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INTERVIEW
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‘‘ Un incubateur transport pour adresser les nouvelles attentes du secteur ’’ J.BOUR, DDS LOGISTICS
Interview de Jérôme BOUR, PDG de DDS LOGISTICS
Réalisée le 05/02/2019 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Supply Chain : quelles innovations en 2019 ? ».
Quelle est la place de l’innovation dans le secteur du transport ?
Tout a commencé à changer il y a 3 ans environ. Alors que le domaine avait été sous investi en termes d'innovations technologiques depuis le début des années 2000, le marché des solutions transport a été marqué par l’émergence de nouveaux acteurs.
L.GOURDON | GRN Logistic / SSI SCHÄFER G.DWARIKA | GEFCO E.RAYNAUD | A-SIS P.HENRION | BOA CONCEPT F.BIESBROUCK | BK SYSTEMES M.HARIK | XPO LOGISTICS M.DALBARD | PTV |
Les entreprises ont en effet pris conscience que le transport constituait un maillon essentiel de l’expérience client, y compris en B2B. De nouveaux besoins devaient dès lors être adressés.
Le transport est à la croisée de la maîtrise des flux physiques, financiers et d'informations. Il y a un vrai enjeu d'efficacité et de continuité, de qualité de l'ensemble des processus qui n’était jusque-là que partiellement adressé par les solutions du marché. Cela reste d’ailleurs encore globalement le cas aujourd’hui, malgré les avancées de ces dernières années.
Un besoin fort d’innovation visant à accélérer la digitalisation des supply chain existe donc. C’est pourquoi le marché est en pleine évolution. Nous assistons à une reconfiguration des organisations et en particulier à la montée de la désintermédiation. Celle-ci a d’abord touché le fret routier avec le développement de plateformes de type Everoad ou Chronotruck.
Je considère que ce vent de création a en fait été salutaire pour l'ensemble du secteur.
Le transport est un marché dans lequel il y a de la place pour tout le monde. Le développement de la concurrence permet en particulier de faire monter le niveau d'intérêt des clients, ce qui reste le premier enjeu.
La digitalisation des opérations de transport n’est-elle pas réservée aux seuls gros acteurs ?
Aussi bien du côté des transporteurs que des chargeurs, les populations sont très fragmentées. Dans le secteur industriel en particulier, il existe toujours une forte hétérogénéité et des niveaux de maturité assez différents entre les acteurs.
Néanmoins, la tendance de digitalisation est profonde. Nous sommes tous dans nos vies privées utilisateurs permanents de technologies mobiles, de réseaux sociaux, etc. Nous sommes habitués à un accès à Internet en continu et à un usage du téléphone mobile quotidien. Le phénomène est d’ailleurs encore plus fort en Asie qu’en Europe. L'usage personnel est en train de déteindre sur l'usage professionnel, quelle que soit la taille de l’entreprise concernée.
Mais pour toucher des organisations de moindre taille, il est nécessaire d’abaisser les barrières à l'entrée en retravaillant les méthodes de diffusion. Cela est possible en proposant des solutions simplifiées par rapport à celles adoptées par de grands comptes dont les TMS visent à traiter des problématiques particulièrement complexes.
Existe-t-il des pratiques issues du monde des startups dont vous vous êtes inspirés pour innover ?
Pour moi quatre éléments principaux caractérisent les startups :
- L'agilité qui correspond à un vrai état d'esprit et qui est érigée en mode de fonctionnement. Cette agilité est favorisée par le fait que ces organisations ne « subissent » pas le poids d’un existant. Elles peuvent donc partir d'une page blanche. Un acteur avec une plus grande ancienneté comme c’est notre cas dispose de clients en production depuis longtemps. Il n’est pas envisageable de demander à ceux-ci de changer de système du jour au lendemain.
- Le focus. Les startups dédient des équipes sur des sujets sans que celles-ci n’aient d’autres objectifs ou tâches que de mener à bien leur sujet.
- Le financement. Il existe aujourd’hui un écosystème favorable à l’accompagnement financier de sociétés à fort potentiel de croissance.
