Publications > ASLOG > Sûreté et sécurité : Les deux piliers stratégiques des entreprises qui veulent accroître leur performance > Sécurité et sûreté dans l’entrepôt


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ASLOGDocument reproduit avec l’accord de l’ASLOG. L’ASLOG, l’Association française pour la logistique est une organisation neutre et indépendante. Multisectorielle, elle est aujourd’hui la seule association qui couvre l’ensemble des activités au sein de la chaine logistique globale. Elle représente un réseau professionnel de plus de 1500 membres en France et plus de 135 000 en Europe à travers l’ELA (European Logistics Association). Pour soutenir les entreprises dans cette démarche, l’ASLOG, facilitateur d’échanges, se positionne aujourd’hui plus que jamais comme un soutien des entreprises dans leur recherche de compétitivité et de performance globale.


La prévention, élément fondamental

Deux tables rondes ont marqué ce séminaire. La première, animée par Dominique Le Tainturier, du groupe SAVE, et Président de la Délégation Normandie de l’ASLOG, a réuni :

  • Pierre Chapon, directeur des marchés Hôtellerie et Logistique au sein de la division Siemens Building Technologies,
    • Cette division s’intéresse à la sécurité des personnes et des biens, notamment à la protection des bâtiments. Elle regroupe trois activités : la sécurité incendie, la sûreté (contrôle d’accès, anti-intrusion, vidéosurveillance), la gestion technique du bâtiment (GTB) au travers du "Building Automation".
  • Jean-Pierre Pasquier, chef de projet au sein de l’entreprise Quille,
    • Quille est la première filiale BTP de Bouygues Construction : elle couvre les régions de Haute-Normandie, Basse-Normandie et Picardie. Elle intervient dans toutes les phases d’un projet de construction, depuis la conception jusqu’à la maintenance, en passant par la réalisation. Sa direction Industrie est en charge de tout ce qui a trait aux bâtiments industriels et aux bâtiments logistiques.
  • Gilles Vaquin, expert conseil en matériel de manutention,
    • Son cabinet de consulting a une réflexion en matière de sûreté, sécurité d’utilisation des matériels de manutention.
  • Olivier Lagneaux, chef de groupe subdivisions du Havre à la DRIRE Haute Normandie.
    • La DRIRE (Directions Régionales de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement) fusionne avec deux autres administrations : la DIREN et la DRE donnant naissance à la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) conformément à la circulaire du Premier Ministre du 15 mai 2008 définissant les modalités et le calendrier. Inspection des installations classées. Contrôles techniques et Énergie. Aide aux entreprises. La DRIRE est en quelque sorte "le policier de l’industrie" et exécute d’autres fonctions régaliennes historiques. Elle exerce des missions variées d’animation, d’incitation et de contrôle ayant pour finalité le développement économique durable.

Dominique Le Tainturier lance le débat autour de la sûreté dans l’entrepôt, en abordant d’abord les règles à appliquer pour concevoir un bâtiment sûr.

Pour Jean-Pierre Pasquier (Quille), « deux grands principes sont appliqués au moment de la conception des plates-formes logistiques ». On établit auparavant le distinguo, d’une part entre le bâtiment isolé et le parc logistique, d’autre part entre le contexte de logistique locative et de logistique dédiée à une entreprise.

Les parcs logistiques bénéficient souvent d’un poste de garde général, ce qui n’est pas forcément le cas des bâtiments isolés. Dans le domaine de la logistique locative, les espaces extérieurs sont fermés par des clôtures de type treillis soudés de hauteur comprise entre 2 m et 2,5 m, et comportent :

  • des portails commandés depuis les bureaux, voire le poste de garde, avec des badges ou en interphonie.
  • des portillons pour piétons avec de l’interphonie, du Digicode ou du badge.
  • des parkings pour Véhicules Légers souvent séparés de la zone logistique par des clôtures et des portillons d’accès.
  • des parkings d’attente pour poids lourds en dehors du site logistique, mais à l’intérieur des zones.
  • des éclairages extérieurs et des éclairages du chemin de ronde autour des bâtiments.

