Dossiers > Supply Chain > Quelles innovations pour le monde d'après ?> Entretien AKANEA
INTERVIEW
|
‘‘Les projets de digitalisation se sont multipliés’’
H. KERJEAN, AKANEA
Interview d’Hélène KERJEAN, Responsable marketing Supply Chain d'AKANEA.
Réalisée le mardi 1er décembre 2020 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Quelles innovations supply chain pour le monde d’après ? »
Dans quelles proportions vos clients ont-ils été impactés par la crise sanitaire qui a marqué l’année 2020 ?
Les professionnels du secteur ont bien sûr été fortement touchés.
Y.BUISSON | FM LOGISTIC M. WATERSCHOOT | DESCARTES P. HENRION | BOA CONCEPT M.WILSON | XPO J. BOUR | DDS LOGISTICS I. BADOC | GENERIX E. KESLER | GEFCO I. ROCHER | AUTOSTORE SAVOYE |
Néanmoins en fonction de leur activité (transport routier, transport international, déclarants en douane, etc.) et des typologies de marchandises dont ils assurent l’acheminement, ils ne l’ont pas tous été avec la même gravité.
De même les situations ont fortement évolué entre le 1er et le 2e semestre.
Début 2020, les transporteurs routiers dont les clients sont des industriels ont quasiment été contraints à l’arrêt. Sur les derniers mois, l’activité a en partie repris.
Ceux qui étaient spécialisés dans le transport frigorifique ou dans les fruits et légumes ont moins souffert, la forte demande en magasins compensant en partie la fermeture des restaurants.
Les commissionnaires de transport à l’international ont de leur côté été largement impactés, en particulier ceux qui travaillaient avec la Chine et les États-Unis. Le fret maritime a en effet été réduit de moitié.
L’aérien a, pour sa part, souffert de l’arrêt de lignes voyageurs qui servaient également jusque-là au transport de marchandises. Affréter des avions dédiés au seul transport cargo n’a pas le même coût. Dans les derniers mois néanmoins, la baisse d'activité sur le transport international a été moindre dans la mesure où l’activité en Chine est bien repartie.
Enfin, nos clients déclarants en douane ont forcément enregistré d’importantes baisses sur certaines zones géographiques, mais là aussi ils ont pu bénéficier des regains d'activité des secteurs pharmaceutique ou agroalimentaire.
Quels enseignements tirer ?
Dans tous les cas, les logisticiens ont dû faire preuve de réactivité pour passer la crise, se réinventer et en particulier :
- Adapter leurs schémas de transport au fort développement de la distribution urbaine et en particulier au click & collect. Les liaisons ont dû être revues pour permettre des livraisons plus fréquentes de moindres quantités, tout en limitant les voyages à vide et donc les pertes.
- Diversifier leur activité. Ne pas dépendre d’un secteur unique est un atout pour la pérennité de l’entreprise. Je peux vous citer l’exemple d’un de nos clients, commissionnaire de transport à Marseille. Une partie de son activité consistait à assurer des liaisons aériennes entre les Émirats Arabes et Marseille sur des typologies de marchandises dont la production a été complètement arrêtée. Il a réussi à compenser cette baisse de flux en basculant sur l’approvisionnement de masques et de gels hydroalcooliques, par voie maritime notamment.
Comment l’innovation peut-elle contribuer à relever les nouveaux défis supply chain ?
La crise sanitaire a clairement mis en avant la nécessité d’accélérer la digitalisation des entreprises. Si c’est quelque chose qui était évoqué depuis des années, le nombre d’acteurs à avoir franchi le pas restait finalement encore limité.
Quels ont été les impacts du Covid-19 sur l’Agroalimentaire et la Supply-Chain ? Ceux-ci sont consultables en suivant le lien suivant : https://akanea.com/akanea-coronavirus-temoignage-client/ |
Ces derniers mois, les projets se sont donc multipliés. Les entreprises ont compris la nécessité de digitaliser leur processus transport et la gestion documentaire associée, bref, de s’affranchir des fax, du papier et d'Excel. Les évolutions réglementaires dans les prochaines années devraient d’ailleurs également favoriser ce développement. Je pense en particulier à l’obligation de passer à la facture électronique pour les entreprises du secteur privé qui se profile en 2022/2023.
