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Par
Yann Alix
Délégué Général
Fondation SEFACIL – Le Havre –
France
Biographie
Depuis
novembre 2010, Yann Alix occupe
le poste de Délégué Général de la Fondation SEFACIL,
pôle mondial de recherche en prospective stratégique
maritime, portuaire et logistique. Il a initié et
dirige la collection Les Océanides de la fondation
SEFACIL.
Au cours des 4 dernières années, il fut le directeur de l’IPER (Institut Portuaire d’Enseignement et de Recherche) et professeur invité au Transportation College de la Dalian Maritime University en Chine, à la Caribbean Maritime Institute en Jamaïque ainsi que chercheur associé pour le compte du groupe Logistel au Portugal. Yann Alix a collaboré avec la cellule de coopération internationale du Port autonome du Havre sur plus de 40 projets de formation et d’ingénierie dans les secteurs portuaire et logistique en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Titulaire d’un PhD de Concordia University (1999) et d’un doctorat en géographie des transports de l’Université de Caen en France, Yann Alix a commencé sa carrière comme consultant pour Innovation maritime à Rimouski au Canada. Il a participé à plus de 20 études pour le compte des autorités portuaires, des armements, des logisticiens et des ministères du Québec et du Canada. De retour en Europe après avoir traversé deux fois l’Atlantique à bord de porte-conteneurs, Yann Alix développe des analyses opérationnelles sur les stratégies managériales des opérateurs maritimes et portuaires internationaux. En collaboration avec plusieurs associations sous-régionales, Yann Alix travaille sur les développements portuaires et le déploiement des nouvelles solutions technologiques au sein des communautés portuaires européennes, africaines, sud-américaines et asiatiques.
Les Océanides
Cet ouvrage sur les corridors de transport inaugure le lancement de la collection Les Océanides de la fondation SEFACIL. La construction méthodologique du manuscrit repose sur un double paradigme :
- promouvoir la culture d’une recherche appliquée en langue française dans les secteurs maritime, portuaire et logistique ; et,
- assurer une diffusion mondiale des productions par la gratuité des supports papier et électronique.
La collection Les Océanides établit une passerelle entre le monde académique/ universitaire et les sphères opérationnelles des milieux maritimes, portuaires et logistiques internationaux. Les contributions s’articulent selon un effet miroir original puisqu’à la lecture de chapitres de production scientifique/académique/ théorique répond des capsules restituant des pratiques/opérations/retours d’expériences de la part des professionnels, mais aussi d’universitaires qui ont pu expérimenter des réalités de terrain lors de leurs travaux de recherche, des journalistes, des observateurs indépendants, etc.
La collection Les Océanides édite des contenus originaux qui apportent un éclairage multidisciplinaire sur les enjeux, développements et perspectives stratégiques des secteurs maritimes, portuaires et logistiques. Elle vise à intéresser une très large audience, en particulier francophone et francophile internationale. Les cibles demeurent un monde académique en quête d’expériences de terrain et des praticiens en recherche de références issues de la recherche fondamentale et appliquée.
Sur le plan de la méthode, la fondation SEFACIL innove par un modus operandi original. Une invitation à produire est adressée directement aux auteurs académiques et aux professionnels praticiens. Une description courte du périmètre, des méthodes et objectifs est adressée au contributeur qui fait une contre proposition ; le tout entériné par un invité éditorial qui accompagne le directeur de la collection dans la conception pédagogique et la cohérence scientifique de l’ouvrage. La collection d’ouvrages SEFACIL paraît une fois par an sous forme papier (1 000 exemplaires) et en format électronique téléchargeable sur le site de la Fondation SEFACIL. Plus de 600 ouvrages sont diffusés gracieusement sur les 5 continents auprès des autorités portuaires, les ministères de tutelle, les universités, les écoles de commerce et les centres/laboratoires de recherche ainsi que les chercheurs experts du domaine couvert par la production. Ainsi se construit le réseau mondial de compétences, de connaissances et de diffusion de la fondation SEFACIL. De surcroît, ce mode opératoire permet de toucher un lectorat international (et notamment francophile) sans aucune restriction technique ou financière.
Les corridors de transport
Pour la première édition, les corridors de transport se sont imposés comme une thématique fédératrice, au centre des préoccupations et des problématiques de très nombreux acteurs des chaînes de transport. En effet, la mondialisation économique et la globalisation des échanges reposent sur deux principes simples, voire universels : standardisation et massification. La concentration des volumes sur des routes maritimes densifiées par des services réguliers de porte-conteneurs géants engendre de facto un phénomène d’agrégation des flux sur les continents. L’intégration de l’ensemble des circulations en chaînes de transport constitue alors un défi complexe. Le but ultime vise à générer de la valeur par la disponibilité de services sur les plus grands volumes possibles. Combiner quantitatif et qualitatif se réalise en fonction des positions et intérêts de chacune des parties prenantes de l’équation de transport. En ce sens, les corridors de transport se construisent, s’agencent et se concurrencent selon que convergent investissements publics et privés, volontarisme politique, stratégies collaboratives ou encore valorisation concertée d’atouts géographiques, économiques, logistiques, etc. Une planification holistique de corridors ne se décrète pas ; elle se réalise parfois par le talent de fédérer des énergies créatrices de valeurs sur des territoires souvent très étendus, dans des logiques circulatoires aléatoires, pour ne pas dire volatiles.
Des stratégies de corridors s’imposent sur tous les continents. Que l’on évoque les initiatives anversoises ou rotterdamoises en Europe, les corridors tanzaniens ou namibiens en Afrique australe, les systèmes transcontinentaux canadiens ou chinois, ou plus récemment la dynamique engagée sur la vallée de la Seine, le but demeure de concentrer les flux sur des échelles conjuguant locale, régionale et globale.
