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INTERVIEW
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‘‘ Aller toujours plus loin dans la modularité logistique ’’ P.HENRION, BOA CONCEPT
Interview de Patrice HENRION, Directeur du développement de Boa Concept.
Réalisée le 11/02/2019 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Supply Chain : quelles innovations en 2019 ? »
Pourquoi innover en logistique ?
Dans notre secteur, nos organisations ne peuvent plus s'asseoir sur des certitudes. Face aux bouleversements des habitudes de consommation, de nouveaux défis se présentent aux entrepôts.
Et c’est justement à travers l’innovation que ceux-ci doivent pouvoir y répondre.
Quels nouveaux défis les entrepôts doivent-ils relever ?
L.GOURDON | GRN Logistic / SSI SCHÄFER G.DWARIKA | GEFCO E.RAYNAUD | A-SIS J. BOUR | DDS LOGISTICS F.BIESBROUCK | BK SYSTEMES M.HARIK | XPO LOGISTICS M.DALBARD | PTV |
Les consommateurs aspirent à une mise à disposition des produits la plus rapide possible.
Les commandes changent dès lors de typologies. Elles sont à la fois plus fréquentes, plus hétérogènes et composées de quantités de plus en plus faibles.
Il est en conséquence demandé à l’entrepôt de faire preuve de plus de rapidité et de flexibilité.
Dans le même temps, de nouvelles prestations à valeur ajoutée doivent pouvoir y être réalisées : organisation du click & collect, gestion de stock déporté, etc.
C'est désormais le cas pour la quasi-totalité des secteurs, qu’ils s’agissent de nouveaux marchés ou de secteurs plus traditionnels, la logistique occupe une place stratégique dans la chaine de valeur de l’entreprise.
Qu’est-ce qui explique la croissance de la mécanisation des entrepôts ?
Deux phénomènes se combinent.
D’une part, un certain nombre de barrières à l’entrée sont en train de tomber. L'accès à des systèmes motorisés ou robotisés est facilité tandis que le champ rendu possible par la mécanisation et la robotisation est de plus en plus large.
Des acteurs qui ne pouvaient jusque-là y prétendre pour des raisons de taille se voient désormais proposer des solutions adaptées, plus modulaires. C’est ce que nous proposons en particulier avec notre convoyeur Plug-and-Carry®.
D’autre part, des entreprises historiquement utilisatrices de mécanisation découvrent la possibilité de traiter, à travers des systèmes innovants, les nouvelles missions qui leur sont assignées. Boa Concept est par exemple précurseur sur la manière de répondre au convoyage de nouvelles typologies de charges, à des poids de plus en plus légers à des rythmes de plus en plus élevés, etc.
Comment un acteur comme Boa Concept peut-il aborder le sujet de l’innovation ?
Deux visions existent.
La première consiste à essayer de répondre aux attentes exprimées par les clients avec une solution qui colle au mieux à celles-ci. Ce n’est pas réellement la vision de Boa Concept.
Nous considérons en effet qu’au moment où le client exprime son besoin, il ne peut attendre plusieurs mois que la solution correspondante soit conçue, mais qu’il cherchera au contraire un acteur capable d'y répondre le plus rapidement possible.
La seconde vision consiste justement à anticiper ces besoins pour pouvoir construire les solutions qui seront prêtes à être implémentées au moment où le client décidera de se lancer.
C’est donc cette vision que nous mettons en œuvre à travers une logique d'expérimentation, de prototype.
Ensuite, il faut également avoir conscience qu’au-delà des innovations de rupture, l’innovation peut se faire dans une logique d'amélioration continue. C’est-à-dire dans la recherche d’optimisation et de fluidification en capitalisant sur les fondements de la marque ou de la technologie.
Si nous prenons le cas de Boa Concept, l’innovation de rupture a été portée à la création de l'entreprise en proposant un convoyeur Plug-and-Carry®, solution se dédouanant des automates, des réseaux de câblage, etc.
Ensuite, nous avons fait évoluer notre concept de manière incrémentale en l’optimisant et en élargissant son périmètre fonctionnel.
Comment pouvez-vous vous assurer de ne pas vous tromper sur l’anticipation des besoins de vos clients ?
Nous acceptons justement de nous tromper.
Chercher la certitude absolue, c'est n'encourager aucune prise d'initiative dans les bureaux d'étude. C’est quelque chose que nous nous interdisons.
C’est d'ailleurs pourquoi nous déconnectons certains budgets des modalités de suivi classique. Ainsi, les ingénieurs qui ont en charge la R&D ne sont pas drivés par la seule notion de retour sur investissement.
Bref, la meilleure façon d'avoir une bonne idée c'est d'accepter d'en avoir de mauvaises de temps en temps.
Il est d'ailleurs possible de capitaliser sur une erreur, de rechercher ses causes et de faire évoluer le projet vers une solution tout à fait fonctionnelle.
Dans ce processus d’innovation vous appuyez-vous sur des clients bêta testeur ?
