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Flow n°30 : le Rhône, axe logistique majeur, visions d’avenir
 

La voie fluviale, un potentiel encore sous exploité

Depuis sa libéralisation en 2000, le trafic global des voies d’eau de France connaît une hausse de 3% en tonnes transportées et, de plus de 10% en tonnes-km. Sur le Rhône la tendance était aussi à la hausse, avant que les effets de la crise économique ne viennent l’affaiblir, hormis pour le segment des conteneurs, qui reste dynamique. Cependant les capacités du réseau fluvial restent, de fait, largement sous-exploitées du fait de dysfonctionnements politiques, économiques et techniques.

La France dispose du plus long réseau fluvial navigable européen, même s’il est concentré sur la partie est de l’Hexagone et si les principaux axes de grand gabarit (convoi maximal de 4.400 tonnes) ne sont, malheureusement, pas connectés entre eux, faisant de la Seine ou du Rhône des voies de circulation sans issue (voir p.11). Le transport fluvial est reconnu comme présentant de nombreux avantages par rapport aux autres modes de transports terrestres (route et rail). Mode de transport massifi é pour les marchandises, il permet ainsi des émissions de CO2 plus faibles que la route à la tonne transportée et est généralement fi able1. De plus, la voie fluviale n’est pas soumise aux mêmes réglementations : elle ne requiert donc pas d’autorisation spéciale pour le transport de colis lourds ou encombrants et se prête aussi particulièrement bien au transport de marchandises de matières dangereuses.


  • LE RHÔNE, VECTEUR DE DYNAMISME ECONOMIQUE

Le Rhône est l’un des principaux fl euves d’Europe, et le plus puissant fl euve français. Long de 812 km, il constitue l’épine dorsale des territoires qu’il traverse, de sa source suisse dans les Alpes jusqu’à la mer Méditerranée.

Il traverse et unit trois régions de forte activité économique : Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur – respectivement 2ème et 3ème en termes de PIB – et Languedoc-Roussillon. Ce grand bassin d’affaires, où réside un cinquième de la population française, est irrigué par les nombreuses entreprises industrielles ou logistiques implantées le long du fl euve (230 entreprises actuellement).

Dans la logistique contemporaine régie par le « juste à temps », le transport sur le Rhône offre de nombreux atouts concurrentiels :

  • Disponibilité et fiabilité : le centre de gestion de la navigation de la Compagnie Nationale du Rhône, concessionnaire (voir p.16), permet une navigation optimisée 7/7, 24/24. Par ailleurs est garanti un tirant d’eau de 3 mètres toute l’année sur l’ensemble du linéaire.
  • Sûreté et sécurité : la voie d’eau est un mode de transport particulièrement adapté aux matières dangereuses (produits chimiques, gaz liquéfi és ou autres vracs liquides).
  • Continuité fluvio-maritime : les bateaux fl uvio-maritimes (voir p.18) transportant du vrac accèdent directement à la mer sans rupture de charge dans les ports maritimes.
  • L’avantage écologique en plus : à volume transporté égal, le transport fluvial consomme 4 fois moins de carburant et émet 4 fois moins de CO2, ce qui permet aux chargeurs de réduire leur empreinte environnementale et de contribuer aux objectifs de réduction de la pollution atmosphérique.

En 2013, le trafic aurait reculé de 2,9 % sur le bassin Rhône-Saône, selon TFF (Transporteurs fl uviaux de France) “impacté par la baisse des produits métallurgiques et agricoles ainsi que par un phénomène de surcapacité”. Néanmoins le segment des conteneurs continue à se développer sur l’axe rhodanien, grâce notamment à des opérateurs dynamiques. Ceuxci augmentent leurs capacités, avec des bateaux de plus en plus gros, et arrivent à convaincre de nouvelles entreprises d’intégrer le mode fluvial dans leurs stratégies de développement, notamment sur les segments d’activité qui constituent ses trafi cs de base, comme le BTP ou le transport de céréales. D’autres secteurs, comme la collecte de déchets ou les opérations logistiques jusqu’au coeur des villes, sont aussi en forte expansion.

Cependant les capacités du réseau fluvial national comme rhodanien restent, de fait, largement sousexploitées, le transport fluvial ne représentant à titre d’illustration que 4% du total du trafi c national de marchandises.

1 Même si la catastrophe du Waldhof a engendré une interruption d’un mois de la navigation sur le Rhin.

Quelques chiffres clés en 2012 sur le transport fluvial sur le Rhône (Source : CNR)




Le transport fluvial, une opportunité pour le territoire régional



Dans un article paru fin 2013 (http:// www.metropolitiques.eu/Les-enjeux- du-transport-fluvial.html), l’auteur note ainsi que, malgré des lois environnementales qui tendent à promouvoir le transport fluvial, d’autres politiques nationales ont eu tendance à le freiner : le renoncement lors du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire de 2003 au projet de canal Rhin–Rhône en est un exemple. Des mesures récentes favorables au transport routier viennent aussi potentiellement freiner le développement du transport fluvial. La complexité du système d’acteurs est également un élément qui rend diffi cile, selon elle, la mise en oeuvre de projets coûteux pour développer et moderniser le transport fluvial. Ainsi, selon l’auteur, si à l’échelle du Rhône des réseaux se sont mis en place (association MedLinkPorts (voir p.12), Comité des ports), les mécanismes de concurrence sont patents entre les pouvoirs publics des différents territoires sur lesquels se trouvent ces ports : « Autant le CPIER Plan Rhône constitue un espace de gouvernance permettant la mise en place de partenariats entre des acteurs comme VNF, la CNR, les régions et services de l’État, autant il constitue aussi un lieu d’arbitrage pour l’attribution des financements publics sur les projets portuaires. L’exemple des interfaces de Laudun-l’Ardoise, Le Pontet et Courtine est assez intéressant en la matière ». C’est pourquoi Emilie Ruin conclut que, « malgré l’augmentation globale du transport de marchandises par voie fluviale depuis 1995, la mise en cohérence des politiques favorables au transport fluvial aux échelles nationale, régionale et locale reste un impératif pour améliorer signifi cativement la qualité du réseau et accompagner la structuration professionnelle de ce secteur afin d’atteindre une mobilisation de la voie fluviale optimale.»

Selon Nicolas Bour, directeur des liaisons européennes de Voies navigables de France (VNF), le concept de corridors intermodaux européens ne peut que favoriser la voie d’eau et l’instauration d’un dialogue renforcé entre tous les acteurs concernés (infrastructures, territoires, acteurs économiques, … ).


