PRÉSENTATION DU PROJET VLD

Rechercher une réduction significative des émissions de Gaz à effet de serre (GES) et répondre aux défis d’un développement plus durable suppose de nouvelles pratiques de management logistique pour l’ensemble des acteurs.

Fiche projet

Cet effort de transformation et de redesign des chaînes logistiques vers plus de durabilité implique que tous les acteurs concernés soient en capacité de surveiller l’environnement de leurs activités (réglementations, technologies, stratégies des autres acteurs, mutations sociétales, etc.) pour comprendre les évolutions en cours et identifi er les ruptures à venir.

Une telle capacité d’écoute, surveillance et d’anticipation passe par le développement de pratiques de Veille Logistique Durable (VLD), à l’échelle individuelle ou collective, intra/inter- organisationnelle.

Tel était le point de départ, résumé par la fi gure ci-dessous, du projet de recherche « Bâtir une “ Veille Logistique Durable” pour relever le défi du Facteur 4* et concevoir des chaînes logistiques durables », soumis en 2009 au Programme Predit et financé par l’Ademe.

Plus précisément, le projet « VLD » avait pour objectif d’étudier les pratiques de veille à mettre en oeuvre dans la perspective de mutation des chaînes logistiques en contexte de développement durable.

La recherche s’est attachée à apporter des réponses aux questions suivantes : Qu’est-ce que la VLD ? Quelles en sont les spécifi cités ? Quelles sont les pratiques actuelles de VLD ? Quels sont les enjeux/ motivations à améliorer les pratiques de VLD ? Comment développer ces démarches ?

Le présent Focus, préparé par Nathalie Fabbe-Costes, Christine Roussat, Cendrine Fons, Stephane Sirjean et Anne Rollet du CRET-LOG, fait le bilan du projet en présentant le déroulement de la recherche, les principaux résultats, les conclusions que l’on peut tirer, tant du point de vue académique que pour les entreprises ou les pouvoirs publics, ainsi que les perspectives ouvertes.

De la prise en compte des impacts à l'anticipation des ruptures à venir

* L’expression Facteur 4 désigne un objectif ou engagement écologique qui consiste à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’un pays ou d’un continent donné, à l’échelle de temps de 40 ans (2050).




DÉROULEMENT DE LA RECHERCHE EN 5 ÉTAPES

La recherche a d’abord cerné les contours conceptuels de la Veille Logistique Durable (VLD) à partir d’une revue de littérature.

Fondés sur une approche qualitative (47 entretiens), puis quantitative (126 questionnaires collectés), les premiers résultats obtenus ont permis de dresser un état des lieux des pratiques de VLD en France.

La recherche a ensuite exploré les conditions au développement de ces pratiques à l’échelle intra/inter-organisationnelle, à travers 10 expérimentations en entreprises et l’organisation de 4 Focus Groups (groupes de discussion) et l’élaboration de 2 outils d’aide au ciblage des informations pertinentes à surveiller.


  • Etat de l’art : une revue de littérature pour cerner et défi nir le concept de VLD et son utilité

Comme c’est le cas dans toute recherche scientifi que, l’intérêt de développer des pratiques de VLD a tout d’abord été justifi é d’un point de vue théorique. Ensuite, les contours de cette veille ont été précisés à partir d’une revue de littérature croisant les champs veille, logistique et développement durable (cf. schéma à droite).

Ce travail d’état de l’art a permis de proposer une défi nition de la VLD et d’appréhender, toujours d’après la littérature, le champ potentiel d’investigation de la VLD : quels thèmes et quels acteurs cibler ? Cette défi nition a été ensuite stabilisée lors des différentes phases de la recherche : « La Veille Logistique Durable est le processus collectif, proactif, volontariste et multi-niveaux, par lequel les membres d’une organisation traquent, analysent, diffusent et utilisent des informations pertinentes dans le but de confi gurer et de développer des chaînes logistiques durables.

La VLD alimente l’interaction logistique/ stratégie/développement durable et permet d’appréhender les exigences du développement durable non plus uniquement comme source de contraintes ou de menaces, mais également comme une source d’opportunités stratégiques en utilisant le levier de la “logistique durable”. Les pratiques de veille logistique durable sont des pratiques de veille relatives aux évolutions de la logistique en relation avec le développement durable ».


