Publications > Les transports en Afrique : enjeux et perspectives (Cabinet Infhotep) > Le dynamisme du réseau actuel projette l'Afrique dans la mondialisation
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Le transport maritime : les infrastructures les plus dynamiques en Afrique
Historiquement, le transport maritime est le premier à s’être développé sur le continent. L’Afrique de l’ouest est dotée d’installations portuaires qui n’ont cessé de se moderniser depuis la fin de la période coloniale. L’Afrique de l’est a également développé ses ports. Le port de Djibouti exporte majoritairement vers l’Arabie Saoudite, l’Egypte et l’Inde. Les ports de Dar-Es-Salaam en Tanzanie, de Mombasa au Kenya et de Beira au Mozambique importent massivement d’Inde et de Chine.
Aujourd’hui tiré par l’essor de la demande asiatique et par l’augmentation des échanges sud-sud, le transport maritime mondial et africain connaissent, d’après le dernier Review of Maritime Transport, une « embellie qui annonce, après plusieurs années difficiles, un probable retournement de cycle ».
Selon la Banque Africaine de Développement, l’activité portuaire en Afrique continentale estimée à 265 millions de tonnes pourrait dépasser en 2040 les 2 milliards de tonnes. Les volumes transportés seraient multipliés sur la même période par 6 voire 8 pour atteindre 14 dans certains pays privés de débouchés maritimes. Nombreux sont les pays à compter sur leurs voisins dotés d’une façade maritime.
A titre d’exemple, le port de Mombasa au Kenya est le relai de la majorité des importations et exportations de l’Ouganda. Le port de Dar-Es-Salaam en Tanzanie traite plus de 90% des importations et exportations du pays. Ce port est aussi un relai indispensable pour les pays voisins enclavés comme la RDC, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Malawi ou la Zambie, à tel point que sa capacité est passée de 7,2 millions de tonnes en 2007 à 13,5 millions de tonnes en 2013.
L’essor des ports africains s’accroit avec la mise en concession des ports. Les principaux opérateurs portuaires sont APMT (Danemark), ICTSI (Philippines), DP World (Dubaï) et Bolloré Africa Logistics (France), leader en gestion de terminaux à conteneurs sur le continent avec près de quatorze concessions portuaires. Ce dernier détient la plupart de ses concessions en Afrique de l’ouest, dont la porte d’entrée sur la RDC avec le terminal de Pointe-Noire qui traitait 620 000 EVP en 2014 et dessert les deux Congo et la Centrafrique. Il est le seul port face à Douala, concession détenue par le consortium Bolloré Africa Logistics et APMT, Luanda et Matadi à pouvoir accueillir des navires de dernière génération d’une capacité de 7 000 EVP en attendant la mise en service courant 2016 du port de Kribi au Cameroun.
Le groupe français opère également sur la façade pacifique comme l’illustre la construction en 2013 du premier port entièrement dédié aux compagnies pétrolières à Pemba au Mozambique. Le défi est important pour les ports d’Afrique orientale dont le versant se mue en nouvelle autoroute de la mer grâce à l’intensification des échanges sud-sud.
Dans le même temps, les travaux d’extension du port d’Abidjan ont débuté en octobre 2015. Ces travaux comprennent l’élargissement et l’approfondissement du canal ainsi que la construction du 2ème terminal à conteneurs qu’exploitera le consortium Bolloré Africa Logistics et APMT. Ce projet va permettre plus qu’un doublement des capacités du port qui pourra atteindre 3 millions de conteneurs par an. Dans le même temps, les autres pays d’Afrique de l’ouest souhaitent également asseoir leur influence maritime engendrant un vaste mouvement de privatisation pour se mettre à l’heure de la mondialisation.
Le transport aérien : un développement qui reste à concrétiser
De son côté, le transport aérien pèse très peu. A l’échelle mondiale, l’Afrique ne représente que 2,4% du trafic de passagers mondial en 2015, alors qu’elle compte 15% de la population mondiale. Le potentiel est donc très important comme le traduisent les prévisions. La croissance du trafic aérien devrait s’établir à +6,2% par an en moyenne pour les dix prochaines années, +4,9% pour la décennie suivante et 5,5% pour celle d’après. Deux tendances caractérisent ce marché actuellement : des flux de trafic de plus en plus denses entre l’Afrique et le reste du monde qui attirent les convoitises des grandes compagnies comme Emirates ou Turkish Airlines et les dessertes intra-africaines médiocres, très chères, assurées par une cohorte de compagnies africaines non rentables aux flottes microscopiques à l’instar de Sénégal Airlines ou la Camerounaise Camair-Co.
La croissance du trafic pousse d’ores et déjà différents états à accroître leurs capacités et à moderniser leurs infrastructures à l’exemple de l’Ethiopie qui a lancé la construction de deux aéroports et du Sénégal qui procède actuellement à l’extension de l'aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) à Dakar.
Le Gabon, de son côté, procède à la mise en oeuvre d’un projet de rénovation et d’extension de l’aéroport de Port-Gentil avec un budget de 45,7 millions d’euros. C’est son Président, Ali Bongo Ondimba, qui affirmait « L’aviation est la prochaine frontière de croissance en matière d’infrastructures pour l’Afrique ».
Dépassées les infrastructures, les compagnies africaines qui gèrent principalement les dessertes intra-africaines ont à progresser. Sur 230 compagnies référencées en décembre 2015 dans la « liste noire » de la Commission Européenne, 50% soit 115 sont africaines.