Les contraintes sanitaires ont de leur côté poussé le développement de la signature électronique de manière à limiter les contacts et les échanges physiques de documents entre les chauffeurs et les réceptionnaires de la marchandise.
De même, le confinement a mis en avant l’intérêt des modèles de type SaaS ou PaaS. Les entreprises qui continuent à héberger leurs solutions sur leurs serveurs peuvent en effet être en difficulté au moment où les collaborateurs doivent les utiliser depuis leur domicile. Il devient nécessaire d’avoir les bons liens, des VPN sécurisés, etc.
Les sociétés qui avaient déjà externalisé l’hébergement de leurs solutions chez un infogéreur ont éprouvé moins de difficultés dans la mesure où elles n’avaient pas besoin de s’en préoccuper.
Il s’agit également de se doter d’outils en mesure d’accompagner l’évolution des modes de consommation et des modèles de distribution. Je pense en particulier au click & collect et plus généralement au B2B2C. C’est la raison pour laquelle nous sommes en cours de refonte complète de nos portails clients destinés aux sociétés de transport, aux commissionnaires et aux déclarants en douane. Ces entreprises ont besoin de mettre de l'information à disposition de leurs propres clients.
Jusqu’à présent les portails étaient utilisés dans une fonction essentiellement orientée traçabilité. Il s’agissait de renseigner sur la localisation de la marchandise, l’état d’avancement d’une commande, etc.
Désormais, l’objectif est de permettre aux clients finaux d’accéder à un certain nombre d’informations à l’instar de celles dont on peut bénéficier quand on se connecte à son espace sur un site e-commerce : profil, historique des factures, etc. Y seront également ajoutées d’autres fonctionnalités comme la visualisation de KPI ou la possibilité de chatter avec son transporteur.
Tout cela est en particulier favorisé par l’accélération du développement des webservices. L’instantanéité dans les envois d'informations qu’ils autorisent est un vrai atout par rapport à l'EDI avec lequel recevoir une réponse à son message peut prendre plusieurs minutes, voire quelques dizaines de minutes. Il devient par exemple possible de communiquer avec les objets connectés sans nécessité de développements poussés.
Si l’EDI reste encore la norme dans notre secteur, le webservice va certainement le remplacer. Un organisme comme le GTF vient par exemple de publier son premier guide normalisé de webservice pour l’édition d’étiquettes.
Quelle est la différence entre SaaS et PaaS ?
SaaS est l’acronyme de Software as a Service quand PaaS est l’acronyme de Platform as a Service.
Dans les deux cas, l’infrastructure informatique est sous-traitée chez un infogéreur. Avec le SaaS, les licences sont louées et n’appartiennent donc pas à l’entreprise. Avec le PaaS, celle-ci reste propriétaire des licences. Les données et applications sont gérées en interne.
Une grande majorité de nos clients commissionnaires et déclarants en douane utilisent nos services SaaS.
Les transporteurs routiers ont par contre plus de réticences à opter pour ce modèle. Certains craignent en effet pour la sécurité de leurs données. Le PaaS permet alors de rattraper une partie de cette population en leur faisant bénéficier de l’externalisation de leur infrastructure informatique tout en leur assurant le contrôle de leurs applications.
AKANEA a fourni un travail important pour aider ses clients à faire face au Brexit…
Nous y sommes désormais (mise en application le 1er janvier 2021).
Le Brexit a été adopté par le Royaume-Uni en 2016. C’est donc un sujet dont on parle depuis 4 ans. Les entreprises ont mis du temps à s’y préparer, espérant que l’impact douanier pourrait finalement être limité et qu’un accord avec l’Union Européenne serait signé. Néanmoins, un tel accord porte sur les niveaux de taxes et ne prémunit pas des formalités douanières en tant que telles.
