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"Quelles innovations supply chain pour le monde d'après ?"

INTERVIEW

‘‘La digitalisation a permis de pallier les contraintes liées à la crise sanitaire’’
I.BADOC, GENERIX GROUP


H. KERJEAN, AKANEA DEVELOPPEMENTInterview d’Isabelle BADOC, Supply Chain Solutions Marketing Manager chez Generix Group.

Réalisée le jeudi 17 décembre 2020 par Frédéric LEGRAS, Directeur du Portail FAQ Logistique dans le cadre du dossier thématique « Quelles innovations supply chain pour le monde d’après ? »


Quels ont été les impacts de la crise sanitaire sur l’organisation logistique et transport des chargeurs ?

Une partie des flux magasins ayant basculé sur des modes de distribution plus compatibles avec le respect des contraintes sanitaires (livraison e-commerce, click & collect, etc.), les chargeurs ont dû adapter leur organisation au traitement de flux moins massifiés caractérisés par une plus forte variabilité.

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Sur le volet transport en tant que tel, l’impact a été restreint dans la mesure où il s’est généralement limité à privilégier des expéditions de colis de moins de 30 kg au détriment de l’affrètement qui ne convenait pas à cette distribution plus fine. Passer par un messager revient finalement à mettre en place des interfaces ou à souscrire à des stations chargeurs de type Teliae ou TDI, ce qui est relativement rapide.

La gestion de l’entrepôt a par contre été plus fortement impactée du fait de contraintes renforcées.

Il a en effet fallu mettre en place une organisation de la préparation de commandes qui soit adaptée à des flux d’une plus grande finesse (plus de commandes avec moins d’articles par ligne) tirés par les plans de transport. L’ordonnancement doit être réalisé en fonction de la capacité des transporteurs à se présenter tout au long de la journée.
Les rendez-vous sont d’abord fixés avec les transporteurs et en fonction du planning défini, les ordres de préparation sont déclenchés. L’objectif est d’optimiser l’activité des quais d’expédition. Le modèle dans lequel, des commandes étaient préparées la veille ou le matin pour un chargement en fin de journée est quelque peu remis en cause, les quais devant être réservés aux expéditions à court terme.

Les retards pris par certaines entreprises en termes d’organisation et de systèmes logistiques ont été mis en évidence par la crise. Je pense en particulier à leur capacité à gérer des flux omnicanaux.

Si cela a motivé le déclenchement de nombre de projets d’investissements logistiques, une migration de WMS ou la mécanisation de son entrepôt sont des projets de plusieurs mois ne permettant pas de pallier les manques constatés à très court terme.




Les niveaux de stocks ont-ils été redéfinis ?

Lors du 1er confinement, on a pu noter une surconsommation des articles de première nécessité, les gens constituant des réserves chez eux. Les sociétés qui livraient ces produits ont réagi en limitant le nombre de variétés d’une même référence (moins de formats, moins de parfums, etc.). Cela a permis de contenir les impacts de l’augmentation de la demande sur les coûts de fabrication et sur les niveaux de stocks.

Ce phénomène ne s'est pas vraiment reproduit par la suite, sauf peut-être pour certains produits spécifiques (vélos, bricolage, décoration, etc.). Je ne pense d’ailleurs pas que cela impacte durablement les organisations.


Les coûts du transport routier ont-ils augmenté ?

La grande majorité des chargeurs n’opèrent pas le transport par leurs propres moyens. L’avantage de ce modèle est que leurs coûts transport sont variabilisés. Ils évoluent dans les mêmes proportions que l’activité et donc diminuent quand les ventes se réduisent. Ce n’est malheureusement pas la même chose en ce qui concerne les loyers des entrepôts et des bureaux.

Néanmoins, pour la partie des flux qui s’est reportée sur le e-commerce, les expéditions se font généralement par l’intermédiaire de messagers ou d’expressistes. Ramené à l’article, le coût est donc plus élevé que dans le cas d’un affrètement en camion complet.


Qu’a apporté la digitalisation dans ce contexte de pandémie ?

Je peux vous citer deux cas d’usage pour lesquels la digitalisation a favorisé des solutions permettant de pallier les contraintes liées à la crise sanitaire.

Nous avons pu démarrer des sites en Russie alors que la présence des équipes Generix sur place n’était pas possible. Une telle opération se fait généralement sur un week-end et tout le monde est sur le pont. Il n’est pas question pour l'éditeur de ne pas être là. Il est en effet de sa responsabilité de résoudre les éventuels blocages.