  • LES PORTS MARITIMES, POINT CRITIQUE (ET COUTEUX) POUR LE TRANSBORDEMENT DES BATEAUX FLUVIAUX

Hans Van Der Werf, secrétaire général de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin (cf. Dossier spécial fluvial JMM 4904, décembre 2013) insiste pour sa part sur l’aspect compétitivité économique, primordial dans le choix de la solution de transport. Une étude menée par cet organisme conclut que les (sur)coûts de la navigation intérieure proviennent essentiellement de la mauvaise prise en charge des bateaux fl uviaux dans les ports maritimes. L’utilisation d’infrastructures et outillages non adaptés ou dédiés aux seuls bateaux fl uviaux engendrent des délais et retards importants lors des transbordements et, de manière générale, des coûts trop élevés. Est aussi pointé un manque de coordination entre les acteurs de la chaîne, que des projets informatiques de gestion des escales et du transbordement peuvent néanmoins pallier, en améliorant l’optimisation et la fl uidité des opérations.

Bien sûr, en France, la question des Terminal Handling Charges (THC) appliquées au fluvial, qui pénalisent ce mode par rapport au ferroviaire et routier, constitue selon les opérateurs fl uviaux l’indispensable frein à lever pour le positionnement concurrentiel et la stabilisation du modèle économique du fluvial.

Est donc réclamée une harmonisation des modes d’application des THC, d’autant plus vivement que les coûts de transbordement auraient dérapé depuis la réforme portuaire, ayant été revalorisés par les sociétés de manutention.

2 Soutenance d’une thèse en géographie et aménagement en 2013 à l’université Lyon 3, laboratoire Magellan. Chargée de mission prospective, infrastructures et territoires au Conseil général du Vaucluse depuis mars 2008.


  • UN MODE DE TRANSPORT ÉCOLOGIQUE PERFORMANT À PROMOUVOIR

Le mode fluvial constitue un mode indispensable pour relever les défi s à venir, notamment pour augmenter la part du transport non routier et non aérien de marchandises de 14% à 25%.

Il représente en effet un mode de transport de fret massifi é très performant, au regard de sa sûreté, de sa fi abilité, de sa fl uidité, de sa souplesse, de ses performances environnementales en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de consommation d’énergie et de nuisances phoniques.

  • LA RÉGION PACA, PORTE D’ENTRÉE PRINCIPALE DU BASSIN

La région Paca recèle des atouts indéniables en termes d’accessibilité et de desserte fluviale.

Elle bénéfi cie d’une double porte d’entrée sur le bassin fluvial Rhône Saône, aménagé à grand gabarit sur plus de 550 km jusqu’à la plateforme de Pagny sur Saône :

  • une porte maritime, avec le Grand Port Maritime de Marseille, relié au fl euve via le canal de Marseille
  • une porte fl uvio-maritime, avec le port d’Arles, bénéfi ciant d’une accessibilité nautique performante, et supérieure aux autres ports de l’axe, lui permettant d’accueillir des navires fl uvio-maritimes de 3.500 tonnes.

Cet avantage lui permet l’organisation de chaînes logistiques composées de trajets fl uviaux entre Arles et les autres ports intérieurs de l’axe (transbordement entre les unités en provenancedu nord du bassin et les navires fl uviomaritimes de plus fort tonnage) et de trajets purement maritimes en provenance ou à destination des ports méditerranéens.

La région Paca concentre par ailleurs des ports dynamiques, contribuant activement à la croissance des trafi cs fl uviaux sur l’axe.

  • Le port de Marseille – Fos contribue à 40% du trafi c fluvial du bassin en volume, à 70% des tonnes.kilomètres parcourues et à 100% du trafi c conteneur du bassin. Il génère des trafi cs principalement liés à l’approvisionnement de l’agglomération lyonnaise et du couloir de la chimie et à l’activité céréalière bourguignonne.
  • Le port d’Arles est le premier port de la basse vallée du Rhône avec un trafi c transbordé d’environ 485.000 tonnes en 2012 et une croissance de 120% en 10 ans. Port polyvalent, il traite différents types de trafi cs (produits agricoles, sels, engrais, combustibles, minerais, produits métallurgiques, produits chimiques) et bénéfi cie d’une large zone de chalandise.
  • Le port du Pontet représente une plateforme multimodale dynamique et structurante pour l’approvisionnement en matériaux de construction des agglomérations d’Avignon et d’Orange, avec un trafi c de l’ordre de 250.000 tonnes/an.

Une mobilisation des services de l’État en région

Dans le cadre de la mise en oeuvre du CPIER 2006-2013, les trois principaux ports de la région, le GPMM, le port fluvial d’Arles et le port fluvial du Pontet ont bénéfi cié de subventions publiques pour moderniser et développer leurs équipements fl uviaux et ainsi conforter leur positionnement. Les opérations emblématiques sont la construction d’un troisième poste à quai et de la plateforme associée sur le port d’Arles, la modernisation des infrastructures portuaires du port du Pontet permettant un doublement de sa capacité de traitement, l’amélioration du pôle céréalier des Tellines et des postes d’attentes fl uviaux dans le Port de Marseille-Fos.

La nouvelle programmation du plan Rhône vise à poursuivre les investissements sur les plateformes portuaires régionales afin de répondre à la demande des marchés locaux et de proposer aux utilisateurs de l’axe Rhône Saône des infrastructures permettant des gains de productivité. Il s’agit également à conforter les ports comme des noeuds de communication, connexion de fret maritime, fluvial et ferroviaire.


  • LE PORT DE MARSEILLE – FOS, UN SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DES TRAFICS FLUVIAUX

Le mode fluvial dispose des capacités pour drainer de nouveaux trafi cs conteneurs pour le Port. Dans le contexte concurrentiel entre les ports, les pré et post acheminements deviennent un facteur de différenciation qui doit être développé et mis en valeur à Fos sur Mer. Le port de Marseille-Fos est en effet le seul port d’Europe du Sud à être relié à un réseau fluvial à grand gabarit.

L’objectif est donc de créer les conditions d’un développement et d’un traitement optimum des escales fluviales à Fos, il s’agit de garantir un accès direct, permanent et en toute sécurité des bateaux fl uviaux aux terminaux maritimes, en favorisant les transbordements directs bateaux-navires ou les reprises à quai en limitant les ruptures de charges et les transferts terrestres. Ceci implique notamment de recourir à des équipements et à des modalités de main d’oeuvre adaptés au mode fluvial et à la mutualisation des coûts entre tous les modes de transports terrestres et aussi de faciliter le transit des navires fl uvio-maritimes vers le bassin. L’inscription d’une stratégie fluviale dans son nouveau projet stratégique paraît donc incontournable.


