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INTERVIEW
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‘‘Nous avons souhaité faire émerger de nouveaux sujets à travers notre incubateur’’
J. BOUR, DDS LOGISTICS
Interview de Jérôme BOUR, PDG de DDS LOGISTICS.
Réalisée le 17/01/2020 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Quelles innovations Supply Chain en 2020 ? »
Quelles sont les principales tendances qui ont, selon vous, impacté la Supply Chain lors des 10 dernières années ?
Je considère que cinq thèmes ont marqué la dernière décennie :
- Le développement du e-commerce et des modèles omnicanaux. Les exigences en termes de niveau de service du B2C se retrouvent désormais également en B2B. Les attentes que nous constatons de nos clients se sont clairement déplacées sur l'expérience client. C’est ce qu’on appelle communément « l'effet Amazon ».
- La montée en puissance du collaboratif. Celui-ci a été favorisé par un basculement spectaculaire des solutions sur les modes cloud on demand. Le collaboratif est particulièrement approprié au transport dans la mesure où l’activité relie par essence des acteurs divers, mais des sujets équivalents existent dans d’autres volets de la Supply Chain. Je pense en particulier au développement des prévisions de ventes collaboratives.
- L’irruption du temps réel. Le taux d’équipement des Smartphones a explosé et l’IoT semble parti pour supplanter la RFID. L’information peut donc désormais être captée et mise à disposition instantanément.
- Le développement du prédictif. Les accès au Big Data dans un premier temps et à l’Intelligence Artificielle dans un second se sont démocratisés.
- L’uberisation du secteur. La désintermédiation d’une part et l'accès à des pools de ressources beaucoup plus larges d’autre part ont ouvert de nouvelles perspectives. Nombre d’acteurs ont d’ailleurs émergé en ce sens : Uberfreight, Convargo, Fretly, Fretlink, etc.
Je mets volontairement de côté deux sujets qui ne me semblent pas avoir jusqu'à présent réellement impacté le secteur :
- La blockchain qui pour moi doit encore faire ses preuves en l'absence de normalisation, condition préalable à son essor industriel.
- L’aspect environnemental qui était malheureusement jusqu’à récemment absent des attentes du marché. Sur ce dernier point, une certaine prise de conscience semble cependant se produire. Le sujet commence à apparaître dans les appels d'offres surtout lorsque les entreprises concernées ont une exposition directe vers le consommateur final.
Comment justement la Supply Chain pourra-t-elle contribuer à faire face aux défis environnementaux qui nous attendent ?
Le transport fait partie des principales activités émettrices de CO2. Une étude de l’ONG Transport & Environnement révélait récemment que le transport maritime au départ et à destination de l’Europe génère plus de gaz à effet de serre que ne le fait un pays comme la Belgique.
P. HENRION | BOA CONCEPT F.BIESBROUCK | BK SYSTÈMES G. DWARIKA | GEFCO |
Sachant que ramené à la tonne transportée, le mode maritime est plus vertueux que le routier, on mesure l’ampleur du problème.
Si des innovations technologiques sur les flottes, les types de tracteurs et l’optimisation du roulage sont apparues ces dernières années, il me semble que l’effort devrait particulièrement être porté sur les modèles qui permettent de ne pas avoir à émettre de CO2. Je pense à des modèles qui rapprochent les lieux de production et de consommation. C’est en particulier le cas de l'impression 3 D. Le transport étant aujourd'hui considéré comme accessible à faible coût, l’intérêt pour le développement de cette technologie est encore limité. Le modèle économique basé sur une délocalisation de la production et la distribution depuis des plateformes continentales reste en effet plus rentable.
Néanmoins, dans les prochaines années, les coûts de transport devraient augmenter au regard de la pénurie de chauffeurs et de la réglementation écologique qui devrait se durcir. L’impression 3D prendra alors tout son sens. En particulier sur la partie SAV.
