qui touche aujourd’hui certains secteurs d’activité devrait également fortement impacter la supply chain dans un futur proche. Ces plateformes arrivent à créer de la valeur par la simplification et la suppression des intermédiaires. A très court terme, il est probable que des particuliers soient intégrés dans les dispositifs supply chain professionnels. Cela a d’ailleurs déjà commencé avec la livraison de colis par des VTC.
L’amélioration de la visibilité de la supply chain end-to-end devrait également favoriser la mutualisation. Jusqu’à présent, pour fonctionner il était nécessaire de s’appuyer sur une organisation très structurée. Avec les nouveaux outils, il est beaucoup plus simple d’identifier des opportunités de combinaison de flux. La vision des charges et capacités de transport est désormais exhaustive.
Liés à ce sujet de la mutualisation, les enjeux associés à la logistique urbaine sont importants. Il n’est plus acceptable aujourd’hui qu’un distributeur fasse appel de manière isolée à un petit transporteur dont le camion roulera à vide, alors qu’un consommateur sera lui livré de trois commandes, par trois prestataires différents, chacun sur des créneaux distincts.
La notion de circuit court devrait également impacter l’essor de technologies comme l’impression 3D. C’est notamment ce que souhaite faire Dassault Systèmes, avec une plateforme permettant aux industriels de trouver des sites de production, partout dans le monde. Prenons l’exemple d’un client au Chili qui a besoin d’une pièce de rechange. Plutôt que de la fabriquer en Europe et de la lui expédier, le fabricant pourra la faire produire par une entreprise locale, à partir des spécifications techniques et de fichiers préalablement communiqués.
Enfin, la dernière tendance que j’évoquerai est celle du développement des market places. Elles intéressent nombre de petits producteurs parce qu’elles leur offrent la possibilité de commercialiser leurs articles à une audience large, y compris à l’international. Elles peuvent également leur simplifier la vie en termes de logistique car elles proposent des services de gestion des expéditions, des retours, etc.
Nous le voyons, les tendances sont nombreuses et nous nous devons d’être en veille permanente pour identifier celles qui se révèleront être de véritables opportunités.
Justement, comment vous y prenez-vous en termes de veille et d’innovation ?
Nous disposons d’une cellule stratégie produit/offre, pilotée par notre président, M. Jean-Charles DECONNINCK.
Christophe VIRY, Product Marketing Manager et moi-même animons des groupes de travail, autour des différentes solutions pour appréhender, anticiper les tendances, et étudier les possibilités d’évolution de notre offre. Nous observons également les évolutions technologiques, les innovations de tous types ayant un lien avec notre industrie, et nous décryptons les impacts des changements majeurs sur la supply chain.
C’est à partir de cette démarche que nous orientons nos efforts de R&D. Une fois une évolution décidée, les Product Managers prennent le relais. Nous rédigeons le cahier des charges et assurons le lien entre R&D et clients.
Comment sont intégrés vos clients à vos processus d’innovation ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec nos principaux clients, en particulier à travers notre structure conseil. Nous nous engageons ensemble dans des projets d'innovation.
J’ai notamment en tête ce que nous avons réalisé pour le pilotage en mobilité. Il s’agissait de développer une application smartphone connectée au WMS, afin que les chefs d'équipe puissent piloter l’activité en temps réel, changer les priorités, etc., tout en restant proches du terrain et non plus « coincés au bureau ».
Ce projet a été mené en partenariat avec l’un de nos clients. En contact avec les opérationnels, nous avons travaillé pendant 1 an avec les chefs d'équipe et le responsable informatique de l’entrepôt.
Tous les 15 jours, un opérateur testait les évolutions développées dans cet intervalle. Les résultats de ces tests alimentaient les développements des 15 jours suivants.
Grâce à cette démarche, la solution délivrée s’est révélée immédiatement opérationnelle et a été adoptée de tous ses utilisateurs, car elle répondait exactement à leurs attentes.
De manière générale, il est compliqué et risqué de mener un nombre important de projets de front. C’est pourquoi, nous avons choisi de privilégier ceux répondant aux besoins d'une majorité de clients.
Nous avons également la chance de pouvoir collaborer avec nos clients via le Generix User Club, lancé à leur initiative. Ils ont permis l'échange et la constitution d’une cellule de réflexion, visant à nous proposer des sujets d'innovation, d'évolution, etc.
Quels sont les grands sujets sur lesquels vous travaillez actuellement ?
Les aspects de collaboration et de visibilité sont des axes de développement importants pour Generix Group.
Nous proposons une plateforme de tracking à laquelle sont associés plusieurs usages, en particulier la capacité pour un prestataire logistique de fournir de la visibilité à son donneur d'ordre sur les flux, les niveaux de stock, etc.
Les opérations sont dès lors menées de manière collaborative. La solution répond à un besoin fort des clients. Ils souhaitent pouvoir accéder en temps réel aux informations de leurs prestataires. Cela est rendu possible grâce à l’utilisation de notre plateforme. Ils n’ont plus à attendre de recevoir un fichier Excel avec tout le détail de la journée en fin d’après-midi.
Nous avons également fait évoluer notre portail de gestion de la relation transporteur, permettant au chargeur de lui envoyer des demandes de prise en charge d'expéditions. Le transporteur se connecte, accepte ou refuse la mission. Une fois la mission en cours d’exécution, il peut déclarer des aléas, recevoir sa pré-facture, la commenter si nécessaire et la valider en ligne.
Plus spécifiquement sur l’entrepôt, je l’évoquais à l’instant, nous avons travaillé cette année sur le pilotage en temps réel des opérations. En deuxième étape, nous allons avancer sur la gestion et la planification des ressources.
Ensuite, il existe d’autres sujets que nous devrions attaquer ou relancer comme le machine learning, les lunettes connectées, les connexions avec les AGV, les robots, etc.
Nous devrions donc mener plusieurs chantiers R&D dans les prochaines années, toujours sur la base de POC avec nos clients. Je pense en particulier à un moteur d'intelligence artificielle qui fait de la construction de palettes TETRIS. L’objectif est ici de diminuer le nombre de supports grâce à une meilleure massification. Plusieurs clients nous ont confirmé être intéressés par un test de la solution.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
- Consultez les autres dossiers de FAQ Logistique en rapport avec l'innovation en Supply Chain.
- Consultez les autres entretiens accordés par Isabelle BADOC à FAQ Logistique.
- Retrouvez dans notre répertoire de solutions, les dernières start-ups supply chain et les cabinets experts en transformation digitale.
Bio Express :
Isabelle BADOC est titulaire d’un Mastère Spécialisé « Intelligence Marketing » obtenu à HEC en 1997 et diplômée depuis 2015 d’un MBA Global & Domestic Transport Management de l’E.S.T. Elle démarre sa carrière en 1998 chez Influe en tant qu’ingénieur commercial sur la solution de Gestion Partagée des Approvisionnements puis est en charge du développement du marketing produit. En tant que Product Marketing Manager, sa mission consiste à définir la stratégie marketing produit de la plateforme collaborative Generix Supply Chain Hub, de l’animer et de la valoriser auprès des marchés cibles. Elle participe également activement en France aux rencontres de l’Agora Clubs ou de l’ASLOG.
Site Internet de Generix : www.generixgroup.com