  • UN TERMINAL TRIMODAL INTÉGRÉ, MODERNE ET PERFORMANT SUR LA PLATEFORME PORTUAIRE DE COURTINE

L’émergence possible d’un hub trimodal sur la plateforme portuaire de Courtine est liée à la conjonction de quatre facteurs : le besoin de modernisation et d’extension du terminal rail – route de Champfl eury, la zone portuaire de Courtine de 70ha sur laquelle un port devrait être aménagé conformément au cahier des charges de la concession CNR, l’opportunité d’organiser la massifi cation fluviale et ferroviaire pour favoriser le report modal et la dynamique du Comité des ports sur l’axe Rhône Saône.

Une démarche d’étude, pilotée par l’État et associant les collectivités territoriales concernées (CR PACA, CG du Vaucluse, CA Grand Avignon, ville d’Avignon), la CNR, VNF et RFF, est en cours, pour confi rmer l’opportunité et définir les conditions de réalisation d’un hub trimodal et plus largement les modalités d’aménagement de la plateforme portuaire de Courtine. Cette démarche s’appuie sur plusieurs études (ferroviaire, fluviale, de raccordement ferroviaire de la plateforme portuaire, d’aménagement de la plateforme, sur le montage juridique et opérationnel), dont les conclusions devraient être rendues au plus tard à l’automne 2014. L’étude ferroviaire a confi rmé l’urgence de moderniser et d’augmenter la capacité du chantier rail – route à court terme (horizon de saturation critique 2016 / 2017). La rive gauche du Rhône concentre 85 à 90% du trafi c actuel du terminal et il y a un potentiel de reportmodal de la route vers le fer estimé de 10.000 à 30.000 UTI à court terme sur l’axe Sud – Nord et à plus long terme vers l’Ouest. La captation de nouveaux fl ux ferroviaires passe nécessairement par l’exploitation de trains longs, ce qui est diffi cile sur l’infrastructure actuelle au regard de ses limites d’exploitation et de capacité.

L’étude fluviale a conclu que le trafi c fluvial conteneur, pour lequel un marché existe, notamment en lien avec les ports maritimes, ne peut se développer que grâce au transfert du terminal rail – route. Elle préconise le développement d’une escale fluviale à coût marginal et décline les conditions suivantes :

  • la mutualisation complète de la manutention ferroviaire et fluviale,
  • la mise en place d’une 4ème couche de conteneur sur un service existant opérant aujourd’hui à trois couches entre Fos et Lyon,
  • un besoin de zones logistiques pour soutenir et fixer des trafics fluviaux et une réorganisation à terme de chaînes logistiques.

Ainsi, un terminal trimodal intégré, moderne et performant sur la plateforme portuaire de Courtine permettrait de consolider le noeud d’Avignon, de structurer et consolider les services au conteneur dans le bassin Rhône-Saône et ainsi d’augmenter la part modale fluviale dans l’approvisionnement du territoire.

Enfin, l’étude fluviale a également mis en évidence l’existence d’un besoin signifi catif avéré pour la fi lière traditionnelle fluviale à l’échelle de l’agglomération d’Avignon et dont les réponses devront être apportées par les ports du Pontet et de Courtine.


Le fluvial, un avantage compétitif pour le port de Marseille-Fos



  • LE PARTENARIAT MEDLINK PORTS

    • Une initiative innovante s’appuyant sur des actions concrètes

Le port de Marseille-Fos a initié fin 2008 le partenariat Medlink Ports1 avec 9 plateformes multimodales de l’axe Rhône-Saône et VNF. Le Port de Sète a rejoint le partenariat en 2012.

Medlink représente 550 km de voie d’eau à grand gabarit (possibilité de transporter ≈ 4.400 tonnes ou ≈ 170 conteneurs en un voyage) mais surtout une zone de chalandise de 14 millions d’habitants.

Le partenariat Medlink Ports a été avant tout une stratégie d’hinterland plus qu’une stratégie de façade maritime de type HAROPA. Sans identité juridique à ce jour, ce partenariat a tout d’abord donné du sens à une coopération, en développant et confortant progressivement des synergies : promotion commune, services clients, conseil logistique… La diversité des membres qui le composent (GPM, port de région, ports intérieurs de type SA, ports inté-rieurs d’émanation CCI...), en font une initiative unique, un précurseur qui confi rme le rôle essentiel de la qualité de la coordination avec le territoire et les connexions terrestres dans la compétitivité portuaire. La possibilité que le partenariat Medlink se dote d’une structure juridique est à l’étude.


  • DEUX OBJECTIFS MAJEURS


    • Promouvoir l’atout fluvial

Faire connaître (au national et à l’international) l’offre multimodale proposée par le Range sud français. Pour ce faire, Medlink s’appuie sur une newsletter, un site internet et a renforcé sa présence sur les salons professionnels (Top Transport, SITL, River Dating…). Cette promotion commence à porter ses fruits et la marque Medlink est désormais reconnue au niveau international.

Plus récemment l’accent a été mis sur le développement d’atouts clients.

    • Développer des services clients

Les services clients permettent de répondre au mieux aux besoins des chargeurs et de les fi déliser, ainsi que de conquérir de nouveaux fl ux/concurrents du Range nord. Concernant les services clients, les derniers développés sont :
Harmonisation de la qualité de manutention : la mutualisation d’un expert de la manutention verticale permet d’assurer une manutention de qualité homogène tout le long du réseau fluvial. Cette évolution trouve un écho favorable auprès des chargeurs, pour les produits à forte valeur ajoutée notamment.
Medlink CO2 : le chargeur peut calculer son économie de rejet de CO² en comparant les modes fl uviaux et routiers, grâce à l’éco-calculateur développé par VNF.
Une cellule de conseil en logistique fluvial : le réseau met gratuitement à disposition des chargeurs un expert logistique afin de les conseiller sur l’éligibilité de leur fl ux à la multimodalité. Cet expert assure aux chargeurs qui le désirent une expertise globale et neutre (conseiller non rémunéré à l’affaire).
Avantages chargeurs labellisés : les chargeurs qui seront labellisés Medlink – la labellisation démarrera en mars 2014 – pourront bénéfi cier de mesures commerciales avantageuses sur le réseau, notamment pour le stockage de leurs marchandises conteneurisées.

Ces deux dernières expérimentations sont menées en partenariat avec le Comité des Ports.

Sont en Projet également :

Medlink Safe : service destiné à assurer une fl uidité et une sûreté optimale sur le réseau Medlink. Ce service est plébiscité notamment par les chargeurs ayant à faire de l’import/export de conteneurs dangereux.