- Le droit à l'erreur. Dans les startups, le taux d'échec est important. Cette acceptation du droit à l’erreur constitue un facteur qui favorise l’innovation. Si la crainte de l’échec est trop forte, difficile en effet de proposer quelque chose de nouveau.
De notre côté, nous nous sommes inspirés de ces différents éléments pour lancer un incubateur en 2016. L’idée était de faire émerger des sujets, de les confronter aux problématiques de nos clients puis de voir lesquels répondaient réellement à un besoin marché fort. Nous y avons affecté des équipes dédiées qui fonctionnent dans un mode déconnecté du rythme de production habituel et avec des moyens financiers associés.
Nous avons en fait souhaité dissocier R&D traditionnelle pour nos solutions TMS et lancement de produits adressant de nouveaux besoins et marchés.
Une solution TMS installée doit en effet assurer une grande stabilité. C’est pourquoi la R&D de nos solutions TMS est incrémentale. Nous nous attachons particulièrement aux questions de sécurité et de sûreté de fonctionnement de nos applications.
Dans un mode startup au contraire, ce sont de nouveaux usages qui sont adressés. Il est possible de le faire sous de nouvelles formes et en partant d’une page blanche. De plus on accepte qu’entre l’idée de départ et la version aboutie de la solution il y ait une certaine différence.
Quels sont les sujets qui ont émergé de votre incubateur ?
Le premier projet identifié, financé puis lancé a été Join2Ship en 2017 (NDLR voir à ce sujet l’entretien que nous avez accordé Monsieur BOUR en décembre 2017).
Nous avons lancé un deuxième appel à projets en 2018. Deux sujets ayant trait à la collaboration ont alors été retenus : Shipper Light et Import Light.
À quels besoins répond Shipper Light ?
Nous sommes partis du constat que le taux d’équipement de TMS étant encore limité, trop peu d’entreprises disposent des moyens efficaces pour maîtriser leurs coûts de transport.
Avec Shipper Light nous avons voulu profiter de la capacité des moteurs de calcul de nos TMS pour bâtir une solution collaborative qui puisse :
- Simplifier le contrôle des coûts de transport pour les chargeurs,
- Accélérer les délais de paiement des transporteurs en leur permettant de valider les éléments tarifaires au fil de l'eau.
La solution a été mise sur le marché en 2018.
Et Import Light? De quoi s’agit-il ?
Nous sommes partis du constat que les besoins de visibilité étaient très forts sur les flux internationaux. Le domaine est encore plus complexe que celui du fret routier dans la mesure où les flux maritimes associent une plus grande diversité d’acteurs : les compagnies maritimes, les transitaires, etc.
La problématique documentaire en commerce international est stratégique. Vous avez beau savoir que votre conteneur est bien arrivé, si vous ne disposez pas de votre liasse documentaire, vous ne pourrez pas le dédouaner.
Cette visibilité pouvait bien sûr être adressée à travers nos solutions TMS à destination des transitaires et des chargeurs. Néanmoins, comme pour Shipper Light, nous avons voulu offrir un service de collaboration et de partage de documents à des organisations qui ne disposaient pas jusque-là de la maturité suffisante pour s’équiper de telles solutions.
Import Light permet d'associer un écosystème de transitaires et de compagnies déjà connectées qui bénéficie du réseau sur lequel nous avons pu capitaliser au cours des années. Nous sommes sur une logique de communauté et souhaitons donc agréger un maximum d'acteurs. C’est pourquoi nous avons veillé à ce que l’intégration de nouveaux transitaires soit très rapide.
Pour Shipper Light comme pour Import Light, nous avons packagé les solutions dans l’objectif d’en accélérer le déploiement.
En quoi le déploiement peut-il être accéléré ?
Nous avons adopté une démarche différente de celle que nous appliquons habituellement.
Il y a dans le TMS une composante très forte d'intégration avec les autres systèmes.
Quand nous menons un projet TMS pour un nouveau client, nous adoptons une démarche dans laquelle nous collons au maximum au process du client. Cela se fait de manière agile en procédant par le développement de prototypes successifs nous permettant de comprendre le process et de paramétrer la solution pour qu’elle corresponde le plus possible au process cible.
Cette démarche d’analyse des process prend généralement 3 mois.