De son côté, Pierre Chapon (Siemens) fait état de l’approche globale de sûreté et de sécurité prônée par son entreprise, de façon à satisfaire de prime abord les fonctions du bâtiment : « pas question qu’un système d’anti-intrusion puisse entraver la bonne marche d’une unité la fabrication ou la qualité de service d’un centre de distribution » lance-t-il. « L’approche globale participe à la réduction des risques, qu’il s’agisse de ceux impactant la qualité de service, l’image de marque de la société, sa santé financière, la conservation de son patrimoine ». L’approche globale permet aussi de trouver le bon compromis entre l’objectif attendu du système et son coût financier.

Olivier Lagneaux (DRIRE) intervient alors : « notre approche est basée sur l’aspect lié à la sécurité. Nous avons des objectifs de sécurité, tant en ce qui concerne la sécurité des personnes, que la protection de l’environnement. À titre d’exemple, voici un premier truisme : il est évident que, moins il y a de portes, moins il y a risque d’intrusion. Par contre, et c’est là un second truisme, moins il y a de portes, moins il y a de possibilités d’évacuation. D’où l’éternel problème à résoudre entre la sûreté et la sécurité. Et l’importance de recourir à une réflexion globale ». Concilier les deux dans chaque cas de figure, est-ce possible ? Point de recette magique ! Mais des échanges : « vous avez des contraintes. Nous avons d’autres contraintes ». Il est certain que d’autres acteurs - absents de la tribune - ont aussi un rôle à jouer : les SDIS (Services d’Incendie et de Secours) qui doivent pouvoir intervenir dans toute situation difficile, et le Préfet, responsable des problèmes liés à la sûreté. « Nous nous situons dans le cadre des Plans Particuliers d’Intervention (les PPI) » ajoute Olivier Lagneaux, « ceux-ci étant établis pour faire face aux risques particuliers liés à l’existence ou au fonctionnement d’ouvrages ou d’installations dont l’emprise est localisée et fixe ».

« Au Havre, certains entrepôts sont intégrés dans le PPI », précise Olivier Lagneaux : « il est aussi plus généralement des programmes d’ORganisation des SECours, les ORSEC, et c’est dans ce cadre que la DRIRE peut intervenir, tant à la conception, avec les pompiers et les exploitants (élaboration des dossiers d’autorisation d’exploiter) qu’en aval, dans le cas de situations difficiles à gérer, en appui du préfet ».




Quelques données statistiques préliminaires

Dans le cadre de son métier de consultant, Gilles Vaquin a procédé à quelques études qui sont retransmises ici : « des chiffres sur les accidents dans les entrepôts ont été publiés de façon disséminée ». Une synthèse a été établie sur les accidents liés à l’utilisation de matériels de manutention dans les entrepôts et dans les cours de chargement, tant dans les petites entreprises, que dans les grandes. Ce sont 18 décès qui ont été dénombrés en 2006, contre 16 en 2005. et 22 en 1991.

« La courbe est à peu près stable, bien qu’il y ait beaucoup plus de matériels en circulation aujourd’hui, ce qui signifie qu’en valeurs relatives, on est parvenu à abaisser le taux des accidents mortels ». Toutefois, au global, on dénombre 22 000 arrêts de travail en 2006, 958 d’entre eux ayant entraîné des invalidités partielles, voire définitives. représentant au total 826 000 journées de travail perdues. « Ces chiffres pourraient nettement s’améliorer s’il y avait une volonté de sûreté dans les matériels », estime Gilles Vaquin, ajoutant que « sur les 226 accidents étudiés par l’INRS, 37 % des personnes décédées étaient des piétons ! ».

D’autre part, 31 % des décès sont dus au renversement du chariot élévateur. Des solutions techniques existent pour y faire face.