La fixation et la fidélisation des « faiseurs de corridors terrestres » visent à générer des bénéfices sur les territoires aménagés à cet effet. Cette logique est particulièrement prégnante pour les décideurs publics, avec la difficulté de qualifier et quantifier les retombées directes et indirectes. Le retour sur investissements des deniers publics doit se manifester autant en emplois directs et induits qu’en amélioration générale de l’attractivité des territoires investis. Dans une nouvelle forme de compétition des territoires, les corridors peuvent apparaître comme des couloirs de trafics où le poids des engagements ne vaut pas le poids des retombées. Un arbitrage délicat s’orchestre sur des espaces administratifs mosaïques. Les modalités de la gouvernance posent le problème de la délimitation spatiale, fonctionnelle, voire juridique et juridictionnelle d’un corridor. La légitimité des organes de gestion et supervision ou encore de promotion et développement se place aux coeurs des débats, notamment quand un corridor résonne comme une structure de concentration de moyens. La localisation et l’ordre de priorité des investissements sur un corridor doivent trouver un consentement, voire une unanimité de toutes les parties prenantes. Cela met en lumière le fait que les investissements en infrastructures et superstructures dépassent souvent l’espace opérationnel du corridor. La construction d’une ligne ferroviaire de fret ou d’un système d’écluses s’inscrit dans des stratégies dépassant largement le périmètre dudit corridor. Quand les programmes structurels européens encouragent à la création de couloirs de frets massifiés, la strate décisionnelle de Bruxelles pèse sur des investissements et des stratégies mêlant ambitions régionales et planification continentale.
En plus de l’échelle géographique se pose alors la question de l’échelle du temps dans les investissements. La durée de vie d’un investissement ne converge que rarement avec le temps du mandat politique ou celui du citoyen-riverain. Un programme de grands travaux d’infrastructures ou la consolidation d’une filière sur un corridor nécessitent une continuité dans un temps long. L’exemple des tergiversations stratégiques pour installer des corridors énergétiques gaziers s’avère symptomatique de ces nouvelles difficultés. L’expression citoyenne de riverains mobilisés et informés ne facilite que rarement le consensus général. Par essence, les territoires traversés par un corridor démultiplient d’autant plus l’expression des opinions. Cela ne simplifie pas l’aboutissement à une cohérence stratégique d’ensemble, particulièrement quand on tente de croiser mécaniquement développement durable et pollutions dues aux déplacements massifiés de flux de marchandises. Les corridors gaziers avec leurs conduites souterraines reliées au terminal portuaire et ses usines adjacentes (regazéification ou liquéfaction) symbolisent en quelque sorte cette complexité des conjugaisons d’intérêts et d’acteurs.
Quand l’Alameda Corridor Transportation Authority orchestre la mise en place d’un corridor ferroviaire isolant le déplacement des flux conteneurisés des mobilités riveraines de la vallée de San Pedro en Californie, les dimensions de sûreté/ sécurité s’invitent dans l’argumentaire des promoteurs publics et privés. Dès les années 1980, l’acceptation sociétale du corridor passe par la démonstration que les risques liés à la croissance des trafics conteneurisés seront mieux maîtrisés en ségrégant les conteneurs des déplacements urbains des populations. Au-delà d’améliorer l’efficacité des transits métropolitains entre les terminaux portuaires et les têtes de ponts ferroviaires, ce corridor ferroviaire s’imposait comme un « pipeline » entre les volumes maritimes transpacifiques et les circulations continentales états-uniennes. Cet exemple met en exergue l’interpénétration des échelles d’espace, conjuguant logiques circulatoires planétaires, stratégies économiques et logistiques nord-américaines et préoccupations citoyennes locales. Les initiatives canadiennes de corridors et portes d’entrées portuaires s’inscrivent selon le même schéma planificateur multi scalaire.
Avec l’avènement des nouveaux liens ferroviaires eurasiatiques défendus par de grands prestataires logistiques européens, c’est une autre dimension géostratégique que l’on aborde. Le lancement d’alternatives multimodales terrestres coïncide avec les pressions actuelles rencontrées sur la route maritime royale via le Canal de Suez. Piraterie, surcoûts du bunker, crise des taux de fret ou encore slow steaming convergent pour ouvrir des fenêtres d’opportunités sur des corridors de transport transcontinentaux. Russes et Kazakhs argumentent sur leurs capacités à jouer le rôle stratégique de pivots dans la gestion des flux entre l’Extrême-Orient et l’Europe (du nord et du sud). Les luttes d’influence s’opèrent afin de constituer des offres de transport en adéquation avec les ambitions des grands logisticiens et chargeurs. Les corridors de transport entremêlent alors politique, stratégie et logistique. Les frets à haute valeur ajoutée remplissent les conteneurs en rognant les marchés exclusifs du cargo aérien. Des frets à valeur ajoutée « intermédiaire » trouvent un avantage à écourter les temps de transit ; particulièrement avec la politique de vitesse réduite prônée par tous les armements maritimes. La progression de solutions ferroviaires eurasiatiques illustre combien les corridors de transport se construisent ou se déconstruisent selon les besoins inhérents du marché.
Le rapport globalisé de l’offre et de la demande de services constitue un véritable baromètre où le résultat final de l’équation des coûts de transport peut faire basculer les flux d’un corridor vers un autre. L’exemple prospectif le plus discuté aujourd’hui par les analystes demeure l’impact réel de l’ouverture des nouvelles écluses du Canal de Panama aux 12,000 Evp. L’isthme panaméen deviendra-t-il une nouvelle artère massifiée permettant de concurrencer les corridors ferroviaires à double empilement connectant les portes d’entrées portuaires du Pacifique nord-américain jusqu’aux marchés du centre et de l’est US ? La redistribution des aires d’influence sur l’hinterland nord-américain sera à scruter avec des corridors massifiés qui pourraient voir le jour. ou pas. La garantie et la fiabilité des solutions alternatives via des hubs de transbordement caribéens seront soupesées au regard des coûts totaux payés par les grands comptes US. En d’autres termes, les corridors qui pourraient émerger avec l’utilisation de Panama par des porte-conteneurs géants résultent de la combinaison d’une somme considérable de paramètres économiques et logistiques.