  • Une étude qualitative des pratiques

Après avoir rigoureusement établi un guide d’entretien, 47 entretiens semi-directifs ont été menés auprès de parties prenantes variées de différentes chaînes logistiques en France : sociétés industrielles, commerciales, prestataires de services logistiques, gestionnaires d’infrastructures, institutionnels…

Ces entretiens ont permis de confirmer le besoin perçu par les acteurs de faire de la VLD, de mettre en évidence des pratiques de VLD, de cerner les motivations pour la développer, mais aussi de dégager les nombreux freins à surmonter. Cet état des lieux qualitatif a par ailleurs permis de préciser la manière dont les entreprises positionnent la logistique et le développement durable dans leur stratégie et de cerner leurs initiatives en matière de logistique durable.

  • Une étude quantitative des pratiques

Sur la base de l’état des lieux qualitatif, nous avons ensuite souhaité confi rmer et approfondir certains résultats par une enquête de type quantitatif. Un questionnaire en ligne a permis d’identifi er d’une part les contours et contenus des pratiques de VLD observées (acteurs et thèmes surveillés, modalités organisationnelles, sources d’information), et d’autre part, les motivations soutenant ce type de démarches et les freins les inhibant.

La recherche a ensuite exploré les conditions du développement des pratiques de VLD à l’échelle intra-, mais aussi inter-organisationnelle, à travers des expérimentations et l’organisation de Focus Groups. Ces deux approches ont permis de tester des outils et méthodes de ciblage et d’échanger de façon approfondie autour des pratiques de VLD.


  • Des expérimentations pour développer les pratiques intraorganisationnelles

Afi n d’aider à développer les pratiques intra organisationnelles de VLD, dix expérimentations réalisées en situations réelles d’entreprise ont permis de mettre en oeuvre et de tester une méthode et un outil de ciblage pour amorcer des démarches de la VLD dans des entreprises, et plus précisément cibler leurs besoins en information.


  • Des Focus Groups pour réfléchir sur les pratiques intra/inter-organisationnelles

Dans une perspective de développement de pratiques intra et inter-organisationnelles de VLD, quatre Focus Groups (dont deux en collaboration étroite avec le Cluster Paca Logistique) ont été organisés pour échanger sur le ciblage d’une VLD partagée ou collective et sur le développement effectif d’une VLD inter-organisationnelle.

La recherche a fait l’objet d’un bouclage final mettant en parallèle l’ensemble des résultats établis. La convergence des résultats nous a permis de tirer de nouvelles conclusions et de formuler des recommandations. Le schéma ci-dessous restitue le design d’ensemble de la recherche.

Design de la recherche


LES RÉSULTATS

Le premier enseignement fort de cette recherche est qu’une réfl exion sur les pratiques de VLD est pertinente pour toutes les organisations (grandes ou petites), et plus particulièrement pour celles dont les activités logistiques constituent le coeur de métier ou revêtent une importance stratégique.

La recherche confi rme en effet que :

  • le développement durable aura un impact sur les chaines logistiques de demain,
  • les entreprises s’engagent dans des initiatives de logistique durable,
  • les pratiques de VLD sont émergentes mais jugées indispensables.

L’état de l’art a mis en évidence une diversité forte de compréhension des notions de logistique, logistique durable, développement durable et veille. La notion même de « logistique durable » pose problème et mérite d’être mieux défi nie. Nos interlocuteurs pendant toute la durée de la recherche ont indiqué, dans leur très grande majorité, éprouver des difficultés à cerner ce concept et nous ont interpellés en tant que chercheurs pour en fournir une défi nition. Aider à développer une vision stratégique de la logistique durable et de ses apports constituera un préalable incontournable à la diffusion future de la VLD dans les organisations. La revue de littérature a aussi révélé un « vide » quant aux travaux à l’interface de ces notions.

L’exploration, via un état des lieux qualitatif, confirme que l’intégration des 3 piliers du développement durable conduit à des initiatives nombreuses, disparates et fractionnées. Développement et logistique durables sont autant perçus comme des contraintes que comme des opportunités. Si le besoin de VLD est très largement reconnu, les pratiques de VLD sont émergentes, et liées aux motivations personnelles de certains managers.

Spontanément, de nombreux freins à faire de la logistique durable et de la VLD sont évoqués, notamment le problème du très large spectre à couvrir qui impose de réfléchir au périmètre cible. Se pose aussi la question de savoir si la VLD doit être permanente ou par projet. Le besoin de soutien à la VLD, et notamment le rôle des institutions et associations professionnelles, est largement évoqué.

Les acteurs qui considèrent avoir des pratiques de VLD ciblent prioritairement les aspects réglementaires et technologiques et privilégient la surveillance des clients, des fournisseurs et des institutions. Ils mobilisent pour ce faire de très nombreuses sources, notamment les institutions.