Tout à fait. Nous sollicitons notre écosystème pour toujours continuer à innover.
Nous fonctionnons en particulier avec des clients qui nous ont fait confiance historiquement et qui ont constaté l'engagement de nos équipes à créer des solutions rapidement opérationnelles.
Dans une telle démarche, le rapport de confiance est primordial, il ne faut pas cacher au partenaire que des durées plus longues seront nécessaires pour mettre en place les solutions. En contrepartie, il bénéficiera plus rapidement d’une solution en mesure de lui procurer des gains fonctionnels, économiques ou de disponibilité des équipes.
À quelle échéance, les cas d’usage que vous avez évoqués seront-ils mis en œuvre ?
Ces 3 cas d'usage sont déjà en cours d’étude. Nous pensons implémenter dès cette année celui qui concerne la planification des ressources.
Vous évoquiez la notion d’écosystème…
Travailler en mode laboratoire, tester de nouvelles technologies dans son coin ne peut suffire.
Je crois au contraire que dans nos métiers, il existe un écosystème sur lequel il est indispensable de s’appuyer. Il s’agit d’établir des relations de partenariat entre les fournisseurs, les clients bêta testeurs et l'industriel que nous représentons. C'est ce triptyque qui va faire que les choses évoluent positivement.
C’est pourquoi nous cherchons à mutualiser l’innovation à la fois :
- Horizontalement avec les clients bêta testeur que j’évoquais à l’instant.
- Verticalement, avec des fournisseurs qui nous accompagnent sur nos besoins pour voir comment ils peuvent travailler sur leurs propres composants. Nous pourrons alors intégrer leurs évolutions dans nos propres solutions. Nous pouvons ainsi en quelque sorte être consommateurs des innovations de nos partenaires.
La société Boa Concept a été fondée en 2012 et a lancé en 2013 ses premiers convoyeurs Plug-and-Carry®. Peut-on encore vous qualifier de startup ?
Je pense que nous avons dépassé le stade de la startup en termes de notoriété, de taille d’entreprise (nous avons franchi la barre des 50 collaborateurs l’année dernière) et d’objectif de chiffre d’affaires (nous visons aujourd’hui une atteinte rapide des 10 millions d’euros).
Nous avons installé nos solutions dans la plupart des secteurs. Nous sommes également en négociation avec la quasi-totalité des distributeurs pour les futurs modèles de magasins de proximité. Le fait que nos systèmes offrent un bon niveau de rentabilité y compris sur des installations de quelques dizaines de mètres permet en effet aux acteurs d’envisager la mécanisation d’entités de petites tailles.
Bref, du statut de "petit nouveau" qui apporte une solution venant bousculer les lignes nous sommes en train de passer à celui d’acteur de référence.
Nous avons néanmoins tenu à conserver l’état d’esprit startup de nos débuts. Celui-ci se caractérise par une perpétuelle remise en question.
Quelles sont justement les pratiques de startups qui selon vous favorisent l’innovation ?
Il s’agit avant tout de s’assurer que les collaborateurs ne soient pas cloisonnés et puissent bien travailler les uns avec les autres.
C’est assez simple quand la taille de l’organisation est modeste. Lorsque vous ne comptez que 10 ou 15 collaborateurs, chacun doit naturellement aller au-delà de son périmètre fonctionnel.
Ce qui est difficile c'est de conserver cet état d'esprit dans une société qui grandit avec inévitablement des équipes qui se spécialisent.
Néanmoins, malgré la croissance de l’entreprise, nous sommes attachés à ce que cet état d’esprit soit entretenu.
Nous cherchons ainsi au maximum à lutter contre les barrières entre les différents métiers. Concrètement nous choisissons nos locaux en conséquence, nous regroupons les métiers qui vont créer une certaine émulation entre eux, etc.
Nous travaillons aussi avec un organigramme extrêmement plat. Aujourd’hui, quel que soit son poste dans l'entreprise, un collaborateur a la possibilité de « pousser la porte » de la Direction Générale. Il n'existe en fait pas de filtre hiérarchique.
Sur quels sujets avez-vous travaillé en 2018 et sur quels sujets travaillerez-vous en 2019 ?
L'entreprise a pour habitude de sortir commercialement une ou deux nouvelles solutions chaque année.
La dernière innovation est une solution de convoyage de bac avec un système de renversement permettant d’alimenter automatiquement des rolls. Le convoyeur entier se déverse dans un bac. Le gain en termes de temps est particulièrement important.
Comment est née cette innovation ?
Nous avons souhaité répondre aux besoins d’un client qui avait automatisé son début de ligne, mais pour lequel en fin de ligne, les systèmes de tri classiques ne permettaient pas de gérer une volumétrie suffisante.
Sur quels autres sujets devriez-vous avancer cette année ?
Nous souhaitons nous concentrer sur deux axes :
- Poursuivre nos développements « mécaniques » par la profondeur de gamme et l’augmentation de la cadence de nos chaines
- Capitaliser encore davantage sur l’information dont la captation est rendue possible par notre technologie
Aujourd'hui, de moins en moins de clients convoient exclusivement du 400x600. De plus en plus d’acteurs ont au contraire besoin de convoyer des charges de type sachet de plastique de quelques grammes.