La dimension infrastructurelle d’un corridor s’impose comme un pré-requis indispensable dans le but de consolider des solutions de transport sur ces «canaux privilégiés de circulation ». Nonobstant cette réalité, des paramètres plus « qualitatifs » peuvent être énoncés dans la consolidation de pratiques de transport. C’est particulièrement le cas dans les pays en voie de développement où la rareté des infrastructures (routières pour l’essentiel) oblige à massifier de facto les flux internationaux entrants et sortants.
En Afrique de l’Ouest, les grandes pénétrantes routières organisent les flux depuis les portes d’entrées maritimes. Ces artères vitales, en particulier pour les pays enclavés, sont régulées par des systèmes de convois afin de garantir une plus grande sécurité et un moindre racket. En conséquence, des massifications physiques (sur les meilleurs tronçons existants) et des massifications logistiques (par l’organisation planifiée des convois) pérennisent une gestion très coûteuse en corridors. Des événements de guerre comme dans le nord de la Côte d’Ivoire ou la rénovation de nouvelles routes (comme à la frontière entre l’Ouganda et la RDC) peuvent « faire évoluer » les corridors et leurs rapports concurrentiels. Dans le cas ivoirien, les trafics burkinabés ont « bougé » vers des solutions alternatives au Ghana (Téma), au Togo (Lomé) et au Bénin (Cotonou). Les contraintes administratives, les différences culturelles ou même les problèmes linguistiques ont été sublimés par l’impérieuse nécessité de trouver des solutions logistiques.
De surcroît, les services douaniers peuvent concourir à accélérer la fluidité des passages ou au contraire à alourdir les temps de transit sur les corridors transfrontaliers. La modernisation des pratiques et des mentalités douanières est devenue un élément à ne pas négliger dans la fidélisation des circuits logistiques. Les transitaires et autres intégrateurs logistiques, particulièrement pour les trajets exigeant le passage de frontières, entretiennent des réseaux de compétences avec des spécialistes locaux connaissant parfaitement les modalités d’intervention en cas de problèmes aux frontières. La modernisation des douanes mondiales passe par une dématérialisation progressive des procédures. Le douanier simple collecteur de taxes se mue en un douanier logisticien. Il participe de facto à la performance des prestations sur les corridors. Les nouvelles technologies de l’information apportent des solutions techniques et managériales pour accélérer, fluidifier et « traçabiliser » les flux. La bonne gestion de l’information liée à la marchandise fait partie intégrante de l’évaluation globale de la performance d’un corridor. Depuis les attentats sur le sol américain, la gestion des risques liés aux déplacements des conteneurs maritimes a mis au centre des préoccupations l’anticipation et l’intelligence des flux d’informations. Des solutions informatiques et managériales ont affiné leurs approches pour rendre encore plus transparente la circulation de flux massifiés sur les corridors.
Enfin, les externalités du transport tendent aussi à se massifier à partir du moment où les logisticiens et organisateurs de transport cherchent à concentrer des flux terrestres sur des « pipelines modaux ». La « conscientisation » des entreprises et les pressions sociétales poussent à des arbitrages avec des choix de reports modaux vers les solutions intégrées les moins polluantes. Ces pressions orchestrent aussi de nouvelles concurrences entre corridors et solutions de transport. Quand des grands comptes comme IKEA ou Monoprix mettent en avant leurs responsabilités sociétales en matière de transport, ils imposent aux organisateurs de transport de collaborer pour trouver les solutions les plus acceptables par les clients finaux. Au-delà de l’effet marketing, ces considérations environnementales et sociales recomposent les hiérarchies concurrentielles des corridors. Dans les argumentaires des autorités portuaires, l’équilibre modal et le transfert vers les solutions logistiques les plus respectueuses deviennent des arguments commerciaux et stratégiques pour fidéliser les clientèles.
Pour conclure, l’analyse prospective à court terme plaide en faveur d’une concentration encore plus soutenue des solutions de transport sur des corridors massifiés, tant sur les segments maritimes que terrestres. Les réactivités et flexibilités des services sur les corridors sont au coeur des solutions de demain. Les innovations technologiques et managériales apparaissent essentielles pour fixer les faiseurs logistiques de corridors. Les dimensions spatiales et fonctionnelles de ces corridors logistico-portuaires dépassent largement les périmètres maîtrisés des zones industrialo-portuaires. Ils s’enchâssent dans des espaces mégalopolitains en concurrence foncière évidente. Ils doivent composer avec des revendications aussi diffuses qu’hétérogènes exprimées par des citoyens devenus acteurs des débats publics. Les exigences d’hyper mobilité du transport et de la logistique poussent à penser des solutions en corridors physiquement ségrégés des populations. Ces dernières, par leurs pratiques de consommation, restent paradoxalement les moteurs des ajustements permanents de la logistique de distribution. Plus de production et plus de consommation tout en maîtrisant les coûts finaux et externalités constituent in fine une équation inextricable. Les constructions intellectuelles et opérationnelles des corridors de transport de demain devront conjuguer ces sommes souvent antinomiques de paramètres pour que la mondialisation économique et la globalisation des échanges perdurent à un coût sociétal acceptable.
Structure de l’ouvrage
Cette première édition de la collection Les Océanides regroupe 22 grands témoins internationaux sur la thématique des corridors de transport. L’ouvrage est articulé autour de 8 chapitres, agrémentés de 8 capsules professionnelles et de 3 chapitres supplémentaires (chapitres éditorial, introduction et conclusion). L’ouvrage se divise en 3 grandes parties.