Avec les offres packagées Shipper Light et Import Light, nous avons procédé de manière inverse. Nous avons travaillé les processus que nous rencontrions le plus fréquemment et y avons en quelque sorte « injecté les meilleures pratiques ». Nous sommes alors en mesure de déterminer pour chaque entreprise le processus qui lui correspond le mieux. Il s’agit ensuite d’apporter des ajustements à la marge.
Sur quels sujets allez-vous travailler en 2019 ?
Vous l'aurez compris, à travers Shipper Light et Import Light nous nous sommes avant tout consacrés à des sujets de type collaboration.
Des chantiers plus axés technologies se présentent désormais et devraient avoir des impacts lourds sur la supply chain. Parmi ces chantiers nous travaillons actuellement sur la blockchain et l'IoT (NDLR Internet of Things). Ces deux sujets auront des répercussions fortes sur les process de travail.
Par exemple, la blockchain doit permettre de fluidifier les processus actuels de paiement par lettre de crédit qui sont particulièrement lourds et couteux pour les acteurs. Remplacer ce process par une blockchain financière en mesure d’assurer le rôle d'authentification de l'échange commercial et de validation du paiement améliorerait considérablement l'efficacité des échanges. Le sujet aura certainement des impacts forts sur les intermédiaires, en particulier sur ceux qui endossent aujourd’hui la fonction de tiers de confiance. On peut même légitimement penser que le rôle des transitaires risque d’être remis en cause.
De son côté, l’IoT est une grande opportunité pour traiter le sujet du recueil de la data en mobilité.
Quelle est la place occupée par la R&D chez DDS Logistics ?
La R&D est un sujet stratégique pour DDS Logistics et m’est donc directement rattachée. Nous y consacrons chaque année entre 15 et 20% de notre chiffre d’affaires. L’investissement est donc conséquent.
Nous associons les expertises technologiques et métiers. Ainsi, pour chaque sujet identifié, un binôme est constitué entre un Product Manager et un Development Leader.
Le premier porte l'ensemble de l'idée initiale jusqu'à la mise sur le marché et le second va porter la technologie.
Pour certains chantiers, c’est d’ailleurs la technologie qui peut initier le besoin dans la mesure où elle rend possible l’adoption de modes de travail différents.
Dans tous les cas nous visons toujours un déploiement industrialisé de nos nouvelles solutions avec une commercialisation de type SaaS. Il est alors nécessaire que le métier puisse bien valider l’intérêt du projet. C’est ainsi que nous avons par exemple écarté le sujet de la réalité augmentée qui ne nous semble pas faire sens dans le métier du transport.
Quelle est la durée habituelle de développement d’un nouveau produit ?
Au minimum 6 mois sont nécessaires si on part d'éléments existants.
Si le sujet est travaillé « from scratch », 9 mois sont généralement nécessaires pour une mise sur le marché.
Dans tous les cas, et cela correspond également à un credo des startups, il s’agit d’intégrer tout au long du process les potentiels futurs utilisateurs.
Nous disposons à ce titre de clients prêts à jouer le jeu, à être associés en amont et à tenir le rôle de bêta-testeurs.
Les clients sont donc intégrés à deux niveaux :
- Lors des phases initiales de qualification et de conception afin de nous assurer de coller à leurs besoins réels.
- Avant la mise sur le marché. Nombre de clients sont intéressés par le fait de pouvoir influer sur la solution finale afin de s’assurer que celle-ci répondra exactement à leurs attentes. Ils souhaitent également pouvoir en faire bénéficier en avance leur activité.
Les clients ont compris que s’ils attendent que la solution soit officiellement sur le marché, ils seront au même niveau que leurs concurrents. Si au contraire ils s'impliquent en amont, les retours qu’ils pourront en tirer seront toujours supérieurs.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
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Bio Express
Jérôme BOUR a pris la Direction de DDS Logistics en 2000, leader du TMS. Il a auparavant occupé les postes de Directeur Informatique du Groupe DAHER, de Responsable de l’organisation et des systèmes opérationnels chez DHL et de Consultant chez Ernst & Young.
Site Internet de DDS Logistics : www.ddslogistics.com