Notre client a dans le cas de la Russie investi dans des lunettes dotées d’une caméra. Cela nous a permis de suivre les opérations en direct à distance en lien avec ce que voyait le préparateur sur son terminal Radiofréquence. En cas de souci, il était possible de constater physiquement le problème et de débloquer la situation en accédant directement au paramétrage de l’application.

Ensuite, le digital learning a été particulièrement efficace pour former les nouveaux collaborateurs. Pour faire face aux pics de volumes, il a parfois été nécessaire de s’appuyer sur de nouvelles équipes ou de réintégrer des ressources venant d'autres sites. Des tutoriels très courts, prêts à l'emploi pouvant être diffusés sur les Smartphones des opérateurs ont favorisé leur montée en compétence rapide tout en soulageant fortement l'encadrement déjà bien occupé par ailleurs.


Quelles grandes tendances d’innovation peut-on identifier dans les prochains mois pour les entrepôts ?

Deux sujets deviennent, à mon sens, cruciaux :

  • La connexion avec les systèmes mécanisés

L’importance de la mécanisation n’est pas nouvelle, le sujet s’est néanmoins amplifié ces derniers mois. Mécaniser son entrepôt est en effet indispensable pour arriver à s’adapter aux fortes évolutions d’activité. De nombreux nouveaux systèmes apparaissent ainsi, visant à faire gagner du temps aux équipes sur des opérations à faible valeur ajoutée. Il est indispensable de trouver les solutions favorisant la connectivité avec ces systèmes.
C’est ce que nous souhaitons pour notre WMS avec l’objectif que nos clients puissent rapidement profiter des potentiels d’optimisation de ces nouveaux systèmes. Nous avons pour cela recours à des templates et des connecteurs.

Sur ce même volet de connexion, je pense qu’il est également important « d’éduquer » les différents intervenants (intégrateurs, constructeurs, éditeurs de WCS, consultants) pour éviter de faire un cas particulier de chaque projet d'intégration du moindre convoyeur.
Il est donc important de proposer des systèmes plus clé en main et d’essayer pour les clients de coller le plus possible au standard. Avec une telle approche, l'intégration est facilitée et il devient possible de réaliser un plus grand nombre de POC permettant de vérifier quels sont les outils pertinents qu’il conviendra de déployer.

  • Le pilotage et la planification des ressources

Il existe désormais des outils permettant de localiser les opérateurs et les matériels en temps réel dans l’entrepôt. L’activité peut ainsi être plus finement contrôlée et il devient possible de recevoir des alertes au fil de l’eau. L’optimisation des opérations est ainsi favorisée.

C’est particulièrement utile dans la mesure où, avec le développement du e-commerce, l’organisation de la préparation de commandes a été bouleversée. Il ne s’agit plus de livrer des palettes vers des magasins avec des départs fixes dans la semaine. L’activité du lendemain n’est plus connue la veille, mais des commandes devant être expédiées le jour même sont reçues au fil de la journée. Le portefeuille doit désormais être optimisé heure par heure avec une grande variabilité.

Avec les développements de l’Intelligence Artificielle et du Machine Learning, il devient possible de s’appuyer sur des algorithmes puissants permettant d’assister les managers dans leur prise de décision et de répondre ainsi en quasi-temps réel aux questions suivantes : comment traiter mon portefeuille de commandes ? Comment dimensionner mes besoins en ressources pour chaque tâche ? Quelle tâche affecter à quel opérateur ? Etc.
Tout cela est mis à jour en fonction de ce qui se passe réellement dans l’entrepôt et de l’enregistrement de nouvelles commandes à traiter.

Bref, la prise de décisions peut dès lors être accélérée et rendue plus efficiente.


Comment anticiper les risques ?

La crise sanitaire a mis en évidence l’intérêt de pouvoir identifier certains signaux et d’être en mesure d’implémenter des solutions alternatives très rapidement.

Je suis à ce titre très intéressée par ce qu’IBM a développé avec l’Intelligence Artificielle Watson. Celle-ci est en mesure de détecter les signaux faibles en scrollant toutes les news de la planète pour identifier les risques (géopolitiques, catastrophes naturelles, prix des matières premières, etc.). On est là sur du pilotage stratégique, l’objectif étant de pouvoir répondre à des questions du type : où puis-je m’approvisionner ? Quelle solution alternative puis-je adopter en cas de problème ? Etc.

C’est un principe qui n’est malheureusement aujourd’hui accessible qu’aux grands groupes.