La première partie se concentre sur les aspects méthodologiques et conceptuels liés à la notion de corridors de transport. Donner une définition empirique à la notion de corridor exige une revue exhaustive de la littérature académique tout en s’alimentant des conditions d’organisation opérationnelle desdits corridors. Les comparaisons internationales s’imposent pour tenter de cerner les contours d’un corridor de transport. Cette première partie vise également à faire la lumière sur les outils méthodologiques permettant de quantifier la performance logistique, économique ou même sociétale d’un corridor de transport. Appréhender la performance nécessite de construire les outils adéquats pour soupeser ou pondérer toutes les composantes d’une équation complexe. Pour terminer, une question récurrente sur la notion des corridors est abordée : la gouvernance et la relation des pouvoirs publics et des acteurs privés dans la gestion dynamique et interactive d’un corridor. Les outils de la gouvernance et ses modalités de déploiement sont analysés pour tenter d’apporter des réponses.
La deuxième partie se veut plus opérationnelle, voire technique. Les dimensions juridiques et légales sont abordées pour offrir une lecture réglementaire du corridor et des pratiques multimodales de transport. S’en suit une approche douanière avec l’évocation des pratiques de l’administration en charge du contrôle des frontières. Les transits internationaux des marchandises d’un espace national vers un autre demeurent souvent une contrainte forte de la fluidité d’un corridor de transport. La dimension douanière appelle à considérer les exigences liées à la gestion des flux physiques mais aussi des flux d’information rattachées aux circulations des produits sur un corridor. Comprendre les enjeux technologiques des nouvelles solutions informatiques et leur utilisation par les opérateurs de transport s’avère essentiel dans l’optimisation opérationnelle de la circulation sur les corridors. Les enjeux de sûreté, de sécurité et de souveraineté interviennent de manière prégnante dans la gestion et l’exploitation des services sur un corridor.
La troisième partie ouvre les débats par des approches plus prospectives et stratégiques. La compétitivité de solutions de transport organisées en corridors s’appréhende selon les choix stratégiques retenus par les intégrateurs logistiques et les transitaires. Les schémas de production/transport/distribution des grands chargeurs continuent de faire évoluer le monde du supply chain management. Cette troisième partie apporte des idées neuves sur les conséquences des pratiques en permanente évolution des supply chain managers et des opérateurs de transport. La prospective stratégique n’est pas une science exacte et les différents contributeurs apportent toute leur expertise pour proposer des pistes sur l’évolution à venir des corridors de demain ; notamment en matière de développement durable. Quelles pratiques pour quelles organisations selon quelles visions stratégiques : l’ouvrage se conclut en accord parfait avec la vocation de la fondation SEFACIL.
Les chapitres
Gustaaf
de Monie, en sa qualité d’invité scientifique,
plante le décor de la
mondialisation des échanges par une analyse de l’évolution
récente des flux et du rôle des principaux acteurs
qui orchestrent les circulations maritimes globales.
La montée en puissance des BRIC est mise en avant
en prenant soin de rapporter les croissances selon
la nature des produits transigés dans le monde.
L’auteur insiste ensuite sur les échanges conteneurisés
par l’entremise de méthodologies qui permettent
une lecture critique des statistiques des débits
portuaires mondiaux. La considération des déséquilibres
entre grands blocs commerciaux et la gestion des
boîtes vides apparaissent essentielles dans les
déploiements stratégiques des opérateurs maritimes.
Gustaaf De Monie illustre combien le marché mondial
conteneurisé se concentre sous l’impulsion notamment
des grands donneurs d’ordres logistiques. Il démontre
combien les nouveaux concepts logistiques influencent
l’organisation des réseaux et l’intégration des
services de transport. Les relations et interactions
entre les armements, les opérateurs de terminaux
et les logisticiens concluent ce premier chapitre
qui offre un panorama complet de l’environnement
concurrentiel mondial.
Claude
Comtois inaugure la partie méthodologique
avec une analyse
des composantes et modalités d’organisation des
corridors de transport. Proposer une définition
empirique au concept de corridor de transport exige
d’en établir au préalable une typologie exhaustive
avec des clés de lecture reprenant les conditions
générales de gouvernance et d’exploitation. Claude
Comtois insiste sur le fait que les corridors de
transport s’inscrivent comme des outils de développement
économique sur des espaces administratifs et politiques
complexes. Sa revue de littérature permet de cerner
le caractère protéiforme du corridor de transport.
Des approches pluridisciplinaires et multi-scalaires
apparaissent indispensables pour comprendre le fonctionnement
des corridors dans les systèmes globalisés de transport.
L’auteur démontre que la notion même de corridor
de transport évolue dans le temps et l’espace. Les
politiques publiques et les stratégies des opérateurs
privés se conjuguent pour édifier des corridors
modernes et performants. Dans une seconde partie,
Claude Comtois concentre son analyse sur les corridors
fluvio-maritimes mondiaux en rappelant l’importance
croissante du développement durable dans les solutions
plurimodales de transport. L’expert canadien utilise
de nombreux exemples chinois pour illustrer le fait
que la gestion des chaînes mondiales d’approvisionnement
passe par une orchestration stratégique des grands
corridors fluvio-maritimes. Claude Comtois rappelle
l’impérieuse nécessité de combiner le pragmatisme
des investisseurs privés avec une vision d’ensemble
prônée par des intérêts publics dans le but d’offrir
les conditions gagnantes d’une exploitation optimisée
et durable de corridors fluvio-maritimes compétitifs.
Jean-François
Pelletier revient sur une dimension fondamentale
dans l’appréciation qualitative des corridors :
la
mesure de la performance et son étalonnage dans
une ambition de comparaison. L’auteur expose
la problématique du recensement exhaustif de l’ensemble
des paramètres à prendre en compte dans l’activité
d’un corridor. Il met en avant la difficulté de
faire une classification par ordre d’impact ou d’importance
d’un ensemble de facteurs par rapport à un autre.