Enfin, 32 % des décès sont dus à des risques divers. Notamment, 15 décès sont à mettre au compte de l’imprudence : tel opérateur est monté sur les fourches d’un chariot élévateur pour aller chercher une pièce dans un rayonnage, ou changer une lampe ! Rappelons que dans le travail en hauteur, l’utilisation des nacelles est rendue obligatoire !

Comment éviter qu’un chariot élévateur soit utilisé à mauvais escient ? « Tout simplement en interdisant son utilisation à des personnes non habilitées », répond Gilles Vaquin : « et ce, grâce à des systèmes techniques : le chariot élévateur va "lire" une clé Dallas, une carte à puce ou une étiquette électronique RFID qui sera couplée au système de lecture de badge d’accès au site logistique ». La liaison radio permet de faire communiquer toutes les informations de sécurité. On fera également usage d’un limiteur de vitesse du chariot de manutention, susceptible là encore de réduire considérablement le nombre d’accidents : le chariot réduira automatiquement sa vitesse en prenant les virages. Des détecteurs de chocs équiperont également le chariot, de façon à le stopper si le cariste venait à heurter fortement un obstacle fixe (des rayonnages) : l’opérateur devra aller chercher son superviseur pour remettre en route le chariot de manutention. « Bref, les solutions techniques existent chez les constructeurs ». Il est toujours utile de leur associer une séance de pédagogie afin d’expliquer au cariste les risques qui le menacent. Il convient de responsabiliser chaque cariste, appelé à utiliser un chariot pendant une période fixée : « j’ai mis en oeuvre ce processus chez certains de mes clients qui comptent jusqu’à 10 utilisateurs différents de certaines machines, donc 10 codes différents d’accès », explicite Gilles Vaquin : « si l’on retrouvait une machine détériorée, on saurait reconnaître le code d’utilisation au moment de la défaillance, et retrouver son conducteur car il est tracé. Voilà comment on peut responsabiliser chaque opérateur. Dans certaines entreprises, un budget est alloué à la casse : l’objectif est d’abaisser ce budget, la réduction étant susceptible d’être répartie entre les utilisateurs sous forme de points bonus ».

On estime d’autre part à 34 % des feux d’entrepôts qui ont une origine malveillante, alors que dans d’autres secteurs, cette cause arrive à la 3e ou à la 4e place parmi les causes d’incendie.

Attention ! Les valeurs annoncées relatives aux actes de malveillance proviennent, selon Olivier Lagneaux (DRIRE), des assureurs. Or tous les sinistres ne sont pas nécessairement déclarés, notamment lorsqu’intervient une franchise : si celle-ci est supérieure au coût réel de la malveillance, on ne fait pas de déclaration.


Les aménagements du bâtiment logistique

Dominique Le Tainturier constate qu’il n’est pas possible de concevoir une plate-forme logistique sans avoir à l’esprit tout à la fois la sûreté et la sécurité, et sans tenir compte des items se rapportant tant à l’évacuation qu’à la problématique de l’intrusion. Comment aménager une plate-forme pour que l’accès ne soit pas trop facile (éviter l’intrusion), mais aussi que cet accès soit tout de même suffisamment facile (permettre aux pompiers d’intervenir le cas échéant).

Toujours sur la problématique de la sûreté, Jean-Pierre Pasquier (Quille) préconise une action sur les issues de secours de façon à ce qu’elles soient non-décondamnables de l’extérieur : on peut toujours les ouvrir de l’intérieur, mais jamais de l’extérieur. Ce qui n’est pas la situation idéale pour les SDIS. « Nous essayons de ne pas mettre d’accès direct entre les locaux techniques (chaufferies, locaux de transformateurs.) et l’entrepôt. Pas de baies vitrées sur la hauteur des deux premiers mètres de l’entrepôt. Ce qui toutefois pourrait être critiqué par l’Inspection du Travail en cas de présence de postes fixes. Une autre solution serait de grillager les parties vitrées ».