À notre niveau, celui de l’exécution, nous travaillons avec nos Data Scientists sur l’identification en temps réel des possibles facteurs à la source d’un ralentissement de productivité.
Bien souvent, si une équipe est en retard sur son activité c’est qu’elle est dépendante de ce qui est fait en amont de son périmètre d’activité. Par exemple, les préparateurs peuvent être confrontés à des emplacements vides, l’équipe en charge du réapprovisionnement des pickings étant occupée à décharger les camions.
Quand les causes des retards sont récurrentes, les managers finissent par identifier le problème à l’aide d’outils d’Analytics et sont alors en mesure de les corriger. Mais il existe de nombreux autres cas, où les retards sont dus à de multiples causes qui chacune n’apparaissent que de manière sporadique, ce qui complique du coup la résolution des problèmes. L’entrepôt a des objectifs immédiats dont le respect n’est pas toujours compatible avec une analyse a posteriori.

La cible est donc ici de pouvoir corréler en temps réel le ralentissement constaté et ce qui se passe au même moment dans l’entrepôt. La démarche prend tout son sens sur de très grosses plateformes sur lesquelles les différentes équipes (réception, emballage, expédition, etc.) sont finalement assez cloisonnées.


Quel est le profil d’un Data Scientist ?

Un Data Scientist, est quelqu'un de très fort en Maths, qui sait où chercher les algorithmes, les comprendre et qui maitrise très bien certains langages informatiques. Il est ainsi en mesure de s’appuyer sur les bons outils pour créer des modèles et les tester.

Chez Generix, les Data Scientists sont rattachés depuis un an à la R&D, chapeautés par le Directeur du Data Lab qui a aussi sous sa coupe les Data Engineers et des Développeurs IHM.

Nos équipes ont beaucoup travaillé sur l’Analytics, sur l’analyse de la performance a posteriori que j’évoquais à l’instant. Les outils développés permettent d’identifier les leviers d'amélioration de la performance : revoir les emplacements, augmenter le nombre de tables d'emballage, etc.

Une de leurs missions dans les prochains mois sera donc d’aller vers plus de pilotage en temps réel.

Dans la mesure où nous sommes passés au mode agile avec de nouvelles fonctions disponibles tous les trois mois, nous devrions être en mesure de sortir des avancées significatives sur le sujet à partir de l'été prochain.


Comment intégrez-vous les clients dans la définition de votre Road Map ?

Nous visitons nos clients tout au long de l'année et en profitons pour échanger sur notre Road Map. Certains d’entre eux deviennent même pilotes ou participent à la réalisation de nouvelles fonctions soit individuellement, soit en groupe.
Nous pouvons ainsi tester au fur et à mesure nos développements et y apporter des améliorations sur la base de sprints de 3 semaines. Cela nous évite de subir un effet tunnel après six mois de R&D.

Ensuite, nombre de demandes de développements spécifiques sont réintégrées dans le standard.

Enfin, nous leur présentons les grandes tendances et les faisons voter sur leurs préférences. Cela nous permet de confirmer sur quels aspects nous devons en priorité porter nos efforts.

Nous nous sommes néanmoins rendu compte que peu de clients connaissaient réellement l’étendue des fonctionnalités de nos WMS et TMS. Une entreprise qui livre traditionnellement des magasins, mais qui souhaite désormais passer au e-commerce peut par exemple ne pas être sensibilisée au fait que tout un pan de notre système est conçu pour gérer ce type de flux. Il est donc important que nous les en informions.

C'est ce que nous souhaitons faire à l'occasion des réunions clients. Nous utilisons également le portail support clients pour communiquer sur les dernières releases.


Pour aller plus loin


Bio Expresss

Isabelle BADOC est titulaire d’un Mastère Spécialisé « Intelligence Marketing » obtenu à HEC en 1997 et diplômée depuis 2015 d’un MBA Global & Domestic Transport Management de l’E.S.T. Elle démarre sa carrière en 1998 chez Influe en tant qu’ingénieure commerciale sur la solution de Gestion Partagée des Approvisionnements puis est en charge du développement du marketing produit. En tant que Product Marketing Manager, sa mission consiste à définir la stratégie marketing produit de la plateforme collaborative Generix Supply Chain Hub, de l’animer et de la valoriser auprès des marchés cibles. Elle participe également activement en France aux rencontres de l’Agora Clubs ou de l’ASLOG.

Site Internet de Generix : www.generixgroup.com


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