Une revue complète des méthodes et outils est proposée
pour comprendre les développements actuels déployés
par les chercheurs et praticiens pour renseigner
les performances relatives des corridors de transport.
Le tout est structuré sur la pertinence des données,
leurs sources et leurs utilisations dans un souci
de comparer ce qui est comparable. Jean-François
Pelletier met en avant que le croisement des données
empiriques avec des observations de terrain apporte
une cohérence renforcée avec l’utilisation des méthodologies
issues des systèmes d’information géographique.
L’auteur conclut que l’étalonnage et le recours
aux indicateurs deviennent de plus en plus prégnants
dans les processus de décisions et d’investissements.
La
capsule professionnelle d’Olivier Hartmann
de la Banque Mondiale prolonge en quelque sorte
les réflexions posées par Jean-François Pelletier.
L’auteur
travaille sur la mise en place des observatoires
des transports en Afrique Sub-saharienne. Il
explique en introduction qu’une action concertée
régionale (à l’échelle du corridor de transport)
repose sur un dialogue construit. Le résultat de
mesures de performance permet de nourrir le changement
pour de meilleures pratiques. La pertinence des
mesures soutient les aides à la décision publique,
avec la modification par exemple des cadres législatifs
et légaux pour, in fine, des opérations de transport
permettant une facilitation améliorée des flux sur
lesdits corridors. L’auteur revient en détail sur
les méthodes pratiques et opérationnelles nécessaires
à la mise en place et au fonctionnement des observatoires
qui s’imposent comme des instruments de mesure et
d’analyse des performances logistiques des corridors
de transport. Les prix, les délais et la fiabilité
sont les trois grandes familles de critères retenues
pour que la mesure de la performance s’inscrive
autant du point de vue de l’utilisateur du corridor
que de celui des décideurs politiques. L’expert
de la Banque Mondiale conclut sur une série de réflexions
sur un élément central de la mesure : la disponibilité,
la fiabilité, la qualité et la quantité des informations
à colliger pour construire des appareils méthodologiques
en phase avec les réalités de terrain rencontrées
dans les pays et ports concernés. Une telle démarche
vise à produire à son terme un guide méthodologique
avec une boite à outils informatiques pour créer
un observatoire des transports.
Juliette
Duszynski et Emmanuel Preterre
complètent cette première partie avec un éclairage
sur une des dimensions méthodologiques les plus
complexes à cerner : la
gouvernance des corridors. Les deux auteurs
font d’emblée une distinction méthodologique entre
un corridor, un gateway et un gateway étendu. Les
deux auteurs justifient une approche par essence
systémique avec des composantes du gateway qui doivent
se caractériser par leurs interactions dynamiques
et productives les unes avec les autres. La création
de valeur ajoutée sur un territoire passe, selon
Juliette Duszynski et Emmanuel Preterre, par une
gouvernance audacieuse qui structure et organise
le système complexe du gateway. Une vision stratégique
et des outils permettent alors d’imposer un modèle
de développement et de croissance du système territorial.
De nombreux exemples internationaux mettent en avant
la difficulté de dégager un consensus universel
sur le concept de gateway. En guise d’illustration,
le cas du Seine Gateway® est repris avec une illustration
des réflexions qui ont lieu au moment de l’impression
du présent ouvrage. Pour conclure, les deux auteurs
évoquent une gouvernance des corridors via des «
systèmes de gouvernance » fonctionnant en réseaux
ouverts et agiles, avec des synergies dynamiques
pour optimiser les ressources à mobiliser et concrétiser
une vision stratégique consensuelle.
Dans
la deuxième capsule professionnelle, MM.
Luc Portier et Alexandre Gallo de la CMA-CGM
offrent le regard
du troisième opérateur maritime mondial sur l’évolution
des corridors maritimes et terrestres. Les deux
experts mettent en avant que la prise en considération
des desirata des clients (chargeurs et organisateurs
de transport) demeure au coeur de l’évolution stratégique
et opérationnelle des services proposés par l’armement
maritime. L’initiative Greenmodal Transport de CMA
CGM illustre la capacité d’un armement maritime
à structurer une offre complète et intégrée de transport
intermodal au sein de l’espace économique et logistique
européen. La maîtrise de prestations en porte-à-porte
en combinant les modes de transport orchestre une
organisation massifiée sur les corridors de fret
européens. Les deux auteurs insistent sur le fait
que les solutions proposées aux clients visent à
optimiser les volumes, services et capacités de
transport de chacun des modes fluvial, ferroviaire
et routier. Il en ressort que le manque d’harmonisation
et la fragmentation des marchés à l’échelle de l’Europe
limitent la valorisation de complémentarités modales
sur les corridors en place. MM Luc Portier et Alexandre
Gallo concluent par une série d’idées prospectives
sur les « corridors en devenir ». Le corridor ferroviaire
transcontinental entre l’Europe et la Chine n’apparaît
pas ouvertement concurrentiel de la route « all
water » via le Canal de Suez. Les deux auteurs argumentent
plus en faveur d’une éventuelle complémentarité
stratégique entre les deux options de transport,
prenant pour acquis que plusieurs contraintes opérationnelles
seront réglées pour optimiser le sillon ferroviaire
transcontinental. Quant aux conséquences de l’ouverture
du Canal de Panama aux navires de 12,000 Evp, les
deux auteurs laissent la question ouverte en attendant
de disposer des premières évaluations de la performance
économique et logistique de ces corridors du futur.