Le transport ferroviaire : un enjeu fort pour l’industrialisation des campagnes
Le réseau de chemins de fer en Afrique, souvent issue de la période coloniale, est à ce jour le plus vieillissant. Il doit réussir à se déployer tandis que ses avantages comparatifs ne s’affirment que dans le transport des pondéreux et des produits non périssables face à la route. Plus d’une quinzaine de pays ne disposent pas de voies ferrées, ce qui réduit le potentiel d’échanges commerciaux interrégionaux et interétatiques. Tandis que le réseau existant est globalement en mauvais état comme l’illustre la ligne Congo-Océan qui peine à envoyer ses conteneurs de Pointe Noire à Brazzaville, Kinshasa ou Mbinda sur la frontière gabonaise. Le gouvernement a lancé des appels d’offres en 2015 afin de réhabiliter la ligne de chemin de fer reliant Pointe-Noire à Brazzaville. Le Congo multiplie les projets afin de devenir à terme le point de passage pour toute l’Afrique centrale. En Afrique de l’ouest aussi les projets émergent, à commencer par la réhabilitation de la ligne ferroviaire Dakar-Bamako qui va permettre de dynamiser les échanges avec le Mali. La région compte aussi les travaux de réhabilitation de la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou commencés en septembre 2015 par Bolloré Africa Logistics.
Ces travaux doivent permettre de porter le trafic à 5 millions de tonnes de marchandises contre seulement 910 000 tonnes actuellement. Ce projet est complété par la réhabilitation de la ligne Cotonou-Parakou qui va également être prolongée jusqu’à Niamey au Niger et de l’autre côté jusqu’à Lomé au Togo. A terme une ligne Abidjan-Ouagadougou-Niamey-Cotonou-Lomé devrait exister, libérant les échanges et permettant de désenclaver la région. C’est le projet de la boucle ferroviaire du groupe Bolloré appelée projet « BlueLine ». Le Tchad va également voir sa capitale intégrée au commerce régional grâce au projet de ligne reliant le Cameroun à N’Djamena. Plus au sud, la Zambie, la RDC et l’Angola sont à nouveau reliés par une voie ferrée depuis le début de l’année 2015. La façade est africaine n’est pas en reste puisqu’une ligne ferroviaire de 752km a été ouverte en juin 2015 entre Djibouti et Addis Abeba, la locomotive éthiopienne. D’autres lignes sont à l’étude comme celle reliant Addis Abeba au Sud-Soudan et une autre qui rejoindrait le Kenya. De son côté, l’Angola qui souffre particulièrement de la baisse de la rente pétrolière, procède à la réhabilitation de son chemin de fer qui va permettre de désenclaver et redynamiser l’est agricole. L’arrière-pays, souvent laissé à la marge des villes côtières n’est donc pas en reste et l’inclusion spatiale se tourne davantage vers la promotion des échanges intra régionaux et plus seulement côte-hinterland.
Le transport routier : Un outil de développement du transport multimodal
Le transport routier, quant à lui, représente selon Justin Runji, spécialiste des transports à la Banque Mondiale, un des plus grands avoirs de l’Afrique subsaharienne. Le coût du transport en Afrique est pourtant le plus élevé au monde. Le transport d’un conteneur entre Kampala (Ouganda) et Mombasa au Kenya peut prendre deux fois plus de temps et d’argent que le transporter de Londres à Mombasa. Depuis les indépendances, le maintien des tracés routiers de l’époque se complète par un vaste programme de construction de routes dites transafricaines. Ce mouvement s’accélère au profit de l’intégration économique continentale. Le leader sud-africain affichant le plus grand réseau routiers, après celui de l’Afrique du sud, est le Kenya avec seulement 14% des routes goudronnées. En 2013, la densité estimée du réseau routier en Afrique est la plus faible au monde avec en moyenne 7km pour 100km², contre 12 pour l’Amérique latine et 18 pour l’Asie. L’Afrique Centrale est la région où le taux de bitumage est le plus faible avec 2,2km de routes pour 100km². D’après les estimations 2013, les principales routes du réseau africain s’établissent à une longueur totale de 31 423km auxquels s’ajoutent 45 832km de voies de raccordement, représentant environ 90% des transports de passagers et de marchandises.
Mais l’Afrique Centrale est la première à vouloir rattraper son retard. Le Congo est en train d’achever la réhabilitation de la route reliant la ville portuaire de Pointe-Noire à Brazzaville, la capitale. Le pays a engagé la construction de routes reliant la région enclavée de la Sangha, au nord du Congo, au Cameroun et à Brazzaville. Le Cameroun procède de son côté aux travaux de la route Cameroun-Congo (Sangmélima-Ouesso) depuis sa frontière et qui rejoindra Yaoundé. Leur voisin gabonais a également entrepris d’énormes efforts passant d’un réseau de 817 km de routes bitumées en 2009 à 1451 km début 2015. La poursuite de cette dynamique concerne en particulier Port-Gentil, deuxième ville du pays et centre névralgique des hydrocarbures du Gabon avec notamment un accord pour la construction d’une raffinerie avec Samsung signé en janvier 2016. Paradoxalement, la ville est coupée du reste du pays et l’on n’y accède pour le moment que par avion.
Le cas de Port-Gentil illustre parfaitement la dynamique actuelle qui consiste à relier les sous-régions entre elles, à développer le transport multimodal et à gagner en compétitivité.
Structure de l’étude