Nous adaptons donc nos gammes à l'évolution de notre marché. 2018 a ainsi été l’année de naissance de notre gamme petits colis (charges souples et toutes petites charges).
Nous sommes désormais entrés dans une phase d’optimisation de cette solution avec des augmentations de cadence, des fiabilisations, des maintenances facilitées, etc.
Nous avons également lancé une gamme Heavy Load sur les charges lourdes, donc sur les palettes jusqu'à une tonne.
Nous étoffons désormais cette gamme de plusieurs modules afin de proposer du convoyage en milieu industriel ou du convoyage de palettes au sens large en ayant la capacité d’offrir les mêmes fonctionnalités d'étiquetage, de data, de changement de niveau que celui proposé sur les charges légères.
Qu’est-ce qui drive les sujets sur lesquels vous décidez de travailler ?
Deux critères principaux vont guider les réflexions de nos bureaux d’étude :
- Une approche besoin client et le retour d’expérience : « comment faire davantage, plus vite et à moindre coût » des opérations sur les chaines de transitique
- L’identification des zones grises peu ou pas mécanisées dans l’entrepôts qui représenteraient des gains de productivité ou une amélioration des conditions de travail des équipes
Chez Boa Concept, la poursuite de l'innovation est perpétuelle.
Celle-ci va au-delà du seul aspect produit. Elle concerne également le pan informatique sous-jacent à nos installations et va même jusqu’aux modalités de commercialisation de nos solutions.
Quelles sont ces innovations informatiques ?
C’est avant tout l’informatique et en particulier le paramétrage qui permettent de tirer la quintessence de l’installation.
Dans nombre d’avant projets, nous devons explorer des briques non couvertes par le WMS de notre client. Je pense aux problématiques de précolisage, de pilotage des lancements de commandes, d’organisation des stations de picking…
L'idée est donc d'apporter une solution en mesure de combler les potentiels « trous » du WMS en place afin de pouvoir profiter pleinement des bénéfices de notre installation.
Pouvez-vous illustrer ce point ?
Pour que la mécanisation d'une zone de picking soit totalement efficace, il convient de pouvoir gérer des références, des rotations, des saturations de gare, etc.
Si le WMS en place n’est pas en mesure de le faire, il nous appartient d’apporter une solution globale qui puisse y remédier.
Au-delà de l’utilisation optimisée de nos installations, un autre usage informatique est particulièrement recherché : la collecte et la restitution de données sur l’activité logistique. Notre modèle de convoyeurs permet en effet à travers la capture d’informations sur les lignes, d’être extrêmement riches en datas. Nous sommes en mesure de collecter, traiter puis restituer des données de productivité, de cadence, de saturation, etc.
Ces restitutions peuvent se faire sur différentes mailles : par gare, par créneau horaire, par type de marchandise, par postes, par opérateur, etc.
Cette approche data est nativement comprise dans la solution. Nos clients nous ont de leur côté poussé à investir davantage sur la présentation des écrans et le mapping de ces données.
Vous évoquiez également être en mesure de proposer un mode de commercialisation innovant…
Nous avons en effet souhaité aller plus loin dans notre promesse de modularité et de flexibilité avec une nouvelle modalité de distribution favorisant le côté usage.
Nous proposons ainsi désormais une offre de location de nos convoyeurs qui permet à nos clients de bénéficier de :
- La maitrise de leur budget. La mensualité est connue à l’avance. Si l’entreprise souhaite nous restituer le matériel, nous le récupérons sans coût supplémentaire.
- L’utilisation d’un matériel régulièrement maintenu et donc toujours en parfait état de fonctionnement.
Cette solution a la vertu de servir un modèle modulaire. Louer un convoyeur, c'est acter que celui-ci porte sa propre valeur. La valeur n'est pas dans le câblage ou dans le système d'information, mais est bien intrinsèque au produit. Elle ne sera en particulier pas perdue si l’entreprise doit déménager ou faire évoluer son installation.
Les clients sont ainsi rassurés. Le marché est encore loin d'être saturé. Nombre d'entrepôts restent gérés de manière traditionnelle et hésitent à franchir le pas vers la mécanisation. Le fait de permettre à ces acteurs de diminuer leur prise de risque les rend désormais éligibles à la mécanisation.
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Bio Express
Patrice HENRION a rejoint Boa Concept en 2018 en tant que Directeur du Développement. Il est à ce titre responsable du développement commercial, du marketing et de la communication de la société.
Avant d’intégrer Boa Concept, il était en charge de la Direction Commerciale de Locam. Il dispose à ce titre d’une grande expertise dans les domaines du financement des ventes et dans l'accompagnement des entreprises dans la transformation vers l'économie d'usage.
Il avait auparavant évolué dans les secteurs de la Grande distribution et de la Banque.
Site internet de Boa Concept: https://www.boa-concept.com/