  • Il favorise la mise en OEA (Opérateur économique agréé) de l’ensemble des acteurs et ports du réseau Medlink afin d’assurer un couloir de transport encore plus sûr et fl uide.
  • Il offre un jour de stockage supplémentaire sur les terminaux maritimes du GPMM pour les marchandises utilisant le fer ou le fl euve.
  • Il facilite en amont, dans l’hinterland, la déclaration des

Medlink + : vise à assurer un transport de l’information plus rapide et plus sûr entre chaque intervenant de la chaîne logistique, grâce notamment au déploiement de l’outil AP+2 sur l’axe. Cela permettra un gain de temps pour les clients qui suivront leurs marchandises en temps réel et pourront anticiper leurs opérations (manutention, transport et livraison) et ainsi débouchera sur une effi cacité accrue.

1 Medlink Ports : ce partenariat regroupe les plateformes multimodales réparties sur les 550 km de l’axe fluvial à grand gabarit Rhône- Saône (Pagny Terminal, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Villefranche-sur-Saône, Lyon Terminal, Vienne-Sud, Valence, Avignon-Le Pontet et Arles) et les ports maritimes de Marseille-Fos et Sète.
2 AP+ est le système informatique portuaire (26 ports équipés à travers le monde dont Marseille Fos et Sète).


  • LES AUTRES ACTIONS DU GPMM EN FAVEUR DU REPORT MODAL

Si, en tant qu’aménageur, le GPMM développe des infrastructures multimodales, il mobilise aussi le levier des services et des incitations pour développer le recours aux modes massifi és.

On peut citer de manière non exhaustive, le fait de :

  • Inciter à la création de nouveaux services massifi és : une aide au démarrage a été mise au point par le GPMM pour aider, durant la période de lancement, toute nouvelle ligne vers une nouvelle destination dans l’hinterland.
  • Accompagner le développement de procédures douanières simplifi ées : le GPMM accompagne leur mise en place par les opérateurs fl uviaux et ferroviaires, avec les Douanes. Elles sont gages d’économies d’échelle, de gains en transit time, de réductions de coûts portuaires.
  • Partager avec l’hinterland un maillage informatique optimisé dans la poursuite de l’ouverture d’AP+ procurant un avantage concurrentiel pour le GPMM (simplifi cation et projection dans l’hinterland au plus près des besoins de ses clients).
  • Contribuer activement à la démarche en faveur de l’unifi cation de la THC (Terminal Handing Charge) pour tous les modes terrestres afin de dynamiser équitablement le transport fluvial au départ des ports maritimes.
  • Les chiffres du fluvial au GPMM en 2013Avoir obtenu l’inscription du port de Marseille-Fos en noeud stratégique multimodal du réseau central du RTE-T et maillon des corridors multimodaux « Mer du nord – Méditerranée » et « Méditerranéen » : cette marque de reconnaissance et de confi ance européenne pourra notamment s’accompagner d’aide aux projets structurants de desserte du port proche (terminaux de transport combiné, accès ferroviaires, liaison fluviale) ou lointaine (contournement de Lyon…), et permettre aux opérateurs de disposer de sillons internationaux performants.
  • Promouvoir le développement d’infrastructures massifi ées sur ses emprises (terminaux combinés, liaison fluviale…) ou accompagner, y compris financièrement, les maîtres d’ouvrage Le fluvial, un avantage compétitif concernés.



Témoignages et présentations d’acteurs fluviaux rhodaniens


  • LE PORT D’ARLES

Le port d’Arles est une plateforme multimodale gérée par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Pays d’Arles. Cette infrastructure est située en rive gauche du Rhône au nord d’Arles, au sein d’un site industriel et portuaire destiné à l’implantation d’entreprises.

L’activité du port, qui connaît une hausse régulière (+6% du CA en 2013 par rapport à 2012), est constituée uniquement de fret en conventionnel (c’est-à-dire non conteneurisé). Le tonnage annuel varie entre 480.000 et 500.000 tonnes.

Le transport fluvial représente environ 20 % des fl ux enregistrés sur la plateforme arlésienne. Ce mode est marqué en particulier par les trafi cs suivants :

  • Ballast ferroviaire en provenance de Mâcon ;
  • Sel de déneigement destiné à l’ensemble de l’axe Rhône Saône ;
  • Engrais : trafi c à l’import avec transbordement sur barges pour le Rhône amont. Cette activité fait l’objet d’un projet de création d’un pôle en partenariat avec l’entreprise Sud Engrais Distribution implantée à proximité du port ;
  • Céréales de Bourgogne à l’export en transbordement de barge à navire : trafi c en baisse en 2013 ;
  • Certes faible en tonnage, le trafic des colis lourds et encombrants est assez intéressant. 2013 a été marquée par un record de tonnage battu puisqu’un colis de 450 t a été embarqué au port d’Arles. Il s’agissait d’un réacteur fabriqué par une entreprise emblématique d’Arles : les CMP (Constructions Métalliques de Préfabrication).

Tous les types de bateaux fl uviaux ont accès au port d’Arles, de la péniche Freycinet de 250 t au convoi poussé de 2 barges de 4 400 t.

Le port dispose de 2 terminaux distincts :

  • le terminal sud, pourvu d’un quai de 220 m associé à un terre-plein de 3 ha.
  • le terminal nord, qui fait l’objet d’un projet de 7,5 millions d’euros qui portera d’ici l’été 2014 le linéaire de quai de 80 à 180 m et le terre-plein de 0,5 à 2 ha.

Cet important investissement a le soutien de l’Europe, de l’Etat, du CR Paca, du CG 13, de la CNR et de la CCI du Pays d’Arles.

Avec cette prochaine extension, le port d’Arles devrait permettre la création de nouveaux services, le trafi c conteneurs est en particulier visé. Encore absent des statistiques, ce type d’activité pourrait concerner des lignes régulières fluviales de transport conteneurisé domestiques, c’est-à-dire liant des ports fl uviaux du bassin.

L’action commerciale est portée en collaboration avec 9 autres plateformes fluviales, le port de Sète et bien évidemment le GPMM à travers Medlink Ports. Cet organe prend de la consistance et s’est doté de moyens importants pour faire de la prospection et promouvoir le système fluvial de l’axe Rhône-Saône.

Les deux types d’outils et de démarches ont été perçus comme intéressants pour appuyer des processus de ciblage de la VLD.


  • LA COMPAGNIE NATIONALE DU RHÔNE, UNE ACTIVITÉ DIVERSIFIÉE

Le 27 mai 1921 était votée la « Loi Rhône » approuvant un programme d’aménagement du fl euve, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des autres utilisations agricoles. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) est créée quelques années plus tard en 1933 sur le modèle d’une société d’économie mixte où se côtoient intérêts publics et privés, une première en France. Elle reçoit de l’Etat en 1934 la concession du plus puissant fl euve français pour l’aménager et l’exploiter selon trois missions solidaires : production, navigation, irrigation et autres usages agricoles.