L’état des lieux quantitatif a confi rmé ces résultats. Des pratiques de VLD existent mais la VLD est embryonnaire dans les organisations. Soutenue par des motivations contrastées (pro activité/ conformisme), elle apparaît très émergente et reste intra-organisationnelle. Les pratiques de VLD sont majoritairement informelles, issues d’initiatives individuelles spontanées et ad hoc, en lien avec des projets. Le spectre de VLD est large, cibles et sources ne sont pas priorisées. La VLD est restrictivement orientée vers l’étude des aspects règlementaires et législatifs, et vers la surveillance des acteurs au plus près de l’entreprise.

Les analyses statistiques conduites ont permis d’identifier :

  • deux modes d’organisation des pratiques de VLD : l’un plutôt opportuniste, l’autre plus formalisé. Mais globalement, les niveaux de pratiques restent faibles, voire inexistants. Aucun groupe “exemplaire” n’émerge de notre échantillon,
  • deux composantes de la motivation à la VLD : le conformisme et la réactivité,
  • trois principaux freins à la VLD : la difficulté à défi nir les attentes et les objectifs de la VLD, la difficulté à aligner la VLD avec la stratégie, et le manque de ressources et de compétences
  • un ciblage (thèmes, acteurs, sources) de la VLD trop large pour être opératoire. À noter cependant que la surveillance de nombreux thèmes et acteurs, sans centre focalisé particulier, peut néanmoins être considérée comme cohérente avec des pratiques de VLD « par projet », avec une priorisation des cibles (thèmes comme acteurs) fl uctuante et contingente aux projets engagés.

Composantes des pratiques de VLD, modes d’organisation, motivations et freins

Développer la VLD en s'appuyant sur les démarches de projet en entreprise ?

Au travers du programme de recherche réalisé, la VLD est apparue comme une pratique très individuelle, la plupart du temps menée en toute indépendance au sein des entreprises/ organisations par des acteurs motivés par la logistique durable.

La VLD semble ainsi difficilement actionnable, d’une part sur le plan collectif (intra-organisationnel), et encore plus sur le plan inter-organisationnel. L’une des expérimentations conduites dans le cadre de ce programme a ainsi permis l’initiation d’une démarche collective intra-organisationnelle de VLD au sein d’une entreprise. Mais cette démarche a soulevé un certain nombre de difficultés et a montré rapidement ses limites. Si l’entreprise a réussi à initier un partage d’informations et de connaissances, une montée en compétences des acteurs en présence et l’élaboration d’un début de matrice de ciblage, elle n’a pas abouti à la construction d’une vision commune de ce que pourrait être une VLD.

Parallèlement, les Focus Groups inter- organisationnels organisés dans le cadre de la recherche VLD ont aussi souligné les difficultés inhérentes au partage des informations de VLD et les limites induites par la collaboration entre entreprises/organisations aux connaissances/ expériences très diverses en matière de VLD.

Face aux diffi cultés identifiées, les phases d’approfondissement de la recherche avec la conduite des expérimentations et des Focus Groups ont donc surtout concerné la question de l’engagement d’une démarche de VLD et du ciblage des informations nécessaires.

Les travaux conduits se sont inscrits dans une volonté d’accompagnement du terrain en :

  • développant des méthodes de ciblage des informations pertinentes afin de guider les entreprises/organisations dans cette première étape du processus de veille et de les aider à amorcer une réfl exion/démarche de VLD,
  • explorant les potentialités d’une VLD inter organisationnelle susceptible d’amener les entreprises/organisations à dépasser les freins liés aux ressources et aux méthodes à déployer.

OUTILS PROPOSÉS POUR CIBLER LA VLD

Un besoin fort d’aide au ciblage de la VLD ayant été identifié, la recherche a donné lieu à deux développements d’outils pour initier une démarche de VLD et défi nir son champ d’investigation.

Le CRET-LOG a développé une démarche générique et modulable de ciblage fondée sur 6 niveaux inter reliés de surveillance. L’outil proposé est constitué de 6 matrices de ciblage, chacune s’inscrivant dans un niveau de surveillance donné (niveau sociétal, réseau, chaîne, entreprise, fonction, individu) et rassemblant un ensemble de catégories de cibles considérées comme génériques.

