Les Interviews de FAQ Logistique > Interview de Mr Jean-Paul RIVAL, Concerto European Developer
‘‘Nous nous intéressons d’abord aux process de nos clients, à la destination de l’entrepôt, plutôt qu’à la « boîte immobilière »’’
Interview
de Mr Jean-Paul RIVAL, Directeur Général
Adjoint de Concerto European Developer
Réalisée le 28/11/2012 par Frédéric
LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique, au
cours du Congrès
International de l’ASLOG au Havre.
A l’occasion du Congrès de l’ASLOG, Mr RIVAL intervenait lors de la conférence « Logistique du futur : massification, mutualisation et multimodalité», A l’issue de celle-ci, nous avons pu l’interroger sur ce sujet d'actualité pour Concerto European Developer notamment sur l'axe Paris Seine Normandie.
Pourriez-vous commencer par nous présenter les activités de Concerto dans la logistique ?
Jean-Paul RIVAL : Concerto
European Developer est une filiale d’AFFINE,
société foncière cotée
à la Bourse de Paris. AFFINE est une foncière
spécialiste de l’immobilier de bureau,
de commerce et de logistique.
Dans ce cadre, Concerto est exclusivement dédié
au développement de projets logistiques.
Contrairement à AFFINE dont la logique
est patrimoniale, nous avons une logique de développeur/investisseur.
Nous développons des projets d’immobilier
uniquement en logistique.
Combien d’implantations avez-vous en France ?
Notre société existe depuis plus de 12 ans, nous avons donc beaucoup d’implantations, Nous comptons des clients importants comme Carrefour, BUT International, Sanofi, Samada, Nortène, etc.
Plus récemment, nous avons conclu une collaboration avec la société Sunclear pour laquelle nous sommes en train de développer un entrepôt à Marne La Vallée et avec la société Eurodif pour un entrepôt sur le Parc Logistique de l’Aube à Troyes.
Nous sommes positionnés et reconnus dans l’immobilier logistique comme des acteurs avec une approche process. En effet, nous nous intéressons d’abord aux process de nos clients, à la destination de l’entrepôt, plutôt qu’à la « boîte immobilière ».
Ce choix vient du fait qu’aussi bien Thierry BRUNEAU (Directeur Général), que moi-même, sommes des gens issus de la logistique. Nous avons travaillé dans les domaines de l’informatisation et de l’automatisation d’entrepôt pendant une vingtaine d’années.
Nous avons donc gardé cette obsession pour la valeur ajoutée et l’optimisation de la performance opérationnelle. Nous considérons que l’entrepôt n’est qu’une enveloppe qui va autour d’un projet logistique.
L’entrepôt doit s’adapter à l’exploitation du client/locataire pour lequel nous réalisons le projet, tout en respectant les enjeux de l’investisseur, qui, lui, cherche un bâtiment le plus standard possible, donc le plus pérenne possible. Il veut être sûr que l’investissement soit le moins risqué possible et le plus durable.
Nous devons donc jouer avec ces deux enjeux. Permettre à l’investisseur d’atteindre ses objectifs, tout en fournissant un produit totalement adapté à la logistique opérationnelle des clients pour lesquels nous réalisons le développement.
Au cours du Congrès de l’ASLOG, vous interveniez sur la conférence « Logistique du futur : massification, mutualisation et multimodalité » avec en particulier un zoom sur l’axe Seine. Pourriez-vous nous présenter quels sont pour Concerto les atouts de l’axe Seine ?
Avant de parler de l’axe Seine en tant que tel, je vous propose de revenir sur ce qui nous a fait venir à l’axe Seine dans le concept logistique.
Et avant même d’évoquer le concept logistique, il convient d’aborder une évolution que je considère quasiment comme une évolution de société : la fin d’une logique de silos.
Je m’explique : pendant longtemps les évolutions et les améliorations ont été rendues possibles par le fait que les gens avaient réduit leur périmètre d’investigation pour pouvoir l’approfondir. Chacun avait analysé en profondeur un domaine précis. C’est un phénomène qui s’est fait aussi bien dans les sciences que dans le monde de l’économie. C’est comme cela que nous avons eu des gens qui étaient très bons en ventes, d’autres en marketing, d’autres en production, d’autres en finances, etc.
En revanche, on se rend compte que le manque de collaboration et de communication transverse fait que des gisements de valeur ajoutée ne sont aujourd’hui pas encore détectés ni exploités.
C’est en particulier le cas en logistique. L’aspect mondialisation, qui n’est jamais que cette vue globale des choses dont chacun avait avant une vue régionale, entraîne une évolution profonde dans la façon d’appréhender la logistique. D’où la nécessité de collaboration. Qui dit collaboration, dit capacité de massifier, de mutualiser des opérations, à partir du moment où on cherche à les combiner de façon intelligente.