AKANEA a donc été en lien direct avec les Douanes pendant des mois pour préparer ses clients à ses impacts :
D’abord, une frontière entre les pays européens et le Royaume-Uni va être rétablie. C’est quelque chose d’assez nouveau pour des acteurs français se rendant tous les jours en Angleterre. Ils vont désormais devoir être à même de présenter des déclarations douanières. Même si celles-ci seront effectuées par leurs donneurs d’ordre, ils devront veiller à les avoir bien récupérées en amont de l’expédition. La déclaration contiendra un code-barres, celui-ci sera scanné et une caméra identifiera la plaque d'immatriculation du véhicule. Une fois l’appairage effectué, le transporteur pourra passer.
La Douane a donc travaillé sur la digitalisation du processus pour permettre de fluidifier les échanges et éviter au maximum les points de blocage.
La tâche sera un peu plus compliquée lorsqu’un camion transporte des marchandises confiées par différents chargeurs. Pour éviter d’avoir à scanner autant de code-barres que de donneur d’ordre, la Douane a mis en place une enveloppe logistique. Il conviendra dès lors de procéder au groupage de toutes les déclarations auquel sera associé un code-barres unique à scanner. Le transporteur étant le seul à connaître les marchandises qui lui ont été remises, il devra néanmoins prendre en charge ce groupage. Là encore il sera nécessaire d’anticiper au maximum.
Enfin, à partir du moment où ils ramèneront de la marchandise depuis le Royaume-Uni vers le marché européen, les transporteurs concernés vont également être redevables d'une autre déclaration : l'ICS (Import Control System) qui s’apparente à une déclaration de sûreté / sécurité.
Quels que soient les modes de transport (aérien, maritime, routier, etc.), une déclaration ICS doit être fournie au premier point d'entrée du territoire européen. Cette déclaration ne contient pas la taxation douanière, mais le détail de ce qui est transporté, l’expéditeur, le destinataire, etc.
Les transporteurs, qu'ils soient français ou européens, ne sont pas du tout préparés à ce type de procédures. Après une tolérance de 15 jours maximum, s'ils n'ont pas complété leur ICS quand ils arriveront sur le point d’entrée européen, que ce soit en Belgique ou en France, ils seront déportés sur « une file orange » et seront redevables d’une amende. À nouveau, il s’agira d’être en mesure d’anticiper la communication des informations en amont du passage dans le tunnel sous la Manche ou de l'embarquement sur le Ferry.
À noter que seuls des éditeurs certifiés par la Douane proposent ce service ICS et qu’il n’est pas disponible sur prodouane. Nous sommes quelques-uns en France à être certifiés sur cette procédure. Nous souhaitons équiper et former un maximum de transporteurs et de commissionnaires pour leur permettre d’être opérationnels le plus rapidement possible.
Le maître mot est donc l'anticipation. Les transporteurs qui s'en sortiront seront ceux qui seront préparés. Il conviendra en particulier d’avoir repensé ses prix à la hausse pour tenir compte du temps et des coûts liés aux nouvelles formalités.
Nous sommes néanmoins assez inquiets dans la mesure où nous rencontrons de grands transporteurs français qui ne savent pas exactement ce qu’est l'ICS.
La situation est encore pire pour ceux qui viennent de pays non frontaliers avec le Royaume-Uni. Nous nous sommes d’ailleurs mis en relation avec les fédérations des différents pays européens pour leur pousser l'information, les inciter à bien renseigner leurs transporteurs afin que tout le monde soit prêt.
Pour aller plus loin
- Consultez les autres entretiens accordés dans le cadre de ce dossier.
- Consultez les autres dossiers de FAQ Logistique en rapport avec l'innovation en Supply Chain.
- Retrouvez dans notre répertoire de solutions, les dernières start-ups supply chain et les cabinets experts en transformation digitale.
Bio Expresss
Hélène KERJEAN est Responsable marketing produits, en charge de l’ensemble des produits liés à la supply chain (transport, WMS et douane) chez AKANEA. Elle occupait auparavant le poste de chef de marché Transport, en charge de la stratégie des produits au sein du service Développement des Marchés.
Madame KERJEAN a une expérience de plus de 15 ans dans des postes de responsable marketing opérationnel et stratégique dans le monde de l’édition de logiciels et est titulaire d’une licence d’économie gestion des entreprises ainsi que d’un master en management à l’École Supérieure de Commerce de Clermont-Ferrand.
Site Internet d'Akanea Développement : http://www.akanea.com