À propos de la sécurité incendie : « il est impossible de se passer des lanterneaux de désenfumage. Ils sont barreaudés ». Il en va de même des éclairages zénithaux par lanterneaux : eux aussi sont souvent barreaudés. Le barreaudage sert à deux composantes de la sûreté : il empêche la chute dans les lanterneaux lorsque ceux-ci sont ouverts. Le barreaudage permet aussi d’éviter le risque de passer au travers de lanterneaux zénithaux, au cas où quelqu’un viendrait à heurter l’un d’eux. Les accès en toiture sont nécessaires, puisqu’il faut bien les entretenir. Généralement, ils sont réalisés par des échelles à crinoline - conçues et fabriquées en respect de la norme Française NF E 85010 - condamnables.

Les accès aux bureaux et aux locaux sociaux sont généralement sécurisés au moyen de digicodes, ou d’autres systèmes de contrôle d’accès. Les menuiseries extérieures aux bureaux sont bien souvent conçues avec des vitrages retardateurs d’effraction. Les locaux d’accueil de chauffeurs (y compris salle de repos, sanitaires et douches) sont usuellement à l’extérieur, sans accès direct avec l’entrepôt, ou au travers d’un sas gardienné.

On peut compléter ces moyens en doublant les clôtures par l’extérieur soit avec des haies défensives, soit par des fossés interdisant le lancement d’un véhicule bélier. Attention aussi aux merlons faisant obstacle au flux thermique : ils peuvent faciliter l’intrusion !


Mais la vulnérabilité des bâtiments, c’est quoi au juste ?

« Quels sont les outils à mettre en place pour éviter l’intrusion et réduire la vulnérabilité des bâtiments ? », s’interroge Dominique Le Tainturier qui souhaite l’intervention de Pierre Chapon (Siemens) s’apprêtant à suivre la voie tracée par Jean-Pierre Pasquier (Quille) sur les différents volets de la vulnérabilité technique.

« Tout est une question de temps », affirme-t-il : « il faut gêner l’intrus dans sa progression, le retarder par des objets physiques, des grilles, des portes qui ferment bien ». Sans oublier de jouer également sur le temps en détectant l’intrusion le plus précocement possible sur le périmètre de l’enceinte, puis à la périphérie du bâtiment, en protégeant les vitres, les portes. Une démarche qui ira jusqu’à la protection de l’objet que l’on veut soustraire à la convoitise. Sans oublier de transmettre l’information issue de la détection.

La mise en oeuvre de moyens électroniques s’impose, certes. Mais au préalable, n’oubliez pas les règles d’usage : ne pas mettre un objet de valeur près d’une paroi, mais plutôt au centre du risque. Il ne faut pas le cacher, mais plutôt l’éclairer pour gêner le malfaiteur.

« Il existe de nombreuses possibilités techniques et électroniques pour ralentir, voire arrêter l’acte malveillant. Mais avant de définir la solution à adopter, il convient de se poser les bonnes questions : contre qui veut-on se protéger ? Quel est le risque à éviter ? Est-ce la perte du patrimoine ? La perte d’un objet rare, unique ? Ou celle d’un process de fabrication ?». Qui est le prédateur : un malfrat du quartier, ou la personne indélicate désireuse d’emprunter un objet rare du patrimoine ? Les personnes incriminées, sont-elles bien entraînées ? Quel temps se sont elles données pour parvenir à leurs fins ? Il faut tenir compte, dès le début du projet, de ces différents risques, mais aussi identifier les menaces à éviter (Le vol ? L’agression d’une personne ? L’incendie ?). La réponse à toutes ces questions permettra de bâtir une stratégie de protection adaptée aux risques. « Ces considérations font partie de notre approche globale : celle-ci est très mathématique. En effet, le risque est le produit de la menace par la vulnérabilité. Il faut d’abord s’occuper des menaces, puis quantifier la vulnérabilité du site ». Cette vulnérabilité est bien souvent d’ordre humain, celle de personnes ayant très envie de parler et de donner (même involontairement) moult informations à des malfaiteurs. Ceux-ci apprendront que telle porte n’est pas toujours fermée le soir. « Il faut faire passer le mot d’ordre de la discrétion au sein de nos équipes ! ».