Donc, massifier pourquoi ? Parce que cela permet d’éviter des stocks intermédiaires, des transports inutiles et donc de faire des économies directes.
Mutualiser pourquoi ? Parce que cela permet de mettre en commun des moyens (physiques, humains et capacités de flux).
Enfin, la multimodalité permet d’économiser sur un plan physique (en utilisant le fleuve ou le fer) et donc de réduire les coûts logistiques et l’empreinte carbone (amélioration de la facture environnementale).
Tous ces éléments nous ont fait nous intéresser à la Région du Havre, car comme je le disais tout à l’heure lors de la conférence, il y a deux points d’entrée pour les conteneurs en France : Marseille et Le Havre.
Le Havre est
le premier port de conteneurs et a un environnement
plus ouvert que Marseille, qui est très
contraint sur le plan géographique. Nous
avons donc regardé ce que nous pourrions
faire autour du Havre. C’est à cette
occasion que nous avons identifié Honfleur.
Il se trouve que Honfleur, qui est pourtant juste
de l’autre côté de l’estuaire
(très proche du Havre), n’est aujourd’hui
pas développé logistiquement parlant.
Jusqu’à
présent, personne n’avait justement
eu cette vue un peu plus globale et un peu plus
transverse des activités. Quand on était
en Basse Normandie on n’avait rien à
voir avec ce qui se passait en Haute Normandie,
au Havre.
Les choses ont changées. Le GIE HAROPA a permis d’avoir une vue plus globale de l’axe Seine, donc de ces flux logistiques arrivant au Havre.
Désormais, les gens voient favorablement le développement de l’activité autour du port lui-même. Dans ce cadre, nous sommes donc favorables au fait de générer de nouvelles opérations bénéfiques pour tous :
- pour le port Le Havre (augmentation de son trafic),
- pour la Région Basse Normandie (en particulier, celle de Honfleur)
- pour les clients (la mise en place de processus logistiques plus efficaces leur sera bénéfique)
- et enfin pour le consommateur final (le coût de la chaîne logistique sera au final plus compétitif, ce qui pourra donc se répercuter sur les prix de vente).
Identifiez-vous encore des freins à la mutualisation des flux, à la collaboration entre les différents acteurs pour massifier leurs flux ?
Il n’y a pas de freins majeurs à proprement parler, parce que tout le monde est d’accord sur le principe.
Les vrais freins sont des freins naturels connus depuis très longtemps : la résistance au changement, les habitudes, les structures en place… Là aussi, le choix de Honfleur nous permet de partir sur une base propre.
Nous sommes sur un terrain vierge, sur un port en développement, donc sans habitudes bien ancrées, sans certitudes, mais avec une volonté, ce qui est le plus important pour faire changer les choses.
Donc, c’est cette volonté, ce soutien de la SHEMA (SEM) en terme d’aménagement, du Port (Honfleur dépend du port de Rouen) et de la communauté qui fait que nous pensons avoir des vraies chances d’aller plus vite à Honfleur que dans un environnement déjà établi, installé avec des habitudes et donc des modes de pensée plus fermés.
Lors de cette conférence il a bien été souligné que les ports du Nord Europe (ceux du Benelux en particulier) ont une place prépondérante en ce qui concerne les imports. Comment lutter contre cette place prédominante ?
Je n’ai pas envie de dire « lutter » parce que nous ne sommes pas en opposition avec les ports Belges puisque vous les citez.
Je suis personnellement allé voir les ports Belges pour comprendre comment ils faisaient. Je pense qu’ils ont une avance importante, notamment en termes d’hinterland et d’infrastructure. Ils ont une densité d’entrepôt qui ferait rêver les logisticiens français !
Cette avance est toute à leur honneur. Je pense que si les ports Belges se sont développés c’est aussi parce que les ports Français n’ont pas su se développer à l’époque.
Nous sommes donc en rattrapage, pas en opposition. Nous avons un potentiel qui est très important. A mon avis, nous avons plus intérêt à travailler en bonne intelligence avec les ports du Nord qu’en opposition. Sachant qu’il y a des idées de collaboration directe comme par exemple : une fois un flux arrivé au Havre, utiliser une liaison maritime shortsea pour aller jusqu’à Zeebrugge. C’est un exemple de choses faisables aujourd’hui et qui bénéficieraient à tout le monde.
Je rappelle donc que je ne suis pas du tout dans une logique d’opposition mais dans une logique de rattrapage et de développement.
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