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INTERVIEW
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‘‘La donnée est l’or noir de demain, (…) nos mécanisations génèrent des données en quantité et au plus proche des flux physiques de nos clients.’’ B. FAURE, FIVES
Interview de Bertrand FAURE, Directeur Commercial de Fives Intralogistics SAS.
Réalisée le 10/01/2017 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Mécanisation des plateformes : enjeux et solutions ».
Pourquoi mécaniser son entrepôt ?
Il existe deux grandes familles de facteurs qu’on peut qualifier d’historiques et une troisième qui correspond à une tendance plus récente.
Jean-Michel STRAUSS, Savoye Gilbert GARCIA, KLS Laurent GOURDON, GRN Logistic |
Les deux premières sont la productivité et l’optimisation des surfaces. La troisième est liée à la capacité des solutions mécanisées à générer des données et donc à contribuer à la rationalisation et à la performance des process.
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La mécanisation, source de productivité
La productivité est le principal objectif de la mécanisation d’un entrepôt et vise à maitriser le budget logistique. Cela est possible car la mécanisation permet de gagner en efficacité des opérateurs et de traiter plus de flux sans augmenter significativement la masse salariale.
À ce terme de productivité, il convient également d’associer les aspects d’ergonomie, de réduction de la pénibilité des conditions de travail et d’employabilité.
Il n’est plus acceptable de faire travailler les salariés dans les conditions difficiles rencontrées dans certains entrepôts traditionnels. La nouvelle Loi Pénibilité incite les entreprises à franchir le pas puisque la mécanisation rend les tâches des opérateurs moins pénibles tout en accroissant leur productivité. Les trajets à effectuer sont plus courts et la manutention de charges est réduite. C’est aussi l’employabilité qui s’améliore.
De manière générale, la mécanisation peut donc faire sens dans tous les secteurs à partir du moment où ceux-ci sont exposés à des volumétries importantes. C’est par exemple le cas de la grande distribution, mais les acteurs du e-commerce ou de la distribution spécialisée sont bien entendu tout aussi concernés par ce besoin à la fois d'efficacité, d’ergonomie et de respectabilité de la tâche logistique.
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La mécanisation pour optimiser l’utilisation des surfaces
Lorsque vous travaillez de manière manuelle avec des engins de manutention, il est difficile de profiter de la hauteur de votre plateforme. La mécanisation permet d'utiliser plus efficacement les volumes de l'entrepôt.
Cette optimisation a également un impact sur le ROI. Le poids de ce critère augmente avec la densification des entrepôts en milieu urbain ou périurbain.
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La capacité des solutions mécanisées à générer des données
S’il reste primordial pour les clients de gagner en productivité, voire en surface dans le cadre de leur projet de mécanisation, ils nous demandent aujourd'hui également de bénéficier de données.
La donnée est véritablement l'or noir de demain et les entreprises savent qu'elles en auront de plus en plus besoin.
Dans un entrepôt traditionnel, quand un cariste utilise son chariot, il est compliqué de dire à chaque instant à quelle vitesse il se déplace, combien de colis il transporte et quel est le prochain colis qu’il il va prendre en charge.
Il est encore moins possible de prévoir quand ce cariste fera une pause ou s'arrêtera pour discuter avec son collègue.
Sur un convoyeur, vous savez à quel moment le colis va arriver sur chaque point d'installation, à quelle vitesse il avance, combien de colis sont positionnés devant et derrière lui et combien de mètres il lui reste à parcourir, etc., et ce, avec une précision très fine. En mécanisant vous rapprochez votre logistique d’un système déterministe.
Sur une installation automatisée, il y a donc de nombreux points de lecture ou d'identification des colis, mais également des opérateurs ou des machines. Le système est intrinsèquement générateur de données très précises et en grande quantité.
À quoi les données issues de la mécanisation peuvent-elles servir aux clients ?
