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Le Feuillet Environnement de TL&A
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La Cour de Comptes dresse un bilan plutôt négatif du dispositif d’autoroutes ferroviaires, estimant que les deux existantes en France n’ont pas fait leurs preuves.

Projet phare de la première loi Grenelle en 2009, les autoroutes ferroviaires ont été envisagées pour contribuer au report modal du transport routier de marchandises sur rail.

L'autoroute ferroviaire alpine France-Italie et celle entre Perpignan et Luxembourg, les deux seules en fonctionnement en France (hors le tunnel Transmanche), ont été examinées par la Cour des comptes qui dresse un retour d’expérience du dispositif insuffisamment concluant. Actuellement, le concept n’est "pas rentable" et suscite "des interrogations" alors qu'un troisième axe estimée à plus de 190 million d’euros (autoroute ferroviaire Atlantique, entre le pays basque, la région parisienne et le nord de la France), est en projet.


Deux expériences "inabouties" et "déficitaires"

Les deux expériences sont jugées "inabouties" par la Cour, qui estime qu’elles sont "marquées par des retards" et qu’elles ont été "lancées sans études suffisantes".

Exploitée depuis 2003 par une sous-filiale de la SNCF et la compagnie publique italienne Trenitali, l’autoroute ferroviaire alpine s’étend sur 175 kilomètres, entre Aiton (Savoie) et Orbassano (Piémont). Selon le rapport, l’expérimentation de cette axe a "été contrariée […] par la lenteur à réaliser les aménagements de ligne, indispensables à son bon fonctionnement". Alors que cette expérimentation était prévue jusqu'à fin 2006, les travaux d’agrandissement du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis (mise au gabarit) réalisés par Réseau Ferré de France (RFF) pour la partie française, n'ont été achevés qu'en décembre 2010. Puis ce n’est qu’à partir de mi-septembre 2011 que les trains ont pu circuler sur deux voies "au lieu d’une seule mais à très petite vitesse (40 km/h)". Il aura donc fallu plus de dix ans, depuis l’accord franco-italien de 2001, pour queservice devienne "pleinement opérationnel".

Conçue en 2004 à l’initiative de partenaires privés et soutenue par les pouvoirs publics, l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg s’étend sur 1.045 kilomètres entre le terminal du Boulou (au sud de Perpignan) et celui de Bettembourg (Grand-duché de Luxembourg). La Cour considère que son ouverture commerciale, en 2007, "s'est faite dans des conditions techniques et économiques insuffisamment étudiées". Elle parle de "démonstration inachevée" et va jusqu'à remettre en cause le choix du site luxembourgeois qui "ne paraît pas justifié […] notamment en ce qui concerne les flux de marchandises". Selon le rapport, "le service, qui met en évidence les limites actuelles du système ferroviaire national, n'a pas encore fait la démonstration du niveau de fiabilité attendu par les transporteurs et leurs clients".

Malgré une augmentation de trafic de ces autoroutes, le rapport annuel dénonce deux exploitations "déficitaires" (- 3,45 M€ en 2011 pour l’axe Perpignan-Luxembourg). Tandis qu’une période de recul du fret est engagée, l’activité du transport ferroviaire et du combiné classique accusent une baisse de 20% par rapport à 2009.




"Des résultats modestes en terme de développement durable"

Alors que ces autoroutes présentent des "atouts réels" sur longue distance sur le plan environnemental, elles sont loin d’avoir atteint leurs objectifs attendus en matière de décongestion du réseau routier et de réduction de la pollution. Pourtant, l’emprunt de ces axes doit contribuer à atteindre l’objectif fixé par la loi Grenelle 1 de 14 à 25% de transports de marchandises alternatifs à la route en 2022.

En 2009, l’axe transalpin a transporté 22.600 camions et 26.000 en 2011 contre.000 poids lourds par anévus représentant 10% du trafic routier empruntant annuellement le tunnel du Fréjus. De son côté, la ligne Perpignan-Luxembourg a transporté 24.500 camions en 2009 et 36.500 en 2011 à comparer aux 1.100.000 transportés par les navettes ferroviaires transmanche. En 2015, 120.000 camions, soit un quart des camions en transit, seraient attendus. Cela représentera "moins de 3% du trafic de poids lourds, toutes catégories confondues".

En matière de gains d’émissions, les deux autoroutes ferroviaires auront permis d’économiser moins de 30.000 tonnes de CO2 en 2010, soit l’équivalent des émissions produites en seulement deux heures par le transport routier en France, selon les chiffres du Commissariat général au développement durable (CGDD) cités dans le rapport. La Cour dénonce la faible réduction des émissions de CO2 relative au report annuel de 500.000 camions: "0,45 million de tonnes prévues en 2020". Très loin des 15 millions de tonnes de CO2 en moins visés en 2020 pour le secteur des transports, par rapport aux émissions de 2005.


Améliorer l’attractivité et l’efficacité du système ferroviaire

Lors des dernières Assises du ferroviaires, les acteurs du transport de marchandises ont exprimé leur préférence pour le transport combiné, ne considérant pas les autoroutes ferroviaires françaises comme une réponse satisfaisante à leur besoins opérationnels. Rejoignant le point de vue de ces acteurs, la Cour des comptes précise que la capacité des autoroutes ferroviaires françaises "demeure marginale et la fiabilité du service doit y progresser".

Alors qu’environ 12 M€ de subvention d’exploitation publique sont dépensés chaque année pour ces deux axes, la Cour fait part de ses recommandations. "Les autoroutes ferroviaires ne pourront être une opportunité pour le fret ferroviaire qu'à la condition de démontrer leur capacité à fonctionner à terme sans aide financière publique récurrente". Dans la perspective d’un troisième axe atlantique "voire d’un quatrième", la Cour préconise de rééquilibrer la compétitivité entre la route et le rail, et "de ne pas la dégrader par des mesures réglementaires". À ce sujet, le rapport annuel estime que le passage de 40 à 44 tonnes, déjà autorisé pour les camions dans le secteur agro-alimentaire et conditionné aux autres secteurs dès la mise en place de l’écotaxe poids lourds mi-2013, est une mesure qui "va à l’encontre de la politique prônant l’essor des autoroutes ferroviaires".

En revanche, La Cour encourage la mise en place de "trains plus longs et plus lourds" permettant "d’abaisser le seuil de rentabilité et d’accroître les volumes du service". Elle suggère de "confirmer, dans les meilleurs délais, l’acceptation de trains longs (plus de 1.000 mètres) pour ce service". Le 19 janvier 2012, le ministère de l’Ecologie et la SNCF avaient déjà donné le départ d’un convoi ferroviaire, long de 850 mètres, pouvant transporter 48 semi-remorques et 2.400 tonnes de marchandises (contre 1.800 auparavant) sur l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg.

A la différence de l’autoroute ferroviaire alpine, la cour précise que l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg a une chance d’atteindre son objectif et, à moyen terme, l’équilibre économique.

"L'efficacité en report modal et l’intérêt environnemental de ces autoroutes ferroviaires resteront modestes mais dans un contexte où les solutions alternatives en matière de transports sont rares", conclut la Cour.

Rapport public annuel 2012 "Les autoroutes ferroviaires en France : premiers enseignements et enjeux pour l’avenir",
La Cour des comptes : www.ccomptes.fr

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