Quels seront les principaux enjeux dans les années à venir ?
Je viens d’évoquer l'environnement. Il y a également les attentes sur les niveaux de service et la pression sur les coûts qui ne devraient qu'augmenter, mais on est là plutôt sur la prolongation d'une tendance.
Ensuite, je pense qu’il existe deux phénomènes nouveaux auxquels la Supply Chain va rapidement être confrontée : un important manque de ressources humaines et la réapparition des frontières.
Sur le premier point, il y a clairement un manque de disponibilité des ressources dans nombre de métiers Supply Chain, quels que soient les niveaux de qualification.
Sur le second, alors que nous étions habitués à un monde sans frontières, nous allons très vite en retrouver une partie. Je pense au Brexit bien sûr, mais nous pouvons clairement constater une tendance de repli de nombre de pays sous couvert de guerre commerciale ou de pression migratoire. Ces frontières vont concerner non seulement les flux physiques, mais également les flux d'informations et financiers. La Russie a par exemple récemment testé son autonomie Internet, c'est à dire comment « survivre » en coupant l'accès à l'Internet international public.
Bref, ce qu'on tient pour acquis en termes de facilité de circulation des biens, des informations et des flux financiers risque de se dégrader dans les années à venir et les impacts sur la Supply Chain seront importants.
Quelles sont les principales innovations qui devraient impacter le transport ?
Toutes les prévisions vont dans le sens de l’essor de la robotisation et des véhicules autonomes. À horizon 5 ans des véhicules autonomes devraient commencer à être utilisés pour le transport de fret : des petits porteurs en ville jusqu'aux semi-remorques, en passant par le platooning, qui est une forme de semi-automatisation.
Ce développement permettra d’apporter une réponse à la fois aux enjeux de coûts, d'optimisation, d'environnement et de ressources humaines.
De gros efforts seront aussi certainement menés pour réduire la part des kilomètres parcourus à vide dans la mesure où 30% des trajets sont aujourd’hui encore concernés. Pour y remédier, le prédictif est prometteur. Celui-ci nécessite que l’information soit accessible en temps réel ce que l’IoT et la 5G devraient permettre. Une connexion permanente à très haut débit en mobilité permettra le pilotage complet de chaines et accélérera le développement du prédictif comme l’ADSL l’a fait pour le SaaS au début des années 2010.
Comment faire face à la pénurie des ressources humaines ?
Les métiers de la Supply Chain sont encore assez jeunes. Les formations sont finalement peu nombreuses par rapport aux besoins avec en plus une offre en partie tournée vers des métiers qui pour certains sont en train de disparaitre.
Forts de ce constat, nous avons lancé la création d'une académie. Celle-ci a une double vocation :
- Nous permettre de ne pas être limités dans notre croissance. Il est en effet difficile de trouver des candidats disposant d’une première connaissance de la Supply Chain. Nous avons compris que si nous souhaitons délivrer ce qu'attendent nos clients, c’est à nous qu’incombe la mise en place des moyens pour permettre cette montée en compétences.
- Aider nos clients, eux-mêmes confrontés à un manque de personnel qualifié pour mener l’implémentation d’un TMS. En effet, s’agissant le plus souvent d’un premier équipement, pour les chefs de projets et utilisateurs, le TMS est souvent une découverte.
DDS Logistics disposait déjà d’une expérience dans la formation depuis de nombreuses années. Nous sommes d’ailleurs organisme agréé. Néanmoins, les modèles évoluent et nous avons mis l’accent sur l’e-learning, l’accès à la formation en mobilité. L’idée est que les élèves puissent « consommer à la demande » les cours.
Quelle est la place de l’innovation chez DDS Logistics ?
En tant qu’éditeur, l'innovation est au centre de notre activité. Nous consacrons ainsi chaque année l'équivalent de 15 à 20% de notre chiffre d'affaires à la R&D.
