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INTERVIEW |
‘‘En logistique l’innovation est une obligation’’ J-P. GAUTIER, Acsep
Interview
de Jean-Pierre GAUTIER, Directeur des métiers
chez ACSEP
Réalisée le 21/03/2014 par Frédéric LEGRAS,
Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre
du dossier thématique «L’innovation au cœur de
la logistique».
Est-il réellement possible d’innover dans un secteur caractérisé par des faibles marges et des contrats à durée limitée ?
Vous avez raison d’insister sur ces points. Néanmoins c’est surtout sur le second que les principaux changements sont en train de s’opérer. En effet, s’il est vrai que les marges en logistique n’ont jamais été très fortes, c’est la volatilité des donneurs d’ordre qui caractérise aujourd’hui le marché de la prestation logistique.
Alain BUSSOD, Savoye Europe
Didier
GUARISCO, Chrymelie
Olivier ROCHET, Scallog
Michel WATERSCHOOT, Descartes
Christophe REYNAUD, MGI
Isabelle
LAMBERT, AFNOR |
Auparavant quand une entreprise choisissait un logisticien, leur relation durait un certain nombre d’années. La situation a évolué. Un donneur d’ordre peut désormais changer beaucoup plus facilement de prestataire.
Cela est en particulier dû au développement du digital grâce auquel les interfaces et les intégrations de dossiers ont été très simplifiées. Les modes opératoires sont dorénavant bien maîtrisés. Au contraire, il y a quelques années lorsqu’un chargeur « s’unissait » à un logisticien, l’informatique tenait un peu tout le monde.
Désormais, l’intégration des EDI est beaucoup plus rapide. Dans la mesure où il est devenu plus simple de passer d’un prestataire à un autre, la durée moyenne des contrats a logiquement diminué.
Cependant, je considère que cela n’a pas réellement un impact négatif sur l’innovation logistique.
Dans notre secteur, l’innovation est en effet une obligation. On demande à la logistique d’apporter de plus en plus de services, d’enrichir son panel de prestations, etc. Pour se démarquer de la concurrence, le marketing invente perpétuellement des nouveaux services. Par exemple dans le domaine de l’emballage des commandes avec une différenciation des emballages en fonction des clients.
Il est donc nécessaire d’innover de manière à trouver des solutions pour distribuer les flux de façon plus différenciée.
Vous évoquiez le développement du digital. Quels peuvent en être les impacts sur la logistique ?
Aujourd’hui, le monde est connecté. Cela a bien évidemment des incidences pour le monde de l’entrepôt.
Il y a encore quelques années, le directeur d’entrepôt connaissait en fin d’après-midi l’activité que ses équipes auraient à traiter le lendemain. Le développement du digital a changé la donne.
Un consommateur peut passer une commande la nuit depuis chez lui avec sa tablette ou son ordinateur. Avec son Smartphone, il peut même commander des produits en étant mobile (dans un train par exemple). Le portefeuille de commandes continue donc à s’alimenter la nuit.
Ainsi le prestataire qui ouvre son entrepôt le matin se retrouve désormais avec des commandes dont il n’avait pas connaissance la veille.
Les impacts sur la supply chain sont donc très forts.
ACSEP se positionne d’ailleurs comme le spécialiste de la Digital Supply Chain…
On se rend compte qu’il y a beaucoup plus d’interlocuteurs aujourd’hui dans la vie d’une commande qu’il pouvait y en avoir il y a quelques années.
Dans la mesure où la technologie permet dorénavant de communiquer en temps réel, il devient indispensable de mettre à disposition de l’ensemble des acteurs toutes les informations disponibles en temps réel.
C’est sur cet aspect que nous portons nos efforts et que nous développons notre offre. Notre objectif est donc de relier l’ensemble des interlocuteurs.
En particulier, de plus en plus de clients nous demandent de développer pour leur compte des portails collaboratifs. Ainsi, la plupart des utilisateurs de notre WMS IzyPro sont également équipés de notre portail IzyWeb utilisé par leurs fournisseurs, leurs clients et leurs points de vente.
Via une connexion Internet, ils peuvent consulter leur stock, saisir les commandes, suivre le statut des livraisons, bénéficier d’une information sur les retours, etc.
D’autres clients souhaitent utiliser un portail qui leur soit dédié de manière à intégrer leurs modes opératoires. Nous proposons alors des solutions sur mesure dédiées à leur activité.