Y a-t-il des indicateurs de performances à mettre en place en matière de sûreté ?

Les logisticiens ont déployé de nombreux indicateurs de performance, susceptibles d’être utilisés pour mesurer la sûreté. Ainsi, l’utilisation d’un matériel roulant (le chariot de manutention) est susceptible d’être mesurée par le nombre d’heures de fonctionnement. On pourrait imaginer de diviser cette mesure par le nombre d’accidents, et ramener le résultat au coût de l’accident, pour trouver un bon indicateur.

Pourrait-on imaginer de même un indicateur pour qualifier la conception d’un bâtiment, en tenant compte du nombre d’intrusions ? « On n’a pas ce genre d’indicateur », répond Jean-Pierre Pasquier (Quille). « C’est l’assureur qui est actuellement le mieux placé pour tenir les comptes de la malveillance ».

Venons-en aux entrepôts classés ICPE (Installations classées pour la Protection de l’Environnement) Il revient à Olivier Lagneaux (DRIRE) de nous éclairer sur ces établissements.

Pour mémoire, selon l’article 511-1 du Code de l’Environnement, les installations classées se réfèrent aux installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, pouvant présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, l’environnement, la conservation des sites et des monuments, ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Le régime des ICPE est issu d’une loi du 19 juillet 1976, aujourd’hui codifiée aux articles L 511-1 et suivants du Code de l’Environnement, et de son décret d’application du 21 septembre 1977. Cette loi de 1976 a remplacé une loi du 19 décembre 1917 qui classait les établissements selon trois critères : insalubre, dangereux ou incommode. Ces installations et activités sont inscrites dans une nomenclature, et doivent obtenir une autorisation préfectorale, ou être déclarées avant leur mise en service, suivant la gravité des dangers ou inconvénients qu’elles peuvent présenter.

Pour chacune des rubriques de la nomenclature figurent le rayon d’affichage, c’est-à-dire le périmètre au sein duquel doit être organisée l’information préalable au public, et le régime dont relève l’activité ou le produit :

  • A, pour Autorisation,
  • D, pour Déclaration,
  • La catégorie S concerne les installations devant faire l’objet des servitudes, c’est-à-dire essentiellement les installations Seveso et présentant des risques technologiques majeur
  • L’organisation de la nouvelle nomenclature :
    • Série des 1000 : classement par substances. Par exemple, 1 400 pour les substances inflammables. La rubrique n° 1510 concerne le stockage de matières, produits ou substances combustibles [tout ce qui peut brûler, palettes et emballages compris] en quantité supérieure à 500 t dans des entrepôts couverts, le volume des entrepôts étant supérieur ou égal à 50 000 m3 (régime A), supérieur ou égal à 5 000 m3, mais inférieur à 50 000 m3 (régime DC).

    • Série des 2000 : classement pas activités (par exemple : 2 300 pour les activités liées aux textiles, cuirs et peaux).

A titre d’exemple donné par Olivier Lagneaux, dans l’arrondissement du Havre, sont instruits bon an, mal an, entre 4 et 6 dossiers de nouveaux entrepôts soumis autorisation. « Les règles du jeu sont à peu près connues, dans la mesure où la réglementation est quelque peu "fluctuante" du fait de ses évolutions et du retour d’expérience ». Et Olivier Lagneaux de donner l’exemple du lamellé-collé dont sont constitués de nombreux entrepôts, classé jusqu’alors M0. et qui ne devraient plus l’être à terme. Ce classement M correspond à la réaction au feu d’un matériau, c’est-à-dire son aptitude à s’enflammer, à contribuer au démarrage et à la propagation de l’incendie.


Le classement M compte 6 catégories :

  • M0 pour les matériaux incombustibles,
  • M1, non inflammables,
  • M2, difficilement inflammables,
  • M3, moyennement inflammables,
  • M4, facilement inflammables,
  • M5, très facilement inflammables.