La première utilisation est classique : Leur analyse a posteriori permet de suivre l'activité et de produire des statistiques d'exploitation.
Un autre usage se dégage désormais. S'agissant de données qui pour la plupart d'entre elles sont restituées en temps réel, il devient possible de faire du prévisionnel. On peut par exemple anticiper le retard sur une préparation de commandes, estimer le plus tôt possible le nombre de colis qui risquent d’être préparés en retard. En prévoyant automatiquement les problèmes potentiels, le système permet à l’utilisateur d’y pallier (mobilisation de ressources supplémentaires, décalage d’horaires de départ, information anticipée vers les clients ou les collaborateurs, etc.).
Que deviennent ces données ? Comment le client peut-il les consulter ?
Nous mettons à la disposition de nos clients des outils de traitement et d’analyse de ces données à travers notre WCS Trace®.
Notre département informatique a développé un algorithme permettant de ressortir les informations que nous jugeons importantes sous forme de synthèse et d’alertes. Il devient ainsi possible de détecter une perte de productivité sur une période de la semaine. Le client en est informé et pourra donc mener les actions correctives en conséquence.
Ces données peuvent également être intégrées dans d’autres systèmes tels que le WMS de la société ou, sur une couche supérieure, dans son ERP.
Demain, ces données pourront remonter à un niveau encore supérieur, et contribueront à augmenter les capacités de nos clients en termes d'analyse (big data) et de traitement prédictif (machine learning).
La collecte et l’analyse des données issues des systèmes de mécanisations vous permettent-elles de comparer les performances entre vos différents clients ?
Nous devons à nos clients une confidentialité totale. Nous n’utilisons donc jamais les données d’un client chez un autre client.
En revanche, nous disposons de ratios de productivité en fonction des tâches effectuées par les opérateurs et sommes en mesure d’informer nos clients de leur niveau de performance.
Néanmoins, il est rare de trouver deux activités réellement comparables, même à l’intérieur d’un même groupe, plusieurs sites ayant des activités similaires ont souvent des différences extrinsèques. Il ne nous semble donc pas réellement pertinent de comparer des ratios issus de préparation de commandes traitant des produits et des emballages différents avec des process qui leur sont propres.
Nous privilégions plutôt l’analyse dans le temps des productivités sur des tâches simples. Par exemple, pour un site donné, si une productivité est atteinte à 10h00 le mardi matin, il existe généralement très peu de raisons pour qu'elle ne soit pas comparable à 10h00 les autres jours de la semaine.
Quels sont les seuils d’activité à respecter pour que la mécanisation de sa plateforme soit pertinente ?
Là encore, il est difficile de donner des valeurs précises parce que chaque client est un cas particulier. Je peux vous indiquer des ratios tout en reconnaissant bien volontiers qu’ils sont critiquables et discutables. Chaque cas est en effet différent en fonction de la complexité du secteur dans lequel évolue le client.
En préparation de détail, on peut considérer 1.000 colis / jour comme un seuil minimum, alors qu’en préparation de commandes au colis complet, ce seuil est plutôt aux alentours de 5.000 colis / jour.
La décision de mécaniser est essentiellement basée sur le gain de productivité mais le nombre d’opérateurs est un autre aspect à prendre en compte. Une mécanisation pourra alors devenir pertinente si les effectifs sont de plusieurs dizaines de préparateurs.
Pour un client, quels sont les risques associés à un tel projet et comment s’en affranchir ?
Pour moi, il y a quatre risques principaux :
- Une mobilisation de compétences insuffisante
- Une définition incomplète ou inexacte du besoin
- Un choix de technologie inadapté
- Le choix d’un fournisseur inadapté
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Une mobilisation de compétences insuffisante
En fonction de l’ambition du projet, le nombre de ressources à mobiliser évoluera.