Concepteur et exploitant des centrales hydroélectriques, barrages et écluses du Rhône, la CNR a également réalisé sur le fl euve des sites industriels et portuaires, des ports de plaisance, des haltes nautiques et des zones de loisirs. Elle aménage, équipe et exploite des plateformes portuaires multimodales et accompagne les entreprises dans leurs projets de développement qu’ils passent par une implantation le long du fl euve et/ou l’utilisation d’une logistique eau/fer/route.

A noter que, suite à la libéralisation du marché de l’énergie en France (loi du 10 février 2000), cette société a retrouvé son statut d’origine de producteur indépendant d’électricité et a fait son entrée sur le marché de l’électricité en avril 2001. Elle est actuellement le 1er producteur national d’énergie 100 % renouvelable et 2e producteur français d’électricité. L’expérience acquise sur le Rhône lui permet de proposer également des prestations en ingénierie fluviale et hydroélectrique en France et à l’international.

    • Les différentes solutions logistiques proposées

Le patrimoine industriel et fluvial de la CNRConcessionnaire du Rhône, la Compagnie Nationale du Rhône gère la navigation sur le fl euve et agit en faveur de son développement comme mode de transport alternatif, outil de développement des territoires. De la modernisation du réseau fluvial aux importants travaux de restauration des ouvrages, la CNR s’implique en faveur du développement de la voie d’eau. Elle investit chaque année en moyenne 7 millions d’euros dans l’optimisation de ses aménagements et équipements portuaires.

Entre Lyon et Marseille, 17 sites équipés d’ouvrages et/ou d’outillages fl uviaux assurent des connexions logistiques entre le fl euve, le rail et la route. Distants en moyenne d’une vingtaine de kilomètres, ils assurent un étroit maillage du sillon rhodanien.

Pour les services réguliers ou occasionnels, la CNR met à disposition ses infrastructures portuaires, ferroviaires et des services de manutention.

Elle propose aussi la location de parcelles viabilisées embranchées eau et/ ou fer sur lesquelles les entreprises peuvent construire leur propre quai et accompagne leur installation en proposant différents services :

  • analyse du projet d’aménagement de la parcelle,
  • conseil d’architecte spécialisé pour l’intégration architecturale, paysagère et environnementale du projet,
  • mise en relation avec les acteurs institutionnels locaux.

Sur certains sites, la CNR offre aussi des parcelles connectées uniquement à la route ainsi que la location d’entrepôts et de bâtiments industriels.


  • VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF)

Créée en 1991, succédant à l’Offi ce national de la navigation, Voies navigables de France, sous tutelle de l’État, est chargée de gérer la majeure partie du réseau des voies navigables de France.

VNF gère, exploite, entretient, modernise et développe le plus grand réseau européen de voies navigables, composé de 6.700 km de canaux, fl euves et rivières navigables en France, de 40.000 hectares de domaine public fluvial le long de ces voies et de plus de 4.000 ouvrages.

L’établissement contribue également au développement des activités fluviales, qu’elles soient liées au transport ou au tourisme. Depuis 2012, VNF peut aussi produire de l’électricité, à condition de ne pas nuire à la navigation.


  • LES OPÉRATEURS


    • Logirhône

En janvier 2008, le groupe Logiseine (Groupe CFT) a élargi son offre de transport combiné en créant Logirhône, un service desservant l’axe rhodanien entre le port de Fos-sur-Mer et Lyon, qui a repris l’activité d’Alcotrans qui datait de 2004.

Opérateur privé de transport combiné fl euve / route sur le Rhône entre Fos, Valence et Lyon, Logirhône met en oeuvre 3 navettes hebdomadaires d’une capacité chacune pouvant atteindre jusqu’à 288 EVP.

En 2012, cet opérateur a traité 39.600 EVP, en 2013 la croissance est de l’ordre de 11 % (soit environ 44.000 EVP).

Logirhône fait port to door ou door to port (grâce à des solutions de pre-post acheminement routières) de conteneurs maritimes 20 et 40’ dry et High Cube1 avec les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté et Suisse.

La société utilise les ports de Eurofos, Seayard, Valence (CCI Drome) et Lyon Terminal qui sont équipés en moyens de manutentions, de parcs sécurisés, et sous douane.

D’autres ports présentant les mêmes caractéristiques font actuellement l’objet d’études pour des développements futurs, tant en conteneurs maritimes qu’en conteneurs européens : le port d’Arles, Aproport Macon, Chalon sur Saône et Pagny. Ils pourraient constituer des leviers très importants pour le report modal et les activités futures de Logirhône.

À ce jour, Logirhône dispose de 1572 EVP de capacité hebdomadaire. Au-delà des conteneurs, il faut savoir que l’axe Rhône / Saône pourrait absorber jusqu’à 5 fois plus de trafi cs qu’aujourd’hui sans investissements majeurs.

Selon Alain Maliverney, directeur d’agence, l’enjeu actuel pour l’activité fluviale se situe aux ports de mer (Le Havre pour Logiseine et Fos pour Logirhône) : « Il faut que le transport fluvial soit traité comme un moyen terrestre, et qu’à ce titre, il ne fasse pas supporter à la marchandise des frais de manutention (THC) et ainsi être traité à égalité avec les autres modes terrestres que sont le fer et la route. Nous nous rapprocherions ainsi des conditions de tous les autres ports européens qui ne pénalisent pas le transport fluvial et donc le report modal. »

1 Même surface que le 40’ dry mais avec une hauteur intérieure de 2m69 au lieu de 2m38

    • Greenmodal Transport

L’autre opérateur de transport combiné (Rail-Route et Barge-Route) sur l’axe rhodanien est Greenmodal Transport, société née du regroupement de cinq métiers spécialisés dans le transport multimodal et les services associés, dont River Shuttle Containers (RSC). Greenmodal Transport assure trois départs hebdomadaires sur la Seine et le Rhône (avec des escales sur la Saône).


Zoom sur le transport fluvio-maritime

Comme le souligne la thèse « Le transport fl uvio-maritime, quelle pertinence socio-économique pour le bassin Rhône-Saône ? » de Charles LOPEZ (2008, Laboratoire d’Economie des Transports, LET - UMR 5593), la construction du mot fl uvio-maritime peut prêter à confusion. Contrairement à une idée répandue, le fl uvio- maritime ne désigne pas l’association de deux modes de transports distincts : le fluvial et le maritime avec transbordement de la marchandise pour passer d’un environnement à l’autre. Le transport fl uvio-maritime prolonge le parcours maritime sur les voies navigables (canaux, fl euves, rivières ou lacs) en pénétrant au coeur des territoires. Il permet de déplacer l’interface fl euve-mer à l’intérieur du continent.