Ce système va disparaître petit à petit du fait de la mise en application de la Directive Produit de Construction (DPC) qui impose le marquage CE sur les produits. Il va faire place au système de classification européen appelé Euroclasse. Les classes A1 à F remplacent M0 à M4 dès lors que le marquage CE du produit entre en vigueur, c’est-à-dire pour les produits qui ne requièrent pas d’essai en vue d’une classification.

« La réalisation d’un dossier Installation Classée peut être l’occasion d’une réflexion de l’exploitant (et de son bureau d’études) en quête de la solution globale la mieux adaptée à sa situation », commente Olivier Lagneaux. Ce dernier note que la rubrique n° 1510 est une réglementation franco-française : en Europe, la directive Seveso impacte les installations classées, et il revient à l’Etat membre de décider des normes de sécurité à appliquer derrière ses propres frontières. En fait, une concurrence existe entre les Etats membres : il n’existe pas [encore] de texte européen permettant d’uniformiser les pratiques, de sorte que certaines entreprises françaises peuvent être amenées à subir cette concurrence de la part d’autres s’implantent dans des pays où la réglementation est moins contraignante, où l’on ne s’intéresse qu’aux issues de secours et au travail en grande hauteur, sans se préoccuper des normes de détection d’incendie. Ainsi en est-il d’industriels chinois implantant leur entrepôt en Europe, peu importe que celui-ci soit localisé en France, en Allemagne ou en Belgique, pourvu que les coûts soient minimalisés.

Sous l’impulsion de Pierre Chapon (Siemens), le débat s’oriente vers un aspect particulier de la réglementation, faisant intervenir la rubrique 2662 (stockage de matières plastiques, caoutchoucs, élastomères, résines et adhésifs synthétiques) et la rubrique 2663 (stockage de pneumatiques et produits dont 50 % au moins de la masse totale unitaire est composée de polymères : matières plastiques, caoutchoucs, élastomères, résines et adhésifs synthétiques). Sont classées les installations pour lesquelles le volume susceptible d’être stocké est :

  • supérieure ou égale à 1 000 m3 dans le cas de la rubrique 2662, ou 2 000 m3 dans le cas de la rubrique 2663 : régime de l’Autorisation,
  • supérieure ou égale à 100 m3, mais inférieure à 1 000 m3 dans le cas de la rubrique 2662, supérieure ou égale à 200 m3, mais inférieure à 2000 m3 dans le cas de la rubrique 2663 : régime de la Déclaration.

Dans le cas du régime de Déclaration, il est préconisé d’installer des détecteurs de fumée. « En effet, explique Pierre Chapon, un foyer d’incendie dans un dépôt de matières plastiques ne se développe pas de la même manière que dans un dépôt de bois. On observe une longue période durant laquelle le feu couvant émet des aérosols de combustion sans pour autant développer de flammes, ni d’élévation suffisante de température pour mettre en oeuvre le sprinklage ».

Dans une installation renfermant à la fois des substances classées 1510 soumises à Autorisation, et 2662 soumises à Déclaration. le régime d’autorisation l’emporte sur le régime déclaratif. « Tel est le droit », juge Olivier Lagneaux (DRIRE), « le Code de l’Environnement laisse une place à l’arbitrage par un arrêté préfectoral qui, s’il ne peut contredire l’arrêté ministériel, est susceptible de prévoir différentes solutions, notamment la détection de fumée ».


La bonne information bien transmise

Dominique Le Tainturier s’interroge : « dès lors que l’on a détecté un événement malveillant, il y a lieu de supposer qu’on a besoin d’outils pour prévenir. Mais qui ? Comment ? Dans quelles conditions ? ». Il faut transmettre l’information pour pouvoir agir.

La présence d’un poste de surveillance est bienvenue : l’intervention peut être très rapide du fait de la présence d’opérateurs sur place, connaissant bien le site. Leur action est complétée par des postes de télésurveillance agréés par les sociétés d'assurance : ils sont aptes à saisir l’information, l’horodater, la contrôler, et la transmettre de manière à faire intervenir un personnel interne (les cadres de l’entreprise, le personnel d’astreinte) disponible au moment requis.