Dans tous les cas, le client doit être conscient qu'un projet de mécanisation ne peut pas se faire par le fournisseur seul. Il doit forcément rester piloté chez lui avec en particulier une mobilisation du directeur d’entrepôt, du management de l’entreprise et du service informatique. Cette mobilisation doit être effective en amont, pendant le projet et en aval. Les trois étapes sont en effet essentielles.
La mécanisation va forcément transformer les process de la plateforme et il ne faut pas négliger l’aspect management d'équipes. Les tâches dans un entrepôt manuel et dans un entrepôt mécanisé ne sont pas les mêmes. Il est important d'appréhender ce nouveau métier.
Il conviendra donc d’accompagner les équipes, de les former, de les faire participer au projet pour que le démarrage se fasse dans les meilleures conditions.
Nous proposons des formations destinées aux utilisateurs, à leurs managers et au personnel en charge de la maintenance.
Si le client pense ne pas disposer des ressources ou des compétences nécessaires, il lui est également possible de faire appel à des cabinets de conseil spécialisés qui pourront l’accompagner pendant les phases de conception, de réalisation et même de prise en main de la solution.
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Une définition incomplète ou inexacte du besoin
Il s’agit de bien déterminer le flux que la solution devra traiter. Combien de colis par jour seront à préparer, à trier, etc. ?
Si le client surestime son besoin, le ROI prévu ne sera pas atteint, faute de flux.
S’il le sous-estime, par exemple en oubliant certaines catégories de produits, les retards sur les futures préparations pourront s’accumuler et le risque est de ne pas arriver à honorer les commandes clients. La situation est alors encore plus pénalisante.
La durée de vie de nos installations est de l'ordre d'une vingtaine d'années. Évidemment, nos installations évoluent avec l'activité du client, et elles doivent être suffisamment bien conçues pour répondre aux besoins de capacité de flux, d'ergonomie, de produits qui peuvent être acceptés, etc. Il convient donc d’analyser les chiffres des données actuelles, mais également de regarder ce que veut faire l’entreprise à l'avenir pour définir un besoin réaliste.
Il est en particulier utile de s’appuyer sur les équipes commerciales du client pour faire des projections et imaginer ce que sera l'activité de l'entreprise dans six mois, un an ou deux ans, mais aussi sur un horizon plus lointain, afin d’anticiper des modifications ou des ajouts de fonctionnalités. Une mécanisation est faite pour durer et doit donc pouvoir facilement s'adapter.
Par exemple, nous avons des clients dans le secteur du e-commerce qui ont des croissances à deux chiffres pendant plusieurs années. Il ne s’agit pas de réaliser en 2017 des installations qui leur permettront de passer leurs flux 2025. On ferait dans ce cas-là un surdimensionnement important. Par contre, on réalisera les installations qui permettront de passer les flux 2017 et d’ajouter des équipements pour gérer les flux en 2018. Si la vision de l’évolution est claire, c'est assez facile.
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Un choix de technologie inadapté
Nous croisons parfois des clients qui veulent « se faire plaisir » et choisissent une technologie avant même d'avoir défini leurs besoins, tout simplement parce qu'elle leur parait pertinente et innovante.
Selon nous, la technologie ne peut être que la réponse à la définition d'un besoin et non une aspiration en tant que telle.
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Le choix d’un fournisseur inadapté
Ici, je distinguerai deux aspects : la taille des entreprises et leurs valeurs. Entre le client et son fournisseur de système mécanisé, un alignement minimum est nécessaire sur ces deux aspects.
Dans l’industrie, on trouve souvent des clients très attentifs à la santé de leurs fournisseurs, à leur taille, à leurs effectifs et à leur pérennité. C’est moins le cas en logistique, en particulier quand, dans les entreprises concernées, les services achats ne sont pas structurés pour ce type d'équipement.
Il peut sembler risqué de confier un projet de plusieurs millions d'euros à une société qui a un chiffre d'affaires inférieur à un million d'euros. C’est pourtant des situations que nous rencontrons parfois.