La navigation fl uvio-maritime connecte un port intérieur, séparé par une mer ou un océan, à un autre port fluvial ou maritime. Le parcours en mer est suivi d’un parcours fluvial (ou inversement) sans transbordement de la marchandise d’un navire maritime vers une unité fluviale (automoteur ou convoi poussé).

La figure ci-dessous, adaptée des travaux de Rodrigue et Comtois, permet de comparer différentes chaînes de transport dont celle utilisant le fl uvio-maritime.

Cette figure permet de comparer différentes chaînes de transport dont celle utilisant le fl uvio-maritime.

Dans une chaîne de transport conventionnelle, dans laquelle on retrouve la route et/ou le rail associé(s) au maritime, le passage d’un mode à l’autre nécessite a minima deux ruptures de charge (dans chaque port maritime). Lorsqu’il est possible de recourir au fluvial, trois modes se succèdent, les pré/post acheminements par rail ou routiers précèdent/succèdent à un transport fluvial permettant de consolider ou d’éclater les fl ux dans les ports maritimes. Seul le fl uvio-maritime permet de contourner les ports maritimes en connectant directement un port fluvial à un autre. Les ports maritimes d’interface fl euve/mer sont court-circuités, constituant l’intérêt économique majeur du fl uvio-maritime puisqu’il s’affranchit au moins d’une rupture de charge.

À cheval entre deux environnements bien distincts, le fl uvio-maritime peut couvrir d’assez longues distances. Ainsi au nord, il met les bassins rhénan et séquanien en relation directe avec les îles Britanniques et la Scandinavie. Plus au sud, il offre depuis l’axe Rhône-Saône une desserte sans escale du bassin méditerranéen.

Il se prédestine par conséquent à l’acheminement de fl ux internationaux d’import-export, généralement sur de courtes distances (au titre du cabotage maritime par opposition aux voyages au long cours). Sur ce, certaines marchandises expédiées depuis le bassin Rhône-Saône sont transportées au-delà du détroit de Gibraltar et ont parfois même traversé l’océan Atlantique. Il s’agit notamment de colis lourds et encombrants dont les dimensions sont incompatibles avec un préacheminement routier.

Le conteneur de 45 piedsMode de transport plus coûteux comparativement à des maillons fl uviaux ou maritimes classiques, quel est l’intérêt du fl uvio-maritime ? Quel est son degré de pertinence ?

« Le principal attrait de ce transport réside dans son principe. En pénétrant au coeur des territoires mouillés (desservis par une voie d’eau à grand gabarit) il approche la marchandise au plus près de sa destination finale et/ou de son origine. Le fl uvio-maritime peut être perçu comme un service de porte à porte. À l’image du transport routier, il met en relation directe l’expéditeur et le réceptionnaire de la marchandise sans rupture de charge, si et seulement si, tous deux ont un accès à l’eau (appontement privé ou installation dans un port).
Contourner les ports maritimes qui assurent l’interface terre/mer représente un gain important pour le chargeur. Au minimum une rupture de charge est supprimée. Cette économie de coût s’accompagne d’une réduction des risques pour la cargaison (avaries, détérioration…) liés à la manutention. La qualité de la marchandise est préservée. Des manipulations successives contribuent à accroître la probabilité de casse. Ainsi pour le transport de céréales, des manutentions répétées cassent les grains. Cet aspect constitue le facteur de compétitivité du fl uvio-maritime

L’économie de coûts est d’autant appréciable que ports fl uviaux et ports maritimes n’obéissent pas aux mêmes obligations réglementaires et statuaires, notamment en matière de personnel. Le coût du passage portuaire est nettement inférieur dans les enceintes fluviales. Ainsi, plus la rupture de charge de l’interface fl euve/mer sera coûteuse, plus son élimination sera avantageuse. En retour l’avantage sera plus faible si la manutention est simple et « bon marché ».

C’est pourquoi, le fluvio-maritime est une solution de transport intéressante lorsque les manutentions sont complexes et longues (marchandises diverses, colis lourds…) et inversement pour des manutentions à forte productivité (conteneurs).

Extraits de la thèse « Le transport fl uvio-maritime, quelle pertinence socio-économique pour le bassin Rhône-Saône ? » par Charles LOPEZ - 2008
Ecole doctorale : Sciences économiques et Gestion - Laboratoire d’Economie des Transports (LET - UMR 5593) - Copyright : Sous contrat Creative Commons : Paternité LOPEZ Charles et Université Lumière - Lyon 2 - 2008

Document complet : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2008/lopez_c


Une nouvelle piste d’utilisation de la voie d’eau : la logistique urbaine fluviale

Il y a dix ans encore la logistique fluviale n’était envisagée en France que pour le transport des produits à faible valeur ajoutée sur de grandes distances. Cependant les réglementations et enjeux environnementaux, ainsi que la congestion des centres-villes, ont changé la donne et amené acteurs publics et privés à s’interroger sur le rôle de la voie d’eau pour l’approvisionnement des centres urbains.

Ainsi le Port de Lyon Edouard Herriot (PLEH), situé à moins de 4 km de l’hypercentre et se retrouvant aujourd’hui au coeur de l’agglomération, réfl échit depuis plusieurs année à ses relations avec une zone urbaine changeante. C’est donc naturellement que la Région Urbaine de Lyon (RUL), la CCI, et la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) ont choisi le PLEH pour accueillir le 29 novembre dernier des rencontres autour de la logistique urbaine fluviale.

L’occasion pour plusieurs intervenants de rappeler que l’approvisionnement des centres urbains par les voies navigables est aussi ancien que l’existence de villes fluviales telles que Paris, Lyon, ou Arles. Cette dernière est déjà au IIème siècle le siège de l’importante confrérie des Nautes. Le blason et la devise de Paris attestent de même que, jusqu’aux grands travaux ferroviaires, une grande partie de l’approvisionnement de la capitale était acheminée par le fl euve.

Cependant, l’approvisionnement des villes par les fl euves a progressivement été remplacé par le rail, puis la route. Les berges, un temps consacrées aux activités industrielles puis à la circulation automobile, ont aussi été réaménagées dans de nombreuses villes pour un usage de loisir et de promenade.


  • PORT FLUVIAL ET VILLE : UNE RELATION CONFLICTUELLE ?

La distribution des marchandises au coeur des villes par voie fluviale au XXIème siècle se heurte donc aux problématiques d’intégration au territoire urbain. En effet, elle s’inscrit dans une dynamique de compétition pour le foncier, devenu rare et cher, avec des confl its d’usages particulièrement exacerbés dans le cas des rives.