La
partie 2 sur les dimensions techniques du corridor
s’ouvre avec l’approche juridique et réglementaire
proposée par Valérie Bailly-Hascoët
et Cécile Legros. Les
deux spécialistes juridiques mettent en avant la
complexité des cadres légaux à considérer quand
sont évoqués les régimes de responsabilité des acteurs
de transport impliqués dans la gestion de flux sur
les corridors de transport. L’analyse de Valérie
Bailly-Hascoët et Cécile Legros met en avant toutes
les dimensions du statut juridique de l’entrepreneur
de transport multimodal (ETM). Pour que les corridors
de transport multimodaux puissent atteindre une
efficience opérationnelle et organisationnelle,
encore faut-il que les régimes de responsabilité
des parties prenantes soient harmonisés. Les deux
auteurs reconsidèrent aussi les bonnes intentions
de la Commission européenne en matière de transports
de fret plus efficients et plus propres. Les régimes
de responsabilité favorisant les corridors ferroviaires
et les sillons fluviaux pour des considérations
environnementales demeurent un vaste chantier sur
le plan juridique. Valérie Bailly-Hascoët et Cécile
Legros révisent les outils contractuels cadrant
la responsabilité de l’ETM, mettant en avant que
les régimes actuels demeurant insuffisants. En écho
aux problématiques d’harmonisation européenne évoquées
par MM. Portier et Gallo, les deux juristes évoquent
la nécessaire évolution du régime juridique de l’intermodalité
à l’échelle européenne pour offrir un environnement
favorable au développement de solutions intégrées
de transport.
De
manière quasi concomitante, Lionel
Pascal
insiste sur le rôle de la douane et du passage des
postes frontaliers dans la gestion opérationnelle
et administrative d’un corridor. Après avoir
rappelé les missions de la Douane, l’expert douanier
français expose les moyens et les techniques utilisés
par les agents pour assurer les missions mais aussi
les changements nécessaires à la modernisation des
pratiques de contrôle. Lionel Pascal n’hésite pas
à faire écho des pratiques qui empêchent l’adaptation
nécessaire des administrations douanières, particulièrement
dans les pays en voie de développement. La tendance
à la privatisation des services régaliens est aussi
abordée. L’auteur utilise son expérience de terrain
pour indiquer que cela ne rendra pas nécessairement
plus efficace une douane tant que les processus
de formation et de conduite du changement des pratiques
ne seront pas pleinement intégrés. Pour conclure,
Lionel Pascal renseigne l’importance de l’agent
douanier dans la fluidité des circuits de transit
sur les corridors. Il rappelle l’importance des
accords régionaux en autant qu’ils soient vraiment
appliqués et respectés. La gestion de la fraude
et de la corruption n’est pas éludée de l’analyse
de l’auteur qui prône une transparence rendue possible
par l’utilisation des nouvelles technologiques,
et notamment la mise en place de guichets uniques
(portuaires, douaniers et administratifs ou les
trois en un).
Le
témoignage du consultant-formateur Alain
Grall de Syskalis complète
parfaitement la dimension douanière exposée précédemment.
L’auteur nous offre une vision totalement originale
de la gestion
humanitaire d’un corridor aérien afin de venir en
secours aux millions d’Haïtiens suite au tremblement
de terre qui a frappé la région-capitale de Port-au-Prince.
Alain Grall met en perspective l’ensemble des éléments
à prendre en compte quand est venu le moment de
monter de toutes pièces un corridor international
d’urgence. L’expert logisticien aborde autant les
contraintes politiques et diplomatiques du point
de vue d’une ONG que les facteurs à analyser rapidement
pour construire un corridor « alternatif » depuis
Saint-Domingue. La douane est au coeur de la problématique
de transit. Alain Grall analyse la gestion quotidienne
des moyens d’acheminements, des entreposages, ou
encore de la distribution. Le tout s’appréhende
en corridors qu’il faut sécuriser par une connaissance
fine des outils de gestion de crise mais aussi (et
surtout) une parfaite maîtrise des transports (flux
physiques et flux documentaires). L’auteur conclut
sur le rôle des individus, spécialistes internationaux
de l’humanitaire ou pauvres haïtiens en quête de
travail pour reconstruire tout un pays.
Le
sixième chapitre proposé par Michel Donner
de Drewry aborde la problématique de la virtualisation
progressive de la gestion des flux de marchandises
par l’entremise des moyens technologiques. En
adéquation avec l’évolution des réglementations
internationales, les solutions technologiques permettent
de tracer, traçabiliser, sécuriser et optimiser
le déplacement des marchandises sur les corridors
de transport. De par sa longue expérience internationale,
Michel Donner rappelle que les plateformes d’échange
de données informatisées et sécurisées ont modernisé
les pratiques de transport. L’ancien gestionnaire
de terminaux à conteneurs reprend plusieurs applications
informatiques qui « fluidifient » les trafics sur
les interfaces et tendent à éliminer les goulets
d’étranglement sur les chaînes de transport. Avec
les impératifs de sûre- té, Michel Donner explique
que la gestion transparente des informations liées
à la marchandise a amélioré l’organisation des chaînes
de transport. Plusieurs déve- loppements et applications
sont énoncés en prenant le cas du Brésil pour illustrer
l’effi cacité globale induite par l’utilisation
effi ciente des nouvelles technologies.
Alain
Savina
et Laurie Francopoulo reviennent
sur la démarche de dématérialisation des informations
liées aux marchandises circulant sur le corridor
de l’axe Seine entre les trois entités portuaires
du Havre, de Rouen et de Paris. Les deux spécialistes
rappellent les conditions d’implantation d’un système
informatique communau taire. Ils insistent sur les
synergies avec des solutions technologi ques et
managé- riales qui ont été co-construites avec toutes
les parties prenantes de la chaîne logistique. La
douane, les syn dicats professionnels, les opérateurs
et adminis- trations portuaires ont alimenté SOGET
pour produire des solutions en adéqua- tion avec
les besoins et deman des du corridor. Le processus
collaboratif permet de répondre de manière très
pragmatique à des problèmes opérationnels pour fi
nalement faciliter la circulation de l’information
et des fl ux sur tout le corridor séquanien. Alain
Savina et Laurie Francopoulo concluent sur les perspectives
de tels développements, à commencer par l’exploitation
des données dématériali- sées en outils d’intelligence
économique. Cela pourrait accompagner la décision
d’investissements et, in fi ne, renforcer la compétitivité
des solutions portuaires et logistique sur l’ensemble
du corridor de transport.