Matrice multi-niveaux pour cibler la VLD

L’outil, développé à partir de la littérature, a été enrichi grâce à la phase qualitative, puis testé dans le cadre des Focus Groups. Chaque participant a utilisé individuellement les matrices qui ont été discutées collectivement. Les discussions ont validé l’intérêt de l’approche multi-niveaux pour structurer le ciblage de la VLD et ont confi rmé la pertinence des 6 niveaux proposés et leur caractère inter relié.

Ces catégories de cibles revêtant une portée relativement « universelle », elles pourraient donc constituer, pour les entreprises souhaitant aborder simplement la démarche, un premier guide d’approche du champ d’investigation.

Plus globalement, l’intérêt de l’outil proposé réside également dans sa modularité : les utilisateurs peuvent rajouter ou ignorer des cibles. L’outil s’est aussi révélé un précieux support au dialogue et aux échanges de pratiques de VLD dans le cadre de démarches inter-organisationnelles.

Le CERAG a développé un outil informatique fondé sur une approche relativement exhaustive des acteurs et thèmes à surveiller, présenté sous forme de matrices de ciblage avec en ligne les thèmes et en colonne les acteurs.

L’outil répertorie 7 méta-thèmes : droit de l’homme, emploi, relations sociales et travail, environnement, logistique, réglementation, responsabilité du fait des produits, société (chaque métathème est composé de 54 thèmes et 107 sous-thèmes). Il répertorie 80 types de parties prenantes dont les plus saillants sont les clients, les fournisseurs et les pouvoirs publics.

Lors des expérimentations, les acteurs ont pu tester l’outil et cocher les cases jugées prioritaires qui doivent faire partie de la zone de surveillance. L’usage de couleurs permettait de préciser, en vert les points qui ne demandent pas d’effort de veille particulier, en orange pour les points pour lesquels un effort de veille devrait être entrepris pour l’améliorer et en rouge pour les thèmes prioritaires.

Les deux types d’outils et de démarches ont été perçus comme intéressants pour appuyer des processus de ciblage de la VLD.


TÉMOIGNAGE D’UN EXPERT

« Les entreprises membres du Club Démèter ont participé aux travaux menés par le CRET-LOG dans le cadre du projet VLD du Predit sur les pratiques inter-organisationnelles de veille en logistique durable. Nous avons participé aux entretiens semi-directifs menés par les équipes de chercheurs d’une part, et accepté de constituer un Focus Group dont les travaux ont abouti à la mise en place un groupe de travail d’autre part.

Il s’agissait dans le cadre de ce Focus Group, puis du groupe de travail, de partager une réfl exion sur les atouts d’une veille inter-organisationnelle organisée. La force de Démèter réside dans sa capacité à instaurer un climat de collaboration propice au partage. Ce terreau a été d’autant plus fertile pour cette réflexion que l’innovation et le « durable » sont des fondamentaux qui structurent les rapports interpersonnels des représentants des entreprises du Club Démèter. Ce groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises avec l’obsession de trouver la meilleure solution pour organiser un système opérationnel de veille et par défi nition mutualisé. Et c’est sur ce second point que les débats ont été soutenus. En effet, comment s’assurer qu’un sujet de veille réponde aussi bien au besoin d’un distributeur multi-formats, d’un prestataire logistique ou encore d’un industriel… C’est la force de Démèter de trouver ce compromis ou cet équilibre qui rassemble les différents acteurs.

En partant des recherches académiques pertinentes du projet VLD, de la dynamique insuffl ée lors du Focus Group, et forts d’échanges coordonnés au sein de Déméter, nous avons réussi à trouver une organisation effi cace pour créer et mettre en oeuvre une expérimentation concrète. Celle-ci voit le jour à partir du mois de novembre avec l’appui de CPV Associés. »

Julien Darthout
Responsable de l’animation du Club Démèter - Membre de CVP Associés

Club DEMETER



AVIS DU FINANCEUR

« Pour l’Ademe et le programme Predit, le travail réalisé dans le cadre du projet VLD constitue d’abord un modèle exemplaire de recherche menée avec rigueur et méthode, par une collaboration entre équipes complémentaires, et présentée avec beaucoup de clarté dans les rapports successifs d’état des lieux puis dans le rapport final.

ADEME

Les résultats insistent notamment sur le rôle des pouvoirs publics comme source d’information sur la logistique durable du futur, et sur l’évolution des lois et réglementations comme cible privilégiée de la veille. L’Ademe est donc particulièrement satisfaite de ce projet et concernée par ses résultats et les prolongements à envisager

Marc Cottignies - Ingénieur service transports et mobilité - Ademe – Financeur Predit


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