Utiliser cet espace pour des opérations logistiques demande donc un important travail sur l’acceptabilité de ces activités. Elles suscitent souvent un rejet de la part riverains, inquiets des nuisances associées à la logistique et aux activités productives (atmosphérique, sonore, visuelle), voie des élus locaux cherchant à valoriser les rives de leurs communes par des activités plus attractives.

C’est pourquoi, en 2009, l’initiative “Connecting Citizen Ports 21” a vu 7 ports intérieurs européens (Bruxelles, Lille, Paris, Utrecht, Bâle, Mulhouse, et Weilam-Rhein) se mettre en réseau pour échanger leurs bonnes pratiques et promouvoir l’activité fret. Il est aussi à noter que, lorsque cela est possible, l’activité fret peut s’accommoder d’espaces non revendiqués pour les loisirs, sous les ponts par exemple. Par ailleurs, au vu de la diffi culté à « reconquérir » les rives, il est important de défendre le maintien des ports intérieurs existants, comme le souligne Karin De Schepper, secrétaire générale d’Inland Navigation Europe, dans une interview au Journal de la Marine Marchande.

Afin de concilier les différentes activités sur les rives (fret, tourisme, loisir, passagers), il est impératif de bien penser d’un point de vue urbanistique l’intégration du port à son environnement urbain. Ainsi, un contact sans transition entre les activités d’un port dédié au BTP et les zones de résidence, comme c’est le cas à Choisy-le-Roi, est source de confl its. Pour améliorer une image jusque-là peu avenante (risques industriels, pollution, manque de végétation), le Port de Lyon Edouard Herriot a signé en 2008 une charte paysagère et architecturale. Le Port de Lille a axé son projet urbain et économique sur trois axes correspondant à différents secteurs : un port pour la ville, un port dans la ville, le port devient ville.

Un autre levier consiste à trouver des solutions de mixité des usages dans l’espace et dans le temps afin de promouvoir la cohabitation apaisée des usages plutôt que leur exclusion mutuelle. Ainsi l’idée de port public (ou port partagé) permet cette mixité : à Tolbiac, le site est occupé par des activités industrielles en journée, et réservé au loisir à partir de 17h ainsi que les weekends et jours fériés. Par ailleurs, l’image des activités logistiques peut aussi évoluer, notamment grâce à des initiatives de livraison verte.

Insertion urbaine et mixité des usages ne peuvent être mises en oeuvre qu’à travers une gouvernance inclusive, faisant travailler ensemble des acteurs variés. En plus d’une mobilisation des autorités portuaires et des chargeurs, les initiatives de logistique urbaine fluviale nécessitent une volonté politique forte. Au niveau européen, les autorités ne peuvent imposer des contraintes d’aménagement. Cependant des incitations indirectes (réglementations sur les émissions de polluants, soutien au développement de moyens logistiques propres) peuvent faciliter le recours à la logistique urbaine fluviale.

Vu leur compétence en aménagement, c’est généralement aux autorités locales de s’emparer du problème : en 2011 une charte de bonnes pratiques Connecting with Waterways, a Capital Choice a ainsi été signée par les autorités portuaires et politiques de cinq « capitales d’eau » : Bruxelles, Paris, Berlin, Budapest, et Vienne, en coopération avec la Fédération Européenne des Ports Intérieurs (FEPI). Michel Cote, directeur du développement économique et portuaire de la CNR, rappelle aussi que l’existence même du port de Lyon est due à une forte volonté politique du maire Edouard Herriot, il y a plus de 70 ans, contre l’avis de l’Etat.

Par ailleurs, ce nouveau mode de logistique urbaine appelle à repenser la fi lière de bout en bout, dans une multimodalité incluant le fluvial. Ainsi, le projet européen Watertruck cherche à développer le transport de marchandises sur de petits bateaux (600 à 1.350 tonnes), changeant le paradigme du capitaine de péniche vivant sur son bateau durant ses trajets, et amplifi ant les possibilités de transport sur des canaux secondaires. D’autres projets innovants en termes de contenants ont transformé des barges en centres de distribution urbaine itinérants. Avec un aller-retour quoquotidien entre Tolbiac et Grenelle, la péniche de « Vert chez Vous » débarque ses triporteurs électriques sur les quais parisiens par grue ; après leur tournée, ceux-ci sont à nouveau embarqués à la halte suivante, pour recharger une cargaison sur la péniche en mouvement. Ainsi les opérations de manutention ne sont plus synonymes de perte de temps.


  • QUELS USAGES DE LA VOIE D’EAU URBAINE POUR QUELLES MARCHANDISES ?

En France, l’utilisation principale de la logistique urbaine fluviale concerne depuis 20 ans les pondéreux en vrac : matériau (sable gravier), matières énergétiques (charbon, fuel), céréales. Ces produits à faible valeur ajoutée portent en général sur des fl ux prévisibles en amont, avec une faible urgence de transport. Le principal secteur bénéfi ciaire de ce mode est le BTP : à Paris 900 palettes hebdomadaires (sacs de ciments, briques, parpaings) assurent l’approvisionnement des chantiers, et évacuent des gravats et autres déchets. Les matériaux de constructions sont aussi dominants à Bruxelles, représentant 50% du trafi c du port.

Les pouvoirs publics s’intéressent également depuis plusieurs années au potentiel de la logistique urbaine fluviale pour évacuer les déchets ménagers. En effet les contraintes environnementales ont imposé une complexifi cation des procédures de traitement des déchets dès 1992, et une logique d’économie circulaire amène à considérer de plus en plus les ordures non pas comme des déchets, mais comme des ressources à valoriser. Aussi, les centres de traitement se sont éloignés des zones urbanisées du fait des nuisances générées ou perçues. L’utilisation des véhicules très spécialisés, comme les camions bennes, pour des transports sur de longues distances peut être très couteuse ; des villes comme Lille se sont donc tournées vers le fluvial, pour acheminer les déchets collectés et massifi és dans des centres de transferts vers les centres de tri et de traitement. Le fluvial est davantage encore utilisé en aval pour transporter les matériaux issus du traitement des déchets (mâchefer, compost). Ainsi l’agence métropolitaine de traitement des déchets ménagers d’île de France (Syctom) a généré le transport de près de 360.000 tonnes de matériaux par voie fluviale.