Les approches stratégiques et prospectives ponctuent l’ouvrage avec une troisième partie qui commence par la contribution de Jérôme Verny et Yann Alix. Observateurs des pratiques logistiques prônées par les chargeurs et organisateurs de transport, Jérôme Verny et Yann Alix analysent les conséquences des pratiques stratégiques des « grands donneurs d’ordre » en matière de transport international maritime conteneurisé. L’optimisation des activités productives et distributives passe par une logistique massifiée générant une organisation spatiale en réseaux et corridors stratégiques. Par leur lecture, les auteurs démontrent que l’optimisation dans l’exploitation des sites de production est un corollaire d’une division spatiale du travail où le transport et la logistique deviennent des relais essentiels de la création de valeur. Jérôme Verny et Yann Alix manifestent clairement que la performance du secteur logistique participe à la compétitivité (et la concurrence) des corridors de transport. Pour finir, ils ajoutent que la logistique conditionne de plus en plus la compétitivité des firmes avec des solutions de transport qui dépassent très largement le simple fait de déplacer des flux. ou de construire des infrastructures.
Dans
une capsule spéciale, Peter
de Langen
expose la vision stratégique prônée par le plus
grand port d’Europe, Rotterdam. Après avoir
souligné l’importance du changement de gouvernance
dans la performance du port de Rotterdam, Peter
de Langen argumente sur la vision du port de Rotterdam
et son aptitude à conserver son leadership. Deux
mots clés : efficiency & sustainability et une combinaison
dynamique pour inventer les solutions de transport
de demain guident les entrepreneurs portuaires bataves.
Peter de Langen illustre le caractère novateur de
l’autorité portuaire par l’analyse des nouvelles
conditions à remplir pour obtenir une concession
sur Maasvlakte 2. Les transferts modaux et la pérennité
environnementale des choix de transport font alors
parties intégrantes des arguments pour emporter
le marché. Des corridors « environnementalement
durable et efficace » se construiront à partir de
Transferium qui agiront comme espaces-tampons décongestionnant
les terminaux maritimes et les abords portuaires.
Par sa démonstration, Peter de Langen illustre combien
l’innovation féconde les corridors de transport
de demain.
Jan
Hoffmann met en évidence une autre approche
méthodologique et l’étalonne par rapport aux outils
de la Banque Mondiale. Les
services de recherche appliquée de la CNUCED ont
mis en place un indice de connectivité maritime
afin d’évaluer le degré d’intégration d’une nation
dans la dynamique de la mondialisation des échanges.
Cinq variables principales sur les capacités conteneurisées
déployées sont agrégées à partir des services de
lignes régulières qui quadrillent l’espace marchand
mondial. Un indice de connectivité permet de hiérarchiser
des « intensités de corridors maritimes » exprimant
l’importance des solutions maritimes disponibles
pour connecter un port avec un autre, une économie
nationale à une autre, un bloc économique à un autre.
Cette connectivité maritime permet de dériver des
analyses sur la compétitivité commerciale d’une
nation et l’impact des coûts de transport associés
au degré de connectivité assurée par les services
de lignes régulières maritimes. Jan Hoffmann met
en avant la complémentarité des lectures méthodologiques
rendues possibles selon les bases et les critères
retenus pour évaluer la compétitivité d’une région
ou d’un continent. Les corridors de mer et leurs
extrémités portuaires offrent une photographie précise
de la cartographie des flux physiques planétaires
Dans
une capsule originale, le
capitaine de VLCC Frédéric Hardy
de la compagnie belge Euronav livre sa vision de
l’évolution des pratiques de transport du pétrole
brut. Sa riche expérience permet d’illustrer
combien les corridors énergétiques planétaires continuent
d’évoluer sous la pression du marché mondial des
matières premières mais aussi grâce aux innovations
technologiques et aux impératifs de sécurisation
des approvisionnements. Avec une certaine forme
de régularisation des routes et des pratiques, des
corridors nouveaux s’esquissent, reflétant les nouvelles
dynamiques d’offres et demandes. La redistribution
géographique entre les sources d’extraction, les
lieux de transformation et les zones de consommation
finale redessine en quelque sorte les corridors
historiques de la circulation maritime du pétrole.
Le capitaine Frédéric Hardy clôture son analyse
par une série de projections où finalement les corridors
pétroliers maritimes continueront d’évoluer selon
les opportunités de marché et les contraintes du
transport sur de longues distances de quantités
considérables de brut.
La
conclusion de cette troisième partie est confiée
à Théo Notteboom avec une lecture
prospective sur la gouvernance, les compétitions
entre corridors et les modalités de coordination
entre les réseaux maritimes et terrestres. L’expert
belge rappelle tout d’abord que les investissements
requis sur les infrastructures des corridors sont
fragilisés par la volatilité des marchés et l’incertitude
liée aux stratégies versatiles des opérateurs privés.
Ensuite, la fixation des flux et des valeurs sur
les corridors se complexifie puisque ces corridors
s’inscrivent dans des réseaux de transport toujours
plus flexibles. L’exigence de répondre de manière
rapide et efficiente aux stratégies logistiques
des grands comptes manufacturiers impliquent des
synchronisations multiscalaires et multimodales.