En back office, nous prenons la responsabilité de la mise à disposition des données et de l’infogérance et proposons des solutions hébergées, sécurisées et supervisées. Nous garantissons ainsi la disponibilité de l’information et nous assurons le support client 24h/24 et 7j/7.
Depuis sa création en 2005, ACSEP aide les chargeurs et prestataires logistiques dans l’optimisation de leur organisation logistique en s’appuyant sur 5 leviers que sont le conseil, l’expertise IT, l’intégration, la formation et l’édition. En ayant mis en place des centaines de projets et résolu nombre de problématiques, nous sommes aujourd’hui les seuls sur le marché à accompagner nos clients à la fois sur les aspects opérationnels et IT.
Nos équipes sont parfaitement rôdées aux problématiques informatiques et logistiques et conçoivent des solutions dans leur globalité. Elles apportent du conseil métier pour dimensionner les entrepôts, et fluidifient les flux d’informations par la mise en œuvre de solutions collaboratives.
C’est pourquoi, fort de notre expertise métier et informatique, ACSEP s’affirme comme le spécialiste de la Digital Supply Chain.
Quelles innovations peut-on attendre dans le domaine de la gestion des entrepôts dans les prochaines années ?
On peut aujourd’hui distinguer deux approches différentes en Europe en ce qui concerne la gestion des entrepôts : l’Europe du Nord est très développée en termes de mécanisation, ce qui n’est pas le cas de l’Europe du Sud.
Cette situation vient du fait que la mécanisation introduit un risque de rigidité. L’installation d’un gros trieur va notamment avoir pour conséquence que tout le process tourne autour de lui.
De même, un trieur est plutôt un outil mono produit. Il est rare de pouvoir combiner sur le même équipement des boîtes de chaussures, du textile, du vin, ou encore du parfum. Le format des produits va donc devenir une contrainte.
En mono format, la mécanisation est beaucoup plus simple. Des qu’on arrive sur les problématiques de plus petites commandes, pour lesquelles on est obligé d’augmenter le nombre de sorties, ces équipements atteignent leurs limites.
Une autre voie consiste à ne mécaniser qu’une partie de l’entrepôt. Il s’agira d’automatiser un certain nombre de tâches et de travailler sur la gestion de production et sur l’organisation.
C’est sur ces aspects que devraient porter les innovations qui permettront d’apporter les bonnes réponses aux problématiques logistiques.
Chez ACSEP, nous considérons qu’aujourd’hui un seuil maximal a été atteint en termes de vitesse de traitement des opérateurs. C’est plutôt sur l’ordonnancement que des progrès vont pouvoir être réalisés.
Pourriez-vous illustrer ce point ?
Nous insistons en particulier sur l’importance de la qualification des commandes en termes de taille, de destination, d’options, de typologies de destinataires, etc.
En effet, ces différentes données vont permettre de constituer des critères d’organisation.
Grâce à la qualification de la commande, il deviendra possible de lancer des lots homogènes en termes de métier. Cela permettra de mieux alimenter les opérateurs au cours de la journée.
Si on est capable de donner du travail à un opérateur à un rythme constant, celui-ci sera en mesure d’exécuter plus de tâches au cours de la journée.
Par exemple pour une table d’emballage dédiée au papier cadeau, il conviendra que celle-ci soit utilisée sur une plage horaire la plus longue possible dans la journée pour éviter des périodes de congestion, alternée à des périodes de sous-utilisation. Il sera peut-être nécessaire de prévoir un atelier dédié à cette prestation, tandis que les autres ateliers ne la proposeront pas.
Autre exemple, celui du découpage des commandes entre commandes multi et mono article. On sait que les process différent totalement. Cela a donc des conséquences sur le traitement logistique.
En mono article, c’est l’article qui va venir chercher sa commande. On va donc pouvoir développer des process de ramasse globale. 2.000 articles seront ramassés en une seule fois et l’opérateur n’aura plus qu’à scanner son article, ce qui enclenchera la recherche de la commande par le WMS. Le bon de commande sera donc imprimé et l’opérateur n’aura plus qu’à l’emballer.
Toujours grâce à la qualification des commandes, il sera possible d’affecter à l’opérateur la préparation de commandes homogènes, ce qui permettra de traiter des emballages eux aussi homogènes.
Ainsi, les tables d’emballage pourront elles aussi être spécialisées: une table pour les enveloppes, une table pour les cartons, etc.