Si les fi lières traditionnelles de vrac se maintiennent, l’activité se développe. Après avoir conquis le maritime, les conteneurs arrivent maintenant par voie fluviale jusque dans les zones urbaines. Ce trafi c axé sur la distribution (biens de consommation, marchandises à haute valeur ajoutée) présente généralement une valeur ajoutée supérieure aux trafi cs de vrac traditionnels. Depuis 1994, la métropole parisienne connait un approvisionnement régulier par conteneurs depuis Le Havre ; 42% du tonnage en transport fluvial du Port de Lyon est constitué de conteneurs (capacité annuelle maximum des 2 terminaux : 450.000 EVP – trafi c 2012 fluvial : 69.619 EVP) ; le Port de Bruxelles, qui a mis en place un terminal dédié en 2004, a traité 16 000 EVP en 2012.

Des projets explorent des formats extrêmement variés de logistique urbaine fluviale. Le Port de Lille porte un projet de Centre Multimodal de Distribution Urbaine (CMDU) offrant une solution complète « du colis au conteneur », avec plusieurs expérimentations de distribution urbaine.

À Amsterdam, en 2010, le groupement de logisticiens Mokus Mariteam a mis à fl ot 2 bateaux à motorisation hybride. Grâce à sa grue hydraulique, l’un d’entre eux, le City-Supplier traite des marchandises variées sous forme de palettes, conteneurs, sacs, en passant par les citernes. Ses retours ne s’effectuent pas à vide, puisqu’il transporte du linge sale d’hôtellerie qui sera réacheminé propre, et des déchets ménagers à destination d’une centrale de combustion du port… qui en fera un combustible propre alimentant le navire. En France, le Groupe CFT a identifi é la logistique urbaine fluviale comme un secteur stratégique pour les 10 ans à venir, et fort d’une expérience de 40 ans, souhaite innover avec Libeccio, un ponton ro-ro fluvial associé à un pousseur sur le Rhône. Ces exemples soulignent que le changement de mode est une opportunité pour réinterroger l’ensemble de la chaîne, et réfl échir, entre autres, sur le contenant.

En région Paca, des innovations sur le contenant

De nouveaux types de logistique urbaine fluviale apparaissent, tournés vers la grande distribution et la messagerie. Didier Depierre (Haropa Port) indique qu’à Paris des réfl exions ont été menées dès 1998 avec Chronopost, mais ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que des projets innovants de logistique urbaine fluviale (hors BTP) se sont concrétisés, devenant des cas d’école en France.

Ainsi le projet Franprix-Norbert Dentressangle traite des produits alimentaires grâce à des caisses mobiles spécifi ques, approvisionnant 350 magasins Franprix intramuros. Les impacts écologiques sont nettement positifs (36% de CO2 économisés), mais la nouveauté de cette solution engendre pour l’heure un léger surcoût par rapport à la route. Pour faire émerger ce projet de multiples acteurs ont su travailler ensemble pendant 18 mois, y compris mairies d’arrondissements et mairie de Paris de bords politiques différents. Ports de Paris a, pour sa part, pris en charge l’aménagement et le renforcement du quai du Port de la Bourdonnais (1,6 M€ dont 600.000 pris en charge par l’UE via Interreg). Il faut cependant souligner que ce cas reste exceptionnel : en effet la massifi cation, qui rendrait le mode fluvial pertinent dans plusieurs villes, se heurte au refus des acteurs de la grande distribution de mutualiser leurs fl ux, pour des raisons de confi dentialité.

Ailleurs en Europe, des villes de canaux soutiennent des initiatives exploitant leur réseau historique, en respectant le patrimoine qu’ils représentent. Si à Venise, ceux-ci n’ont jamais cessé d’être la voie principale de transport de marchandises comme de personnes, la ville d’Amsterdam a, quant à elle, redécouvert le potentiel de ses voies d’eau de plus de 100 km en 1997. Réservé au seul transport de personnes durant presque 100 ans, les canaux ont ainsi été rouverts au transport de marchandises avec l’initiative « Floating Distribution Center » de DHL. Grâce à un bateau de 17m embarquant 5 coursiers à vélo, DHL propose un service de livraison express aux professionnels et a divisé par 5 le nombre de ses camionnettes circulant dans le centre historique. Cette initiative et celle de Mokus Mariteam sont à associer à une politique volontariste de la ville en matière environnementale.

À Utrecht, c’est suite à une limitation des livraisons par camion en 2000 que 4 brasseurs se sont associés pour mutualiser leurs marchandises dans un centre de distribution en amont de la ville et livrer les établissements du centre ville 4 fois par semaine à tour de rôle grâce… au Beer-boat ! Mobilisant un livreur et un conducteur manoeuvrant également la grue, celui-ci livre également des produits surgelés une fois par semaine. Le Beer-boat a évolué vers une péniche entièrement électrique pouvant charger jusqu’à 18 tonnes de marchandise, et divise par 18 les émissions de CO2 comparé à une livraison par camionnettes.

Ces exemples présentent l’avantage de ne pas nécessiter d’aménagements importants. En effet, l’adaptation des quais à la logistique peut s’avérer couteuse : la ville de Berlin a ainsi du débourser 1 million d’euros pour aménager des quais et une plateforme de stockage au bord de la Spree. Permettant d’évacuer les gravats issus du percement d’un tunnel et d’acheminer les matériaux de construction nécessaires à une extension du métro, cet investissement remplace pour le fl ux entrant 8.900 camions par 500 péniches. La municipalité réfl échit à une concession de la plateforme après la fin des travaux en 2019. Il faut cependant souligner que d’autres expériences pilotes de logistique fluviale dans cette ville n’ont pas été prolongées, ce qui s’explique partiellement par un trafi c routier restant relativement fl uide.

S’il n’y a pas de solution miracle, le fluvial peut enrichir la logistique urbaine d’un nouveau mode qui, associé à un éventail de solutions, contribue à l’effi cacité et au développement durable de la supply chain. Très spécifi ques, les projets de logistique urbaine fluviale varient d’un contexte territorial à l’autre, et nombre d’expérimentations n’ont pas été prolongées. Tout projet est en premier lieu conditionné par l’étendue et la qualité des voies d’eau ; dans nombre de villes fluviales, celles-ci sont cependant pour l’instant sous-exploitées, et exception faite de Venise, la question de la congestion fluviale ne se pose pas encore. Le fluvial doit également faire face à des problématiques classiques de la logistique urbaine, et nécessite des innovations technologiques et organisationnelles pour les surmonter. Si la compétition pour le foncier peut être un frein, la mixité des usages permet de le dépasser. Quant à l’aménagement, certains modèles à moindre impact ne demandent qu’une adaptation légère des rives, mais pour de nombreux usages, le ratio coûts-bénéfi ce des aménagements nécessaires reste prohibitif. Enfin, sur l’aspect organisationnel, il s’agit également de chercher l’optimisation, le fluvial demandant un effort particulier de massifi cation en amont les marchandises, tout en évitant les retours à vides, et en adressant la problématique du coût de la rupture de charge.


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