Chaque corridor cherche à concentrer un maximum
de services, d’opportunités et de combinaisons d’affaires
pour satisfaire et surtout anticiper les besoins
logistiques et de transport. Théo Notteboom analyse
ensuite les réalités portuaires sous-jacentes avec
les regroupements stratégiques en Gateway pour mieux
capter et canaliser les flux continentaux. Les investissements
massifs sur les arrière-pays tissent des réseaux
de flux et de services logistiques avec des compétitivités
intensifiées entre corridors et solutions de transport.
L’auteur insiste sur les gouvernances renouvelées
et novatrices pour assumer de tels paradigmes. Théo
conclut sur les potentialités des routes alternatives
transcontinentales et leurs effets à terme sur l’agencement
concurrentiel des corridors. Il rappelle l’impact
des externalités qui devraient peser dans les stratégies
futures de transport et par voie de conséquences
sur la structuration des corridors de demain.
La
dernière capsule professionnelle provient de deux
experts de l’espace Caraïbes. Fritz
Pinnock
et Ibrahim Ajagunna de la Caribbean
Maritime Institute (CMI) proposent une lecture prospective
des futures dynamiques maritimes et portuaires issues
de l’ouverture du nouveau Canal de Panama. Avec
des 12,000 boîtes, le corridor de l’isthme panaméen
prendra une autre dimension géostratégique et logistique
selon les deux professionnels jamaïcains. Selon
leurs analyses spatiales, une hiérarchisation des
transbordements devrait s’opérer en phase avec l’aptitude
à desservir les marchés de la côte est et du centre
des Etats-Unis. De nouveaux corridors de transits
vont apparaître, tant sur l’espace maritime international
que sur les pénétrantes terrestres nord-américaines.
Fritz Pinnock et Ibrahim Ajagunna concluent que
la connectivité des réseaux et l’aptitude à générer
des valeurs ajoutées sur les marchandises et les
services constituent deux facteurs essentiels dans
le dessein futur des hubs caribéens.
Jérôme
Verny propose une contribution qui conclut
l’ouvrage avec une question ouverte posée en guise
de titre : Les
corridors de transport : objet en faveur d’une mobilité
durable ? Dans quasiment toutes les contributions,
le développement durable et l’impact écologique
des transports apparaissent comme un fil rouge de
la préoccupation des recherches sur les corridors
de transport. Le triptyque économie-environnement-société
s’appréhende de manière systémique sur des corridors
de transport construits dorénavant en faveur d’une
mobilité soutenable. Sous la pression d’externalités
difficilement compressibles, les choix modaux se
projettent en phase avec le progrès technologique
et les solutions managériales/stratégiques. Les
corridors de transport doivent incarner ces nouvelles
organisations et agencements spatiaux pour fluidifier
et optimiser les déplacements des frets et des hommes
dans une économie de la mobilité. L’auteur explique
en détail en quoi les corridors de transport devront,
à terme, réduire les émissions totales de GES générées
par le transport et la logistique. Avec de nombreux
exemples européens, Jérôme Verny conclut sur les
enjeux et perspectives dans une gestion innovante
des corridors de transport. Le tout s’inscrit dans
une conclusion prospective sur les corridors de
demain.
SOMMAIRE
Préface
Par Antoine Rufenacht
Chapitre
éditorial
Par Yann Alix
Chapitre introductif
Corridors
de transport et évolution globale
des échanges
Par Gustaaf de Monie
PARTIE 1 - Approches méthodologiques
Chapitre
1
Définition
et périmètre des grands
corridors de transport fluvio-maritime
Par Claude Comtois
Chapitre 2
Les
indicateurs de performance logistique
pour les corridors de transport
Par Jean-François Pelletier
Capsule professionnelle 1
Les
observatoires des transports en Afrique
Sub-saharienne
Par Olivier Hartmann
Chapitre 3
Gouvernance
des corridors de transport et des gateways
Par Juliette Duszynski et Emmanuel
Préterre
Capsule professionnelle 2
Corridors
maritimes et terrestres : quelles stratégies
pour un opérateur de lignes régulières
?
Par Luc Portier et Alexandre Gallo
PARTIE 2 – Approches techniques
Chapitre 4
Corridors
de transport et construction du statut
juridique de l’entrepreneur de transport
multimodal
Par Valérie Bailly-Hascoët
et Cécile Legros
Capsule professionnelle 3
Gestion
des frontières, enjeux douaniers
et corridors de transport : retours d’expériences
douanières
Par Lionel Pascal
Capsule professionnelle 4
Frets
aériens et corridors humanitaires
: retours d’expérience suite
au tremblement de terre à Haïti
Par Alain Grall
Chapitre 5
Approches
technologiques et gestion des flux immatériels
sur les corridors de transport : exemples
brésiliens
Par Michel Donner
Capsule professionnelle 5
Dématérialisation
des flux d’information sur un corridor
multimodal de transport : retour d’expériences
de l’Axe Seine
Par Alain Savina et Laurie Francopoulo
PARTIE 3 – Approches stratégiques
et prospectives
Chapitre 6
L’évolution
des organisations productives et logistiques.
Impacts sur les corridors de transport
Par Jérôme Verny et Yann
Alix
Capsule professionnelle 6
Toward
efficient and sustainable transport chains:
the case of the port of Rotterdam
Par Peter de Langen
Chapitre
7
Corridors
of the Sea : An investigation into liner
shipping connectivity
Par Jan Hoffmann
Capsule professionnelle 7
Evolution
des corridors de transport maritime de
pétrole brut
Par Frédéric Hardy
Chapitre
8
Strategies
and future development of transport corridors
Par Théo Notteboom
Capsule professionnelle 8
Maritime
Highway Corridors into the Caribbean Seas:
Perspective on the impact of the opening
of the expanded Panama canal in 2014
Par Fritz Pinnock and Ibrahim Ajagunna
Chapitre de conclusion
Les
corridors de transport : objets en faveur
d’une mobilité durable ?
Par Jérôme Verny
Postface
Par Marc Juhel