Inversement, des projets de quelques centaines de milliers d'euros seront, à mon avis, mieux traités par une société qui a un chiffre d'affaires modeste que par un gros acteur international.
Il y a donc probablement des fournisseurs capables de s’adapter aux différents cas de figure.
Au-delà de la taille, les plus beaux succès en mécanisation se font quand les valeurs du fournisseur sont en ligne avec celles du client. Dans nos métiers, on vient vraiment toucher au cœur du process de l’entreprise. Se tromper de fournisseur, c'est souvent faire appel à une société qui a des valeurs très éloignées des siennes.
La première étape d’un projet consiste bien entendu à identifier les meilleurs spécialistes capables de fournir ce dont l’entreprise a besoin, dans le respect des objectifs budgétaires, au meilleur cout et dans le meilleur délai, Pour faire son choix final, le client doit identifier le fournisseur avec lequel il saura travailler de la manière la plus efficace possible, durant toute la réalisation, puis pendant des années d’utilisation.
J'ai l'impression que cette question est assez rarement envisagée. Je le répète cependant, elle est selon moi primordiale.
Comment le client peut-il s'assurer des valeurs de son fournisseur ?
Dans la phase de conception d’un projet, les clients vont beaucoup échanger avec les fournisseurs. Ils les rencontreront, leur poseront des questions auxquelles ceux-ci répondront, recevront des plans, des tracés, etc. C’est au cours de ces différents échanges qu’il sera possible d’avancer sur ce point.
Par exemple, si au cours d’une réunion le client mobilise une équipe de 25 personnes et que le fournisseur n’a envoyé qu’un commercial qui portera à lui seul le projet, le problème est évident. Mais une mobilisation de ressources inverse est tout aussi problématique pour la réussite du projet.
Autre exemple, si le client relance le fournisseur à 10h00 pour une question posée à 9h00, c’est qu’il y a probablement un problème d'alignement entre la réactivité attendue et celle offerte.
De tels constats peuvent alimenter cette réflexion.
Présentez-nous votre offre en rapport avec la mécanisation des plateformes.
Notre portfolio de solutions est très large.
Pour résumer, nous sommes particulièrement experts en :
- Systèmes de tri à haute cadence.
- Technologies de convoyage traditionnel et systèmes de préparation associés (systèmes pick to light, de voice picking, de préparation de commandes détail et colis complets, etc).
Nous avons également une compétence historique et différenciante en informatique industrielle de pilotage et d'optimisation de nos solutions, outil que nous utilisons aussi bien pour les 2 expertises listées ci-dessus.
Enfin, nous avons développé un savoir-faire clé autour du robot. Nous intégrons en particulier des robots polyarticulés (robot travaillant autour de son pied) et des robots cartésiens (robot travaillant généralement sur de plus grandes superficies). Pour ces derniers Fives dispose d’une filiale produisant ses propres robots.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
- Consultez les autres dossiers de FAQ Logistique en rapport avec l’optimisation de l’entrepôt et les WMS.
- Consultez les autres entretiens accordés par Bertrand FAURE à FAQ Logistique.
- Que vous soyez industriel, distributeur ou prestataire, retrouvez dans notre répertoire de solutions, le WMS ou le WCS adapté à vos besoins.
- Découvrez les solutions intralogistique (Automatisation, Mécanisation, Robotisation...) et les cabinets de conseil spécialisés référencés dans l'annuaire FAQ Logistique.
Bio Express :
Bertrand FAURE est diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers. En 1998, il rejoint Fives Intralogistics SAS pour suivre (piloter ?) la réalisation d’installations automatisées. En 2005, il prend la Direction des équipes de conception de la société. Depuis 2010, il occupe les fonctions de Directeur Commercial.
Site Internet de la division Intralogistics du Groupe Fives : http://intralogistics.fivesgroup.com/fr.html