Avec des organisations de ce type, on ne gagne pas en productivité sur les périodes d’activité mais on génère des périodes d’activité plus longues dans la journée. La capacité quotidienne de production est donc augmentée ! C’est bien sur ce deuxième élément qu’aujourd’hui, nous pensons qu’il convient d’innover. Il ne sert à rien qu’un opérateur sache travailler vite, si on ne lui permet pas de travailler en continu sur l’ensemble de la journée.
Quel est l’impact de cette organisation sur la mécanisation ?
En étant capable de constituer des lots homogènes, il est possible, via le WMS, de les envoyer sur des chaînes automatiques dédiées à des formats spécifiques (lourd, fragile, etc.). C’est un point très intéressant dans la mesure où la mécanisation sera plus apte à absorber des lots homogènes.
En effet, une des limites de la mécanisation vient du fait qu’il est nécessaire de caler différents objets dans un même emballage. Même en approchant les produits de l’opérateur par l’utilisation de goods-to-man, en fin de chaîne, il est toujours nécessaire que l’opérateur range les différents articles dans un seul et même carton.
Or, aujourd’hui les donneurs d’ordres diversifient leurs offres d’achats et donc leurs produits. C’est donc à la logistique de trouver des solutions adéquates.
Chez ACSEP, nous considérons donc que notre WMS IzyPro doit proposer une capacité d’ordonnancement et de lancement du travail permettant d’augmenter cette capacité de production.
Justement au niveau du WMS, sur quels aspects devraient porter les prochaines évolutions ?
Pour trouver des solutions économiques, les prestataires souhaitent de plus en plus mutualiser leurs flux de manière à rentabiliser leurs investissements. Ils regroupent donc physiquement les flux de leurs donneurs d’ordre afin de réduire les stocks, d’optimiser les process, d’améliorer les taux d’occupation des équipements, des personnels et des organisations.
Ils conçoivent ainsi des sites multi-users. Aujourd’hui nos clients prestataires ont tous au minimum une dizaine de donneurs d’ordre différents sur une application IzyPro. C’est une tendance très forte.
Naturellement, le WMS doit permettre d’accompagner cette tendance et donc être lui-même nativement multi-users.
Cependant chaque donneur d’ordre a des caractéristiques qui lui sont propres, ce qui se traduit par des attentes différentes.
L’innovation dans le domaine du WMS va donc consister à piloter l’exécution afin que l’opérateur n’ait plus de questions à se poser au moment de l’intégration d’un nouveau donneur d’ordre. Il ne faut pas en effet que celui-ci vienne déranger le paramétrage d’un donneur d’ordre existant. Le SI est au service du métier, pas l’inverse !
En termes d’autonomie, aujourd’hui, 80 % de nos clients sont indépendants pour intégrer un nouveau contrat. Ils nous demandent simplement de vérifier les paramètres pour les EDI.
Nous avons également ajouté sur IzyPro un module de paramétrage des EDI. Un tel paramétrage était, il n’y a pas si longtemps, réservé aux services informatiques. Une vulgarisation a donc été opérée.>
A travers ce module, les chefs d’équipe disposent d’informations claires sur leur activité et les différents évènements qui interviennent dans la journée (réceptions, commandes, etc.). En cas de rejet, des motifs exhaustifs et très parlants leur sont fournis avec envois automatiques d’e-mails. On touche vraiment à la Digitale Supply Chain : aujourd’hui, de plus en plus d’informations sont disponibles. Il s’agit de leur trouver une valeur ajoutée. Dans les années à venir, on va donc demander aux systèmes de fournir une analyse et un pilotage de plus en plus fins des organisations et de la gestion des événements.
Pour aller plus loin
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Bio Express
De formation technicien supérieur
en logistique, Jean-Pierre GAUTIER
a occupé différents
postes de Direction d’Entrepôt
et de Projets chez Hays Logistique
(désormais Kuehne+Nagel).
En 2000, il co-fonde l’éditeur
L4 Epsilon, entreprise au sein de
laquelle il occupe la Direction
des Opérations puis la Direction
Générale.
En 2011, il rejoint ACSEP en tant
que Directeur des Métiers.
A ce titre :
- Il apporte son expertise opérationnelle
dans l’organisation et l’intégration
des projets
- Il définit la roadmap de
la solution IzyPro (WMS développé
par ACSEP) en regard de l’évolution
des métiers et des schémas
de distribution.
- Il conseille les entreprises dans
leurs choix stratégiques
et opérationnels.
Sites
Internet d'ACSEP : www.acsep.fr, www.izypro.fr