L'équipe innovation est d'ailleurs directement rattachée à la Direction Générale.
Depuis quelques années, nous avons souhaité faire émerger de nouveaux sujets par des moyens différents, à travers de notre Incubateur Logistics.
Une de ces idées a donné naissance au projet Join2Ship qui a donc été mené dans un format de type start-up avec des équipes et un rythme de travail différents. Les équipes se sont complètement affranchies de nos solutions historiques pour lesquelles le parc client est important avec des attentes axées avant tout sur la robustesse.
Ce modèle start-up a bien fonctionné et nous continuons nos actions dans notre incubateur pour faire émerger d'autres projets. L'idée est de s’attaquer à des sujets qui ne sont pas aujourd'hui dans notre road map.
Quels ont été les axes de développement de votre offre ces derniers mois ?
Nous disposons aujourd’hui d’un produit très complet en mesure de couvrir toutes les bases d’exécution. Nous savons piloter l'ensemble des éléments opérationnels du transport dans des contextes très variés.
Nous nous sommes néanmoins rendu compte que des améliorations pouvaient être apportées à 3 niveaux :
- Dans la capacité à intégrer l'ensemble des transporteurs, quelles que soient leurs tailles. Au-delà de l’application mobile de tracking Join2Ship que j’évoquais à l’instant, nous avons également monté une architecture permettant de connecter les transporteurs quelques soient leurs technologies à travers de l'API, de l'EDI classique, du mobile… le tout pour que nos clients soient en capacité d’embarquer 100% de leur écosystème.
- Dans la communication d’informations utiles et pertinentes aux partenaires. Nos clients sont des donneurs d'ordre et peuvent éprouver des difficultés à transmettre les bonnes informations à leurs partenaires que ceux-ci soient situés en amont (fournisseurs) ou en aval de la chaine (destinataires). Nous avons donc renforcé notre capacité en ce sens en particulier à travers le calcul de l'ETA. Nous disposons en effet d’une base de connaissance très importante sur le sujet avec énormément d’informations cumulées au cours des années nous permettant d’affiner nos modèles prédictifs.
La fonction d’ETA était déjà disponible dans Join2Ship, le produit étant alors utilisé de manière indépendante de nos TMS pour des acteurs qui avaient ce besoin spécifique de visibilité et de prise de rendez-vous amont (en particulier quand ce sont leurs fournisseurs qui organisent le transport) ou aval. Désormais, Join2Ship est directement intégré à nos TMS. Tous nos clients peuvent bénéficier de l'écosystème de transporteurs, des portails de visibilité et donc du volet calcul de l’ETA.
- Dans la capacité à étendre l'utilisation de l'information au sein de l'entreprise, au-delà du service transport. Les équipes transport de nos clients nous ont remonté qu’une partie non négligeable de leur activité consistait à renseigner leurs clients internes : commerciaux, acheteurs, approvisionneurs, managers, etc. C'est pour cela que nous avons décidé de créer l’application mobile Live by DDS qui permet justement de pousser en temps réel l'information transport pertinente vers ces clients internes qui, s’ils sont non-utilisateurs du TMS, ont tout de même besoin d’informations transport dans leur activité quotidienne. L’application leur donne accès à des indicateurs ciblés en fonction de leur profil. Un système de notifications existe également. L'idée n'étant bien sûr pas de se substituer au produit de Business Intelligence intégré dans le TMS.
Live est disponible avec notre dernière release et peut être chargé sur les markets habituelles AppStore et Google Play. L’application vient se connecter directement au TMS.
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Bio Express
Jérôme BOUR a pris la Direction de DDS Logistics en 2000, leader du TMS. Il a auparavant occupé les postes de Directeur Informatique du Groupe DAHER, de Responsable de l’organisation et des systèmes opérationnels chez DHL et de Consultant chez Ernst & Young.
Site Internet de DDS Logistics : https://www.ddslogistics.com/