De quoi sera fait demain ?

« Quelles sont les technologies émergentes ? », s’interroge Dominique Le Tainturier : « que pensez-vous de la nécessité de mise à jour des systèmes électroniques de protection des entrepôts ? ».

Pierre Chapon (Siemens) répond en premier : « il est essentiel de rendre crédible l’alarme. C’est surtout ce qui est cherché pour le moment ». Il faut éviter que l’alarme anti-intrusion se déclenche intempestivement, et ce, en couplant plusieurs phénomènes physiques (ultrasons, infrarouges.) de manière à les rendre intelligents le plus possible.

Du côté des contrôles d’accès, un badge peut se perdre ou être donné, un digicode n’est pas inviolable du fait des traces de doigt que l’on laisse sur les touches. « En matière de contrôle d’accès, on se dirige vers la biométrie, l’empreinte digitale, l’empreinte rétinienne. ». De tels systèmes innovants sont d’ores et déjà commercialisés : leur rapidité de détection est un critère important, dans la mesure où il faut contrôler un flux de personnes traversant un portique (pas question de faire la queue pour aller travailler !). « La recherche porte également sur l’amélioration de la maintenabilité des systèmes : on s’oriente vers la télémaintenance afin de pouvoir intervenir à distance, sans avoir à se déplacer ».

Revenant sur les statistiques d’accidents, Gilles Vaquin note que « les accidentés ne vivent pas nécessairement dans l’entrepôt. Certains, tels que le chauffeur de camion, ne pénètrent que périodiquement dans l’entrepôt. Nous nous attendons à ce que très prochainement, une solution soit mise au point pour la détection homme-machine et machine-homme. Lorsqu’un intervenant extérieur pénétrera dans l’entrepôt, on lui confiera un badge possédant une adresse électronique. Il sera prévenu par un signal sonore dès qu’un matériel de manutention se rapproche de moins de 20 m de lui. Le conducteur du chariot sera lui aussi prévenu de la présence d’un piéton à proximité de lui ». D’autres technologies : téléphone portable, Wi-Fi, RFID. vont nous permettre de communiquer les uns avec les autres au sein de l’entrepôt.

« Il y aura aussi lieu de mettre en place des mesures organisationnelles. Des mesures indispensables pour la maintenance des sites logistiques et l’amélioration concomitante de l’accidentologie », estime Gilles Vaquin.

Qu’en est-il de l’avenir en matière de conception des bâtiments ? Jean-Pierre Pasquier (Quille) répond en faisant état des bâtiments écologiques, intégrant le développement durable. « Sur les plates-formes logistiques, on a tendance à voir des bâtiments qui grandissent, qui s’approfondissent. Auparavant, il n’était pas rare de trouver des bâtiments de 100 m de profondeur. On commence à trouver des bâtiments de 120 m, 130 m, ou 140 m, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes quant à la sécurité contre l’incendie. Problèmes de gestion des issues de secours d’abord : dans une construction locative où la cellule voisine est occupée par une autre entreprise, comment gérer l’issue de secours qui se trouve dans le mur coupe-feu ? De quel côté l’ouvrir ? Une réflexion s’impose sur la problématique qui en découle ». Quant aux chariots élévateurs, ils imposent la présence de locaux de charge, implantés habituellement à l’opposé des bâtiments, ce qui impose au cariste parvenant en fin de sa journée de travail de traverser toute la zone de stockage pour retourner à son vestiaire. Ceci ne représente pas la solution idéale eu égard aux accidents des piétons traversant la zone de manoeuvre des machines de manutention. Le fait de disposer les chargeurs juste derrière les locaux sociaux et les bureaux conduit par ailleurs à s’interroger sur les rayonnements électromagnétiques. Bien d’autres problèmes se posent qu’il va bien falloir revoir : la gestion de l’eau, la gestion des déchets...

Voir également : le compte rendu de la table ronde n°2 : La maîtrise des risques dans la